En 1969, Laurence J. Peter a mis au point une méthode qui expose pourquoi les administrations publiques et les entreprises sont trop souvent le refuge de personnes incompétentes. Depuis, le principe de Peter est utilisé pour expliquer comment des personnes en arrivent à occuper des postes pour lesquels elles n’ont pas la moindre des qualifications, jusqu’à atteindre leur niveau d’incompétence.
Vous avez deviné de qui je parle en amenant Peter à la barre ? Du député de La Peltrie et ministre de la Cybersécurité et du Numérique dans le gouvernement québécois, le ci-devant Éric Caire. En 2018, François Legault lui avait confié le poste de ministre délégué à la Transformation numérique gouvernementale. Wikipédia le décrit comme un « entrepreneur en informatique ».
On ne s’attend pas à ce qu’un ministre responsable du numérique se préoccupe de l’avenir du caribou forestier ou encore de la crise du logement. Mais est-ce trop demander à un ministre qui touche un salaire de 167 482 $ par année, accompagné d’une allocation annuelle de fonction de 9600 $, qu’il s’occupe de ce dont on lui a confié la charge ? Preuve s’il en faut que la compétence et le jugement ne sont pas livrés avec la limousine.
Quand la médecine ne sait plus trouver d’explication à une éruption cutanée de type urticaire, elle conclut qu’elle est de nature psychosomatique. Elle a sans doute raison, la médecine. Elle a sans doute raison parce qu’étant régulièrement frappé par ce que je qualifierais de crises d’urticaire psychologique, je sais très précisément, pour l’avoir vérifié mille fois, quelle en est la cause et ce qui provoque ces crises : les péteux de broue !
Caire s’est lavé les mains du fiasco constaté à la SAAQ. Le ministre responsable du numérique au gouvernement n’avait personne de son ministère pour accompagner cette société d’État. Et on nous dit que la prochaine étape, ce sera le ministère de la Santé ! On se sent vraiment en sécurité…
Il y a 15 ans, Éric Caire – que j’appellerais plutôt Urti Caire tellement il me donne des démangeaisons – avait rêvé de la direction de l’ADQ après le départ de Mario Dumont. Il avait été congratulé non pas une, mais au moins deux fois par André Pratte, éditorialiste à La Presse, pour s’être déclaré prêt à fêter la défaite des Plaines d’Abraham.
Pratte avait écrit : « Seul le député adéquiste Éric Caire a réagi avec maturité, soulignant que « ‘‘c’est notre histoire, que ça plaise ou non’’ et que s’en offusquer aujourd’hui, c’est agir en ‘‘colonisé’’ ». À une autre reprise, l’homme lige de Power Corporation ajoutait : « Il a fallu un député adéquiste, Éric Caire, pour faire la part des choses, à l'instar de tous ces Québécois francophones qui ont suffisamment confiance en eux pour ne pas grimper dans les rideaux à chaque mention de Wolfe ou de McCartney. La bataille des Plaines d'Abraham, a dit le député de La Peltrie, ‘‘fait partie de notre histoire, de notre identité. Il faut vraiment avoir une mentalité de colonisés pour se sentir attaqués par ça’’. »
Urti Caire avait fait campagne en mettant en avant un virage à droite toute, de toute urgence. Ce dont se sont chargés plus tard les Charest et Couillard.
Dans un documentaire produit à cette époque, intitulé L’Illusion tranquille, des penseurs néolibéraux y avaient soutenu que les syndicats étaient au pouvoir à Québec, quel que soit le gouvernement. Les Marcel Boyer et Mathieu Laberge, de l’Institut économique de Montréal, les Réjean Breton, professeur de Laval en permanence sur l’acide, faisaient mine de se prendre au sérieux dans leur délire antisyndical. Caire avait déclaré que son programme politique s’inspirerait de ce documentaire.
J’en connais cependant, dans les centrales syndicales, qui ont dû approcher la syncope en apprenant cette chose qui leur avait littéralement échappé : ils étaient au pouvoir sans le savoir, les niaiseuses et les niaiseux. Et qui donc leur a asséné tant de lois spéciales pour mettre fin aux négociations ? Et qui donc s’est arrangé pour que le pouvoir d’achat de la classe ouvrière ait stagné depuis 30 ans ?
Et comment alors s’étonner du remède proposé par l’un des jeunes lucides interviewés dans ce documentaire, celui non seulement d’abolir l’ancienneté, mais aussi, une fois parti, le Code du travail lui-même ? Un Code du travail qui serait, pour ces jeunes pétant de compétence, un empêcheur de tourner en rond autour des restants de vieux travailleurs jetés sans ménagement à la rue pour cause de cheveux gris.
Vaste programme pour Caire, prénommé Urti. Pour sa défense, il ne pourra qu’évoquer une circonstance atténuante : il y a quelque chose dans l’eau, à Québec.
Et parce que les syndicats se battent pour conserver le peu qu’ils ont acquis de haute lutte, ils seraient devenus des… conservateurs. Ne riez pas ! Alain Dubuc l’a écrit dans La Presse le 21 janvier 2007.
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