Armes d’assaut : Un message pour Jagmeet Singh

2023/04/26 | Par Nathalie Provost et Ken Price

Le comité permanent de la sécurité publique s’apprête à poursuivre son examen détaillé du Projet de loi C-21 suite à cinq séances extraordinaires visant à analyser l’impact réel des amendements G-4 et G-46 qui ont été retirés au mois de février dernier à la suite de la levée de boucliers de la part de propriétaires d’armes et des militants proarmes.

Le ministre Marco Mendicino s’était engagé à travailler avec ses collègues au Parlement pour concevoir de nouveaux amendements qui seraient plus clairs et conformes aux promesses faites par le Parti libéral au cours des trois dernières campagnes électorales, de sortir les armes de style assaut de nos rues, sans pour cela interdire celles raisonnablement utilisées pour la chasse. Il ne fait aucun doute que les Libéraux, le NPD et le Bloc québécois ont mené des négociations derrière les scènes en vue d’obtenir un consensus sur le genre d’amendements qui pourraient conséquemment être déposés.

Toutefois, à ce stade-ci, il est extrêmement préoccupant de constater que rien n’a officiellement été mentionné quant à l’introduction et au contenu de nouvelles mesures. Le temps presse pour que la Chambre des communes puisse adopter le projet de loi avant l’été sans avoir à affronter un déluge de manifestations partout au pays, appuyées par le lobby des armes à feu.

Alors qu’il est évident que les Libéraux s’efforcent de corriger les erreurs du passé et d’élaborer de nouveaux amendements avec l’appui d’un premier ministre résolu et d’un infatigable ministre, et que le Bloc québécois, par la voix de Kristina Michaud, sa très compétente critique en matière de Sécurité publique, participe de manière intelligente et constructive à la démarche, nous n’avons toujours rien vu ou entendu de la part du NPD.

Puisque deux partis sur trois font preuve d’un réel désir visant à interdire les armes d’assaut, on ne pourra que conclure que le NPD serait responsable d’un échec en lien avec la production de nouveaux amendements améliorés.

Le NPD a non seulement omis de signaler un appui quelconque aux efforts visant à trouver une nouvelle solution législative, il a aussi amplifié la désinformation au cœur des craintes et de la confusion qui ont mené au retrait des amendements.

En effet, dès le début, les députés conservateurs ont saisi le monopole du vide créé par les Libéraux en matière de communication et ont avancé, faussement, que les amendements auraient essentiellement l’effet d’interdire les fusils de chasse. C’est là un calque des tactiques normalement employées par le lobby des armes, c’est-à-dire exagérer ou même mentir au sujet des armes touchées. Or, il s’avère que presque tous les modèles mentionnés n’auraient aucunement été touchés par les amendements proposés, un fait guère mentionné dans les médias, mais validé par la GRC.

Plutôt que de rectifier les faussetés à l’instar de leurs collègues bloquistes, de nombreux députés néo-démocrates ont répété la fausseté selon laquelle les amendements élargiraient de façon dramatique la définition d’armes prohibées de manière à inclure toutes sortes de fusils de chasse, mentionnant à peine ou pas du tout l’objectif central d’interdire la possession privée d’armes d’assaut. Pourtant, c’est une mesure qu’appuient 80% des Canadiens avec, ironiquement, certains sondages indiquant l’appui le plus élevé chez les électeurs du NPD.

En fait, lors des séances extraordinaires concernant les amendements G-4 et G-46, le critique en matière de Sécurité publique du NPD n’apparaissait préoccupé que par le processus, n’ayant posé aux témoins aucune question pertinente touchant l’essentiel des amendements ni les moyens pour les améliorer.

Un positionnement aussi vague, évasif et peu sincère ne date pas d’hier. Par exemple, quand on a demandé en 2020 si le NPD appuierait le décret ministériel interdisant quelque 1 500 modèles d’armes d’assaut à la suite du massacre en Nouvelle-Écosse, Monsieur Singh a évité le sujet en posant des questions additionnelles.

Mais leur geste le plus inexcusable a été de pousser, lors des audiences sur le C-21, pour exempter les adeptes de tir « pratique » du gel sur l’achat de nouvelles armes de poing, une démarche qui a attiré les louanges de la part du lobby des armes. Le C-21 comporte déjà une exemption pour les tireurs « olympiques », une situation considérée problématique par nos groupes. Plutôt que de resserrer les conditions de cette exemption, le critique du NPD en matière de Sécurité publique a plaidé en faveur de l’élargissement de l’exemption pour y inclure l’IPSC (la confédération internationale de tir pratique), un organisme qui organise des compétitions dans le cadre desquelles l’on simule des scénarios de prise d’otage et d’autodéfense.

Une telle exemption signifierait que le gel sur l’achat d’armes de poing serait dénué de tout sens, puisque l’IPSC pourrait sanctionner à sa guise n’importe quel « sport ». En effet, à l’IPSC on a déclaré qu’advenant une telle exemption, « nous deviendrons la porte d’entrée pour la possession d’armes de poing au Canada et nous pourrons envisager une énorme augmentation de notre membership ».

Se pourrait-il que le NPD négocie en vue d’élargir l’exemption Olympique en échange d’une nouvelle définition interdisant les armes d’assaut ?

Pourtant, le parti a manifestement appuyé l’interdiction des armes d’assaut au cours des deux dernières campagnes électorales. En 2019, il a déclaré : « Nous sommes en faveur de l'interdiction des armes d'assaut de type militaire. » Encore, en 2021, il a promis d’« [élargir] la définition des armes interdites pour y inclure les nouveaux modèles d'armes d'assaut ». 

La situation est à ce point critique que nous jugeons approprié d’attirer l’attention du public à l’approche délétère du NPD à l’égard de la prohibition des armes d’assaut. Le Nouveau Parti démocratique a le pouvoir de décider le succès ou l’échec de cette mesure.

C’est pourquoi nous interpellons le chef du NPD afin qu’il émette une position claire à savoir s’il agit ou non de bonne foi, sans négociation pour affaiblir d’autres mesures, afin d’assurer, une fois pour toutes, l’interdiction des armes d’assaut au Canada.