Restauration des sites miniers : maquillage et écoblanchiment

2023/05/12 | Par Marc Nantel

L’auteur est porte-parole du Regroupement Vigilance Mines Abitibi-Témiscamingue (REVMAT)

La prise de conscience des impacts environnementaux causés par l’exploitation minière progresse seulement depuis une trentaine d’années. Plusieurs sites miniers sont abandonnés depuis le début de l’exploitation minière. Personne ne sent le besoin d’exiger des exploitants de faire le ménage une fois les opérations terminées.  Avec le temps et le laisser-faire, l’écoulement des eaux, contaminées par des produits toxiques provenant des sites miniers abandonnés, se fait inévitablement sentir en aval des différents plans d’eau.

Le gouvernement se voit presser de prendre en main la décontamination des sites abandonnés, aux frais des contribuables, dégageant ainsi l’industrie minière de ses responsabilités. Les minières justifient de ne pas payer les passifs environnementaux par le fait que ce sont d’autres compagnies qui sont responsables des dégâts. On évalue aujourd’hui à plus de 1,4  milliard de dollars les coûts de cette négligence.  

En 2006, le gouvernement a inscrit ce passif environnemental à la dette publique. Depuis lors, le MRN procède à des travaux d’évaluation et de restauration des sites miniers abandonnés. Puisque ces dépenses augmentent le poids de la dette, on peut en déduire qu’en 15 ans le gouvernement a investi une moyenne annuelle de seulement 13,78 M$. En 2021, même si le gouvernement de la CAQ avait promis d’investir massivement dans la restauration, on a enregistré un investissement de 28,2M$. Au 31 mars 2021, le Québec comptait 223 sites d’exploration abandonnés et 174 sites d’exploitation abandonnés.

Le plan de restauration

Pour les nouveaux projets miniers, le gouvernement a adopté, le 23 aout 2013, des modifications règlementaires qui obligent les minières, une fois le plan approuvé, à verser une garantie financière qui doit couvrir 100 % des coûts estimés de restauration de l'ensemble du site minier. L’exploitant doit verser 50 % du montant requis en restauration dans les 90 jours de la date d’approbation du plan et la somme restante doit être versée en deux versements de 25 % chacun à la date anniversaire de l’approbation du plan.

C’est l’article 101 de la loi des mines qui exigent le dépôt d’un plan de restauration. Ça se lit comme suit :
 « Le ministre conclut un bail, pour tout ou partie d’un terrain qui fait l’objet d’un ou de plusieurs claims, si leur titulaire démontre qu’il existe des indices permettant de croire à la présence d’un gisement exploitable, s’il satisfait aux conditions et acquitte le loyer annuel fixé par règlement.
Le bail ne peut être conclu avant que le plan de réaménagement et de restauration minière ait été approuvé conformément à la présente loi et que l'autorisation requise en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement (chapitre Q-2) pour les travaux d’exploitation d’une mine ait été délivrée ou modifiée.
Malgré le deuxième alinéa, le ministre peut conclure le bail si le délai pour obtenir l'autorisation s’avère déraisonnable.
»

On peut comprendre que dans un monde où la course aux métaux stratégiques et critiques fait rage, l’article 101 a peut-être des faiblesses. Est-ce qu’un gouvernement convaincu du potentiel minier pourrait octroyer un bail en faisant valoir que le délai de l’autorisation est déraisonnable et précipiter le dépôt d’un plan de restauration incomplet?

Il faut aussi souligner que la mécanique de l’élaboration du plan de restauration manque de transparence. Lors des consultations publiques, le promoteur doit soumettre des scénarios. Un seul projet sera retenu. Toutefois, il sera révisé à tous les cinq ans et la négociation finale se fera à huis clos. La population n’aura aucune possibilité d’intervenir pour faire valoir ses préoccupations.

Qu’entend-on par restauration d’un site?

Dans l’imaginaire populaire, qui est alimenté par les promoteurs, les sites miniers retrouveront leur apparence naturelle une fois la restauration terminée. À titre d’exemple, on présente souvent sur de beaux montages visuels les fosses de mines à ciel ouvert se transformer en lac. On est même allé jusqu’à dessiner un petit voilier sur le plan d’eau lors d’une présentation en Abitibi. Les haldes de résidus miniers deviennent de belles montagnes vertes.

En réalité, il  est totalement impossible de remettre un site minier dans son état original. On est plus dans l’ordre du maquillage et de l’écoblanchiment. C’est du marketing minier. Plusieurs promoteurs poussent le bouchon jusqu’à annoncer que le site restauré aura une meilleure qualité environnementale.

La fermeture d’un site est surtout axée sur la sécurisation des lieux, ce qui est en soi est une amélioration par rapport aux années passées. Malheureusement, chaque site a ses problèmes uniques et plusieurs des moyens utilisés pour sécuriser les lieux sont encore au stade expérimental. C’est largement l’approche physicochimique classique qui est encore utilisée. Son mode d’emploi vise essentiellement à éviter qu’entrent en réaction des éléments pouvant engendrer de lourds impacts sur l’environnement.

Par exemple, on étendra une toile de plastique sur une halde de résidus miniers acido-gènes qui se dissout en présence d’eau. Ou encore, on  tentera de réduire l’accès à l’oxygène lorsque des résidus réagissent à ce dernier. Dans un bassin d’eau hautement acide, on déversera des résidus avec un pH hautement basiques comme dans le projet Manitou.

Pour ce qui est de l’eau contaminée, les exploitants devront construire des usines de traitement de l’eau avant de pouvoir la rejeter dans un effluent. Dans bien des cas, malheureusement, le facteur de dilution provenant de l’effluent permet de rejeter de l’eau encore fortement contaminée. Lors d’un BAPE, nous avons appris que si la norme établie n’était pas atteignable techniquement ou économiquement, deux solutions pouvaient s’appliquer. Soit on augmente la distance sur l’effluent pour faire le calcul de concentration des produits toxiques, ce qui permet une plus grande dilution, soit on change  la norme afin de faciliter son atteinte.

Pour ce qui est de l’utilisation des biotechnologies qui pourraient dégrader les résidus contaminés, nous n’en sommes qu’au début des recherches. Leur recours est marginal au Québec.
Selon la règlementation, les travaux de restauration (sécurisation) doivent comprendre :
1° le réaménagement et la restauration des aires d’accumulation;
2° la stabilisation géotechnique des sols;
3° la sécurisation des ouvertures et des piliers de surface;
4° le traitement des eaux;
5° des travaux ayant trait aux chemins.

Contrairement à ce qu’on laisse entendre, les sites dits restaurés restent des sites industriels. Ils seront  sécurisés de façon à interdire l’accès des lieux. Le discours populaire voulant qu’après la restauration un site minier devienne un lieu de villégiature avec une plage aménagée où les montagnes seront transformées en pente de ski est du pur délire.

Nous sommes loin d’une restauration qui permettrait la reformation de l’écosystème détruit comme le laisse entendre l’industrie.  Utilisons les bons termes et cessons de réduire les impacts des minières sur l’environnement.