Jacques Benoit, Marc Brullemans, Michel Jetté
Co-initiateurs de la Déclaration d’urgence climatique (DUC) et membres de GMob
La Dr Theresa Tam, administratrice en chef de la santé publique du Canada, déclarait récemment que la crise climatique est sans doute la plus grande menace à la santé de nos collectivités et de notre planète.
Nous sommes d’accord avec elle. C’est pourquoi, au moment où se déroule la commission parlementaire sur le Projet de loi 15 du ministre Dubé, il nous semble pour le moins aberrant qu’il n’y soit nullement question de la catastrophe climatique en cours ni pour contextualiser une quelconque réforme ni pour prévoir ce dont nous aurons besoin dans un monde à +1,5 ou +2,0 degrés de réchauffement global.
Reportons-nous en mars 2020 : nos gouvernements ont évidemment fait de gros efforts pour protéger la population et réduire au maximum les effets de la COVID-19, mais ont-ils su faire preuve de prévention, ou d’un peu de vision ? On peut en douter.
Si stocker des masques N95 peut faire partie d’une stratégie de prévention, de quels équipements de protection aurons-nous besoin pour faire face aux inondations, aux verglas, aux sécheresses, aux canicules, aux incendies de forêt, etc.? La catastrophe climatique aura des répercussions encore plus importantes que la pandémie sur nos conditions de vie et on peut se demander ce que l’on a véritablement appris depuis 2019.
Le réchauffement planétaire, par la hausse de la température et par ses événements météorologiques extrêmes et parfois nouveaux, a déjà des impacts sur notre santé. Et notre système public de Santé, par ses propres émissions de GES, participe lui aussi au problème du réchauffement.
Nous avons pourtant besoin d’un système de santé qui sera capable de plus de résilience et en mesure de réduire ses émissions à zéro, si cela est possible. Les grandes réformes des trois dernières décennies, dont la dernière en lice, la réforme Barrette, l’ont énormément fragilisé, transformant un réseau de plus de 840 établissements en 1994 en un réseau de 34 centres de Santé (CISSS et CIUSSS) aujourd’hui. Cette centralisation nous a été présentée comme la solution à tous les problèmes.
Mais ce sont plutôt les problèmes de centralisation qui ont été révélés de façon criante par la pandémie de la COVID-19, dont celle des laboratoires et ceux reliés au “LEAN Management”, des problèmes pourtant dénoncés à leur imposition.
Dans une lettre d’opinion au Devoir du 27 avril 2021, Catherine Lalonde écrivait: ”L’approche adoptée par le système de santé est de plus en plus axée sur le contrôle, la surveillance, la prise de décision avec une collaboration et une consultation limitée et, dans certains cas, symbolique.”
Autre problème : en juin 2021, la Vérificatrice générale soulevait la complexité inutile du mode de rémunération des médecins qui se décline en 4075 pages, 12 300 codes de facturation et 375 éléments de contexte, générant annuellement 55 millions de demandes de paiement faites, avec optimisation, par 180 agences de facturation. Qui peut vérifier tout ça, surtout en période de crise?
Et l’on ne parle pas de notre dépendance à l’international pour nos vaccins et médicaments ni de notre système d’assurance médicaments privé-public au Québec où l’on paie jusqu’à 4 milliards $ en trop par année pour nos médicaments.
Toutes ces problématiques empêchent notre système de santé de bien jouer son rôle face aux situations de crise qui vont se faire plus nombreuses et plus graves en raison du réchauffement climatique.
Et le PL 15 du ministre Dubé ne changera rien à cela, au contraire.
Pour un système résilient, il faut démocratiser et décentraliser la gestion et l’organisation des soins et services, quitte à les dupliquer. La résilience nécessite de la redondance. La vie est faite ainsi.
Enfin, le rôle du ministre ne doit pas être celui décrit dans l’article 647 du PL 15 :
« Le ministre surveille le marché des services du domaine de la santé et des services sociaux, notamment afin d’en connaître l’offre et la demande et les circonstances dans lesquelles les personnes ont accès aux services offerts. »
Notre système public de Santé et de services sociaux n’est pas, ne doit pas devenir ni être considéré comme un marché de l’offre et de la demande.
Notre système public de Santé et de services sociaux est une protection que nous nous sommes donnée comme société pour que plus jamais l’accessibilité à la santé et à des soins et services de santé au Québec ne relève de l’épaisseur du portefeuille.
Et ce sera encore plus important face aux impacts inévitables de la catastrophe climatique qui vont nous frapper.
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