Dans une chronique publiée dans Le Devoir du 25 février, intitulée « Des tyrans et des Russes », Jean-François Lisée y va d’une furieuse charge contre le peuple russe. Non pas contre ses dirigeants, mais bien contre le peuple russe, avec des extraits nauséabonds provenant du fin fond du puisard de la littérature.

Lisée écrit : « Tandis que d’autres nations ont supporté l’oppression, la nation russe l’a aimée; elle l’aime encore; et l’on peut dire des Russes qu’ils sont ivres d’esclavage. » Il ajoute : « L’obéissance politique est devenue pour eux un culte, une religion. Ce n’est que chez ce peuple qu’on a vu les martyrs en adoration devant les bourreaux. » 

Il poursuit : « Ce peuple enivré du désir de gloire [qui] a une ambition désordonnée, immense; une de ces ambitions, qui ne peuvent germer que dans l’âme des opprimés. […] Cette nation avide à force de privations expie d’avance chez elle par une soumission avilissante l’espoir d’exercer la tyrannie chez les autres […] l’esclave, à genoux, rêve la domination du monde. »

Et encore : « Cette nation semble vaccinée contre le virus de la liberté et ses variants de la justice, du droit, de la démocratie, du bien-être, plus globalement du bonheur. »

On aurait écrit le millième de cela contre le peuple québécois et Lisée et une multitude d’autres auraient crié, avec raison, au scandale, au racisme.

Des propos aussi déshonorants sont habituellement propagés pour justifier une guerre de conquête. L’ennemi est réduit au rang de sous-humain pour mobiliser les troupes et justifier les pires exactions. C’est exactement l’objectif visé par cet ardent va-t-en-guerre. Dans une chronique publiée dans Le Devoir du 5 mars 2023, intitulée « Ça suffit! Allons-y! », Lisée appelle à l’instauration d’une No fly zone par l’OTAN au-dessus de l’Ukraine, au risque de provoquer une guerre totale. Une position que se refusent à prendre même les pires faucons du Pentagone. 

Dans l’hypothèse 
d’une victoire nazie…

Le peuple russe n’est pas un peuple « ivre d’esclavage », qui « aime l’oppression » et qui est « en adoration devant ses bourreaux ». Qu’il soit entraîné aujourd’hui dans une guerre injustifiable – nous y reviendrons plus loin – ne doit pas nous faire oublier que nous lui devons les libertés que nous chérissons !

Nous pouvons, en effet, nous demander où serait l’humanité si le peuple russe n’avait pas vaincu les hordes fascistes au prix du sacrifice de 25 millions de morts lors de la Seconde Guerre mondiale, soit plus de deux fois la population du Canada à l’époque. Que serait le monde aujourd’hui si les armées hitlériennes n’avaient pas été culbutées à Stalingrad, à Koursk et dans l’ensemble du territoire soviétique par le courage sans faille du peuple russe? 

Permettons-nous un peu d’uchronie (c’est-à-dire une reconstruction historique fictive à partir d’un fait historique qui aurait eu des conséquences différentes si les circonstances avaient été différentes).

Auparavant, rappelons d’abord que Hitler et ses gangs de bandits-terroristes avaient détruit de fond en comble les organisations communistes, socialistes et syndicales de l’Allemagne, qui étaient alors les plus puissantes du monde en dehors de l’Union soviétique. Des milliers de dirigeants de ces organisations ont été assassinés, dont les plus célèbres, Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht.

Dans Mein Kampf, Hitler promettait d’éliminer le peuple juif, d’asservir les Slaves et d’instaurer un empire mondial d’une durée de 1 000 ans dominé par la race aryenne. À ceux qui auraient oublié ou ne sauraient pas ce qu’a été le déferlement des hordes fascistes sur le territoire de l’Union soviétique, nous suggérons la lecture de Barbarossa 1941. La guerre absolue (Passés/Composés, 2019), la monumentale histoire de l’invasion allemande de l’URSS par Jean Lopez et Lasha Otkmezuri (957 pages). En voici un bref extrait :

« Le 28 septembre, les auxiliaires ukrainiens de la police affichent sur les murs, à 2 000 exemplaires, un texte en deux langues (russe et ukrainien). “Tous les Youpins de la ville de Kiev et des alentours doivent se présenter lundi 29 septembre 1941 à 8 h 00 au coin de la rue Melnikov et Dokterievski (près du cimetière). Ils doivent prendre avec eux leurs documents, argent et objets précieux, mais aussi des vêtements chauds et des draps. Le Youpin qui n’exécutera pas cet ordre et sera trouvé dans un autre endroit de la ville, sera fusillé.’’ Les Allemands espéraient rassembler ainsi entre 5 000 et 6 000 Juifs, que le seul commando spécial 4a devait fusilier en une journée. Mais le nombre d’arrivants étant six fois supérieur, à la demande de Blobel, Jeckeln ordonne que le 45e bataillon de réserve de la police soit aussi de la partie.

« Le massacre de Babi Yar ne se singularise ni par ses victimes – les Allemands tuent femmes et enfants juifs depuis le début août – ni par le mode d’exécution, la fusillade à l’arme automatique. Babi Yar est unique dans la Shoah du fait de son échelle : environ 22 000 victimes en moins de 12 heures, presque 34 000 en 36 heures. Ni avant ni après, même à Auschwitz ou Treblinka, les nazis ont pu exterminer autant de Juifs en si peu de temps. […]

« Ce massacre n’est pas isolé; dans le temps et l’espace. […] Le 14 septembre, au moins 3 500 Juifs, essentiellement des femmes et des enfants, sont fusillés à Nikolaev, suivis de 4 000 autres à Kherson, 2 000 à Melitopol, 8 000 à Marioupol. Le 15, 12 000 sont assassinés à Berditchev, le 18, 3 145 à Jitomir, le 19, 15 000 à Vinnitsa. Le 26, trois jours avant Babi Yar, à Kamenets-Podolsk, un nouveau record est établi : 28 000 Juifs sont tués en trois jours. […] La compagnie d’état-major de Friedrich Jeckeln, appuyée par le bataillon de police 320 et des auxiliaires ukrainiens, les exécutent à la mitrailleuse au bord de quatre cratères géants, restes de l’explosion d’un dépôt de munitions soviétique. En 1944, une commission d’enquête médicale établira que seules 35 % des victimes sont mortes sur le coup, les 65 % restant étant enterrées vivantes. » (p. 535-536).

La Chine

Que serait-il survenu si les armées hitlériennes avaient triomphé de l’Armée rouge? Considérons d’abord le territoire de l’Union soviétique. Quels étaient alors les plans de l’Allemagne nazie? Restaurer le tsarisme, réduire les Slaves à l’esclavage. Au plan géopolitique, Hitler planifiait d’abord de consolider son emprise sur la partie est du pays et se partager l’ensemble du territoire soviétique avec son allié, le Japon fasciste, qui aurait envahi le pays à partir de ses positions en Mandchourie en Chine. Le Japon se serait vu octroyer l’ensemble de la Chine, le Sud et le Sud-est asiatique et le Pacifique.

Cela aurait été rendu possible parce qu’une défaite soviétique aurait grandement hypothéqué, voire anéanti, la possibilité d’une victoire de l’Armée de libération populaire de Mao. Sans d’aucune façon nier le rôle joué par les communistes chinois pour libérer leur pays, il faut admettre que la victoire aurait été extrêmement difficile à atteindre sans l’appui de l’Armée rouge soviétique.
Rappelons qu’en août 1945, l’Armée rouge a envahi la Mandchourie pour chasser les impérialistes japonais. La Mandchourie était la province la plus industrialisée de Chine et d’une importance capitale du point de vue stratégique. Même si l’Union soviétique s’est retirée après la capitulation du Japon, Moscou s’est assuré que la province tomberait sous la gouverne du Parti communiste chinois.

L’Union soviétique a empêché la prise de contrôle de la région par le Kuomintang de Tchang Kaï-chek et elle a vu à ce que les vastes stocks de munitions et de provisions japonaises aillent à l’Armée populaire de libération. Les communistes établirent un gouvernement provisoire que l’Union soviétique a soutenu militairement et économiquement. L’Union soviétique a aussi empêché le Kuomintang d’utiliser Dairen et Port Arthur pour attaquer les forces révolutionnaires. C’est à partir de cette base en Mandchourie que l’Armée populaire de libération s’est préparée à attaquer les forces du Kuomintang en 1949.

L’Europe

Examinons maintenant qu’elle aurait été la situation en Europe de l’Ouest. Hitler aurait pu y rediriger ses armées pour confronter les Alliés. En fait, il est peu probable que le débarquement en Normandie aurait eu lieu. Les Alliés l’avaient retardé, malgré les appels pressants de Moscou. Leur objectif non avoué était de laisser l’Allemagne et l’URSS s’affaiblir mutuellement. Le débarquement en Normandie ne fut décidé qu’après la victoire de Stalingrad, les Alliés craignant alors que les communistes en France et en Italie prennent le pouvoir avec l’appui de l’Armée rouge. 

Victorieux, Hitler aurait donc consolidé son pouvoir en France avec le gouvernement de Vichy, tout en formant une constellation fasciste avec Mussolini en Italie, Franco en Espagne et Salazar au Portugal.

Hitler aurait fort probablement mis la Grande-Bretagne devant le choix suivant : capituler honteusement comme la France l’avait fait ou bien signer un accord avec l’Allemagne. Hitler aurait alors proposé aux Anglais une entente leur permettant de préserver leur empire « sur lequel le soleil ne se couche jamais ». Hitler considérait le peuple anglais comme un peuple germanique, faisant partie de la grande famille aryenne.

Les empires français, anglais, portugais, espagnol en Afrique, en Inde et au Moyen-Orient notamment, seraient tombés sous domination allemande. Vu le sort réservé aux Slaves et aux Juifs, on imagine facilement quel aurait été le lot des peuples africains.

L’Amérique latine

L’objectif suivant du régime hitlérien aurait été l’Amérique latine, où se développait un important mouvement fasciste, en tirant avantage des contradictions nationales de ces pays avec l’impérialisme américain. Un certain nombre de ces pays étaient déjà liés aux puissances fascistes. C’était le cas du Paraguay et de l’Argentine. Le Paraguay avait une alliance formelle avec l’Italie. Il n’est pas étonnant qu’après la défaite allemande, un si grand nombre de fascistes allemands se soient réfugiés dans ces deux pays.

Les États-Unis

Attardons-nous au cas des États-Unis. Le mouvement fasciste était bien présent aux États-Unis avant la Seconde Guerre mondiale. Donnons simplement l’exemple de Joseph Kennedy, le père de John, Robert et Ted, qui fut l’artisan de la non-intervention des États-Unis dans la guerre d’Espagne. Nommé ambassadeur des États-Unis au Royaume-Uni, il soutenait une politique isolationniste de la part des États-Unis et  appuyait la politique d’apaisement du premier ministre britannique Neville Chamberlain face à Hitler. Il sympathisait avec le mouvement America First, pro-allemand, dirigé par Charles Lindbergh qui ne souhaitait pas de guerre contre Hitler. 

L’importance de l’influence fasciste aux États-Unis à cette époque est bien rendue dans le roman Complot contre l’Amérique (Gallimard, 2007) de Philip Roth. Le roman a aussi fait l’objet d’une télésérie de six épisodes diffusée sur la chaîne HBO.

Le roman uchronique de Roth raconte ce qui se serait passé si, en 1941, l’aviateur Charles Lindberg, sympathisant de l’Allemagne nazie et membre du comité America First, avait battu F. D. Roosevelt, au terme d’une campagne électorale teintée d’antisémitisme et axée sur le refus de l’Amérique de prendre part au conflit en Europe. Une fois au pouvoir, Lindbergh aurait conclu un pacte de non-agression avec Hitler. 

Bien entendu, les choses ne se sont pas déroulées ainsi, mais l’élection de Roosevelt n’a pas éliminé le danger fasciste. Roosevelt craignait, non pas l’élection de Lindbergh, mais un coup d’État militaire par nul autre que le général Douglas MacArthur! Revoyons le contexte. 

La conversion de l’administration américaine aux politiques du New Deal était le résultat d’un nouveau rapport de forces entre les classes sociales des États-Unis, avec l’augmentation de la syndicalisation et de la combativité de la classe ouvrière américaine. À cela, il faut ajouter le contexte international et le spectre de la révolution. En 1932, soit douze ans à peine après la Révolution d’Octobre, le président Herbert Hoover faisait intervenir l’infanterie, la cavalerie et les blindés, sous les ordres des généraux MacArthur, Patton et Eisenhower, contre les milliers de vétérans de la Première Guerre mondiale qui campaient à Washington pour revendiquer le bonus traditionnel versé aux soldats des États-Unis pour avoir servi sous les drapeaux. Dans sa biographie de Franklin D. Roosevelt (FDR, Random House, 2007), l’historien Jean Edward Smith raconte que Hoover craignait une répétition de la prise du Palais d’Hiver en Russie.

Quand les G.I. revinrent camper à Washington après l’élection de Roosevelt, celui-ci adopta une tout autre attitude. Il fit installer des toilettes, envoya son épouse, Eleanor, servir du café et des sandwiches aux vétérans et parvint à une entente avec leurs représentants qui eut pour résultat de désamorcer la crise. Puis, le Congrès adopta, dans le cadre du New Deal, le GI. Bill of Rights. 

L’historien J.E. Smith rapporte les réflexions de Roosevelt à propos de ces événements. Après avoir qualifié Huey Long, le très populiste et démagogue gouverneur de la Louisiane de deuxième homme le plus dangereux du pays, FDR expliquait son choix à un de ses collaborateurs, qui s’étonnait de cette deuxième place plutôt que de la première : « Huey est seulement le deuxième, déclare Roosevelt. Le premier est Douglas MacArthur. Vous avez vu comment il se pavanait en descendant Pennsylvania Avenue. Vous avez vu sa photo dans le Times, alors que ses troupes chassaient tous ces vétérans avec des gaz lacrymogènes et incendiaient leurs abris. Avez-vous déjà vu quelqu’un de plus autosuffisant? Il y a là un Mussolini potentiel. Juste ici, chez nous. » 

Alors, posons la question : quelle aurait été la réaction des généraux MacArthur, Patton et Eisenhower advenant une victoire allemande à Stalingrad? Lancer le débarquement en Normandie ou s’entendre avec Hitler? Comme dans le cas de l’Angleterre, Hitler considérait comme germanique une grande partie de la population américaine.

Au Canada

Les sympathisants fascistes existaient aussi au Canada en haut lieu. Dans Exiles from Nowhere : The Jews and the Canadian Elite (Robin Brass Studio, Inc, 2008), Alan Mendelson raconte que Vincent Massey, le Haut-commissaire du Canada à Londres – héritier de la fortune des producteurs des machines agricoles Massey-Harris, qui deviendra plus tard Massey-Ferguson – était un visiteur assidu à la résidence de Cliveden de Lord Waldorf Astor et Lady Nancy Astor, qu’on considérait comme un deuxième Foreign Office.

Le cercle de Cliveden était perçu comme le plus important et le plus influent groupe de sympathisants de l’Allemagne nazie en Angleterre. Vincent Massey partageait ces vues. Il croyait que le véritable danger pour la civilisation occidentale provenait des Juifs et des communistes, qu’on associait à l’époque, et que l’ennemi à abattre était l’Union soviétique. Il était partisan de la politique de l’apaisement de Neville Chamberlain, qui avait pour objectif de pousser l’Allemagne nazie à attaquer l’Union soviétique avec l’appui de la Grande-Bretagne. 

Dans ses notes envoyées au Canada, il se fait l’avocat d’une « paix constructive » avec l’Allemagne. Il présente Chamberlain d’un angle favorable et Churchill d’un angle défavorable. Même après la Nuit de cristal, il s’oppose à l’immigration de Juifs au Canada, pour « leur propre bien » bien entendu, parce que « trop de Juifs va faire naître un mouvement antisémite ». Il conseille au premier ministre Mackenzie King d’admettre rapidement 3 000 Allemands des Sudètes comme immigrants parce qu’il lui sera ainsi plus facile par la suite de refuser une augmentation substantielle du nombre d’immigrants juifs.

Vincent Massey a l’oreille de Mackenzie King (premier ministre pendant trois mandats non consécutifs, de 1921 à 1926, de 1926 à 1930 et de 1935 à 1948), qui voue toujours une grande admiration à Chamberlain, même après l’invasion de la Tchécoslovaquie par l’Allemagne, le 15 mars 1939. Lors du déclenchement de la guerre, King ne blâme pas Chamberlain, mais Lloyd George et Winston Churchill qui auraient, selon lui, rendu impossible une entente entre la France, l’Angleterre et l’Allemagne.

Il faut préciser que Mackenzie King a été subjugué par sa rencontre avec Hitler en 1937 et qu’il se représentait la situation mondiale comme un affrontement entre la chrétienté et les non-chrétiens, c’est-à-dire les juifs et les communistes. Lors d’une rencontre en 1937, il déclare au président Franklin Delano Roosevelt que « ce que nous cherchons à réaliser aujourd’hui est un plus grand accomplissement des objectifs de la chrétienté ».

Nul besoin de préciser que les deux hommes n’étaient pas sur la même longueur d’onde : « Le mouvement avec lequel Roosevelt s’identifie, plutôt que d’être carrément chrétien, est soutenu par des forces qui vont renverser la chrétienté et y substituer la révolution », écrit Mackenzie King dans son journal. Selon Mackenzie King, Roosevelt est un niais qui se fait duper par ces révolutionnaires anti-chrétiens que reçoit sa femme Eleanor.

Une fois la guerre déclarée, tout ce beau monde était partisan d’une « paix rapide », ce qui était une expression codée favorable à un accord de paix de la Grande-Bretagne et des États-Unis avec l’Allemagne nazie plutôt que de poursuivre les combats jusqu’à la capitulation de cette dernière.

Au Québec

Au Québec, l’Église et une bonne partie de l’élite québécoise avaient des affinités avec les dictateurs Franco, Salazar et Mussolini. Adrien Arcand dirigeait une organisation ouvertement fasciste. Le journaliste Normand Lester raconte dans Le livre noir du Canada anglais, que le premier ministre conservateur Richard B. Bennett (premier ministre de 1930 à 1935) – qui avait des liens avec le Ku Klux Klan américain – a versé des sommes colossales au fasciste Adrien Arcand pour financer la parution des journaux Le Miroir, Le Goglu et, plus tard, Le Fasciste canadien.

Lester rappelle que les conservateurs de Bennett ont pris le pouvoir aux élections de 1930 en faisant élire cent trente-sept députés dont vingt-quatre au Québec. Depuis 1891, le Québec n’avait pas envoyé à Ottawa de députés « strictement » conservateurs et ces résultats étaient à peine croyables, écrit Lester, si l’on songe que les conservateurs n’avaient fait aucun effort particulier pour plaire au Québec. Le « goût du changement » et les journaux d’Arcand avaient suffi. 

La domination 
de la race aryenne

Les événements décrits précédemment n’auraient, bien sûr, pas pu se dérouler sans opposition. Il y aurait eu des rébellions. Mais que faisait le fascisme pour circonscrire le plus possible ce genre de rébellions? Il détruisait systématiquement et totalement les organisations de la classe ouvrière et des groupes progressistes.
Avec leur théorie de « race supérieure », la race aryenne, une race blanche, ils ne désiraient pas seulement instaurer la domination de la race blanche d’Allemagne sur un certain nombre de colonies. Il ne s’agissait pas d’une simple guerre impérialiste. Ils voulaient instaurer à long terme, la suprématie de la race blanche et l’élimination, l’extermination physique des autres races. Et, au sein de la race blanche, ils voulaient ériger la suprématie de ce qu’ils considéraient être la nation aryenne, formée essentiellement des peuples germaniques. 

Des soldats, des partisans et des résistants de nombreux pays ont contribué à la défaite du fascisme. Nous saluons leur mémoire. Mais force est de reconnaître qu’ils n’y seraient pas parvenus sans le peuple russe, sans le courage des soldats de l’Armée rouge et de toute la population soviétique. C’est l’Union soviétique, et plus particulièrement le peuple russe qui, au prix du sacrifice de 25 millions de personnes et de souffrances indicibles, renversa la situation dans la guerre contre le fascisme. C’est au peuple russe que nous devons la sauvegarde de nos libertés.

Poutine

Que Poutine, aujourd’hui, se réclame de la Grande Guerre patriotique pour justifier son invasion de l’Ukraine est une immense fraude. Le front uni contre le fascisme, lors de la Seconde Guerre mondiale, reposait sur un programme démocratique qui reconnaissait, entre autres, les droits des nations. D’ailleurs, à Yalta, l’Union soviétique et les États-Unis se sont entendus pour le démantèlement des empires coloniaux de la Grande-Bretagne et de la France.

Poutine, au contraire, nie non seulement le droit à l’autodétermination de l’Ukraine, mais l’existence même de la nation ukrainienne, pourtant reconnue par le pouvoir bolchévik dans la Constitution de l’URSS. 

Et, n’en déplaise aux nostalgiques de l’URSS qui voient dans la guerre de Poutine une réédition de la Seconde Guerre mondiale, la Russie n’est pas un pays socialiste, mais bien un pays impérialiste. Le marché socialiste a été démantelé, les oligarques dominent des conglomérats capitalistes et l’idéologie poutinienne ne s’inspire par de Marx, Engels ou Lénine, mais de deux nationalistes russes chauvins : Ivan Ilyn et Alexandre Douguine.

Mis à part ceux qui, comme Jean-François Lisée, croient que la barbarie est dans l’ADN du peuple russe, il y a ceux qui soutiennent que le peuple russe est intoxiqué par la propagande poutinienne, tout en prenant eux-mêmes pour argent comptant le discours de nos médias en appui à l’OTAN.

Si les enseignements historiques ont un sens, il est à parier que le peuple russe déchirera le voile de la propagande avant nous. Lors de la Première Guerre mondiale, il a balayé les justifications de la guerre et a renversé en 1917 le tsarisme sous le mot d’ordre de la paix.