Le ministre des Finances, Éric Girard, a déposé un budget qui témoigne de sa capitulation devant Ottawa, son aplaventrisme devant la communauté anglophone et son parti pris en faveur des plus riches de notre société.
Le gouvernement Legault vient de rendre les armes devant Ottawa. Aucune revendication, aucune demande. Legault se satisfait de son milliard en santé, six fois moins que ce qu’il avait demandé. Il avait déchiré sa chemise sur la place publique; il la raccommode en cachette. Difficile d’exiger plus d’argent d’Ottawa quand on juge les surplus suffisants pour justifier des baisses d’impôt.

La diversion du faucon

Pendant que l’attention était dirigée vers la campagne du « Bon parler français » avec la publicité du faucon « vraiment sick » – un classique pour détourner l’attention sur le statut du français –, le budget maintient la discrimination structurelle et financière dont souffrent nos cégeps, universités et hôpitaux de langue française au profit des institutions de l’anglosphère. 

Le Mouvement Québec français (MQF), souligne qu’en 2017-2018, par exemple, « la part de tous les revenus de subventions et de droits de scolarité dévolue aux universités anglaises représentait rien de moins que 3,7 fois le poids démographique des anglophones. Pendant ce temps, les universités françaises accusaient un déficit de complétude institutionnelle évalué à 1,5 milliard $ ».
Le président du MQF, Me Maxime Laporte, constate : « Cette surcroissance effrénée de l’anglosphère, gracieuseté du trésor public, produit des effets désastreux sur la vitalité institutionnelle du français dans la métropole. Et c’est maintenant que ça se passe. Le statut prééminent de Dawson et des cégeps anglais à Montréal; le déclassement confirmé de l’UQAM par rapport à Concordia; l’influence grandissante de McGill aux dépens de l’UdeM; le triomphe du CUSM sur le CHUM... Tout cela porte lourdement à conséquences sur notre capacité à faire société en français, à bâtir nation. »

Le MQF dénombre d’autres offrandes consenties à la communauté anglophone : « Le récent don de l’ancien Royal Vic à l’empire mcgillois, d’une valeur d’au moins 700 millions $, sans oublier les 200 millions $ octroyés chaque année à des ressortissants étrangers venus étudier en anglais. S’ajoute encore le rôle outrageant du fédéral dans tout cela, lui qui ne se gêne surtout pas pour gréer nos universités anglaises d’un financement exorbitant – de 4,7 fois supérieur au poids démographique de la communauté anglophone –, en plus d’utiliser ses chaires comme autant de carottes pour mettre nos élites universitaires au service de la construction canadian. »

Favoriser les plus riches

Avant la publication du budget, 53 économistes ont publié une lettre ouverte dans laquelle ils jugeaient « inappropriée, inéquitable et contreproductive la proposition du gouvernement québécois de réduire l’impôt des particuliers de quelque deux milliards de dollars ».

À l’encontre de l’argument de Legault, selon lequel la contribution fiscale de la population québécoise dépasse celle observée en Ontario, ils soulignent qu’on « omet de mettre dans la balance d’autres composantes essentielles de la fiscalité. D’une part, et c’est un fait bien documenté, le Québec est beaucoup plus généreux que l’Ontario en ce qui a trait au soutien aux familles. D’autre part, les tarifs sont généralement plus élevés en Ontario : hydroélectricité (750 $ de plus par an), garderies (500 $ de plus), droits de scolarité (4 500 $ de plus), assurance automobile (800 $ de plus), etc. ».
La baisse d’impôt de 1,7 milliard de dollars par année (9,2 milliards $ sur six ans) est taillée sur mesure pour les plus riches. Une personne célibataire vivant seule disposant d’un revenu annuel imposable de 20 000 $ bénéficiera d’une économie de 8 $. Si elle gagne en revanche un revenu de 100 000 $, elle économisera plutôt 814 $.

Comme le soulignent les 53 économistes, le 1,7 milliard $ aurait pu être utilisé à meilleur escient : régler les crises permanentes vécues dans les urgences et dans les organismes communautaires; améliorer l’accès aux soins en santé mentale, répondre aux besoins des élèves en difficulté, créer des places en services de garde, assurer des soins de qualité aux personnes aînées; procéder aux investissements incontournables qui se font attendre pour accélérer la transition écologique. Voilà les priorités collectives que nous devrions nous donner.