Présentation de l’article
À la suite de la parution mon texte d’opinion dans le Globe and Mail le lundi 14 août, j’ai reçu un message d’appui de Don Wright à Vancouver. Don Wright est l'ancien secrétaire du Conseil exécutif du gouvernement de la Colombie-Britannique jusqu'à sa retraite à la fin de 2020. Dans ma chronique du 18 février 2022, intitulé « La planification d’immigration : rhétorique ou justice sociale? », j’ai résumé un texte de Wright dans lequel il lance un appel à la nuance dans le discours public lié à l’immigration parce qu’il y a trop de facteurs à prendre en considération en établissant les volumes et caractéristiques des personnes qu’on veut accueillir.
Ce nouveau texte (offert ici en traduction) qu’il m’a fait suivre met en évidence la girouette qu’a été Trudeau sur la question de l’immigration temporaire entre le temps où il était dans l’opposition (2014) et aujourd’hui. À noter : il parle du gouvernement canadien avec des données pour l’ensemble du pays, mais le gouvernement du Québec a adopté la même approche.
Anne Michèle Meggs
Il n'y a pas tant une pénurie de travailleurs1 qu'une pénurie de personnes prêtes à travailler pour de bas salaires.
En 2014, Justin Trudeau a écrit un texte d’opinion affirmant que le gouvernement de Stephen Harper devrait réduire considérablement le Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTÉT).
Son raisonnement était solide – à la fois en termes moraux et économiques. Il a écrit : « Je crois qu'il est erroné pour le Canada de suivre la voie des pays qui exploitent un grand nombre de travailleurs invités. » Il a également souligné qu'un grand nombre de TÉT « baissent les salaires ».
Nous aurions donc pu nous attendre à ce que les choses changent sous sa direction. Et en effet, c’est le cas. Entre 2015 et 2022, le nombre de TÉT au Canada a doublé!
Mais les travailleurs étrangers recrutés dans le cadre du PTÉT ne sont en fait qu'une petite fraction du total des résidents non permanents (RNP) ayant un permis de travail au Canada. Il existe une autre catégorie connue sous le nom de « Programme de mobilité internationale » (PMI) qui fournit des permis de travail aux étudiants internationaux, aux diplômés de programmes postsecondaires et à d'autres catégories. Le nombre de titulaires de permis de travail PMI a presque triplé entre 2015 et 2022. Au total, les RPN avec des permis de travail dépassent maintenant 1,1 million de personnes - et sont passés de 2,1 % à 5,5 % de la population active canadienne.
Cela ne s'est pas produit par hasard. Le gouvernement actuel a apporté une série de changements qui ont ouvert la porte à un nombre plus élevé de RNP. L'année dernière, par exemple, le ministre fédéral de l'Immigration a considérablement facilité l'obtention de permis pour les employeurs pour les TÉT.
Peut-être plus important encore, il a éliminé la restriction sur le nombre d'heures que les étudiants internationaux pourraient travailler pendant qu'ils sont censés étudier. Auparavant, la limite était de 20 heures par semaine pendant la session. Il n'y a pas de limite au nombre d'étudiants internationaux qui peuvent se voir accorder un permis d'études. Tout ce dont ils ont besoin, c'est d'être acceptés par un «établissement d’enseignement désigné». En plus des universités, collèges et institutions financés par des fonds publics, il existe un grand nombre de collèges privés à but lucratif qui en acceptent également.
Il ne faut pas être trop cynique pour imaginer que certains exploitants de collèges privés se présenteraient comme un moyen d'obtenir un permis de travail au Canada, avec un chemin possible vers le statut de résident permanent, la qualité de l'éducation étant d'importance secondaire. En effet, une simple recherche sur Internet révélera de nombreuses histoires de ce genre.
Il suffit d'être un peu plus cynique pour conclure que c'était l'intention du gouvernement fédéral en levant la restriction sur le travail pendant la session. Quel moyen facile d'apaiser les demandes de nombreux employeurs pour faire face à la «pénurie de main-d’œuvre».
Les RNP occupent disproportionnellement des postes à bas salaire – des emplois comme les préposés au comptoir de nourriture, les aides de cuisine, les cuisiniers, les caissiers, les vendeurs au détail, les préposés aux étalages, les commis, les chauffeurs de services de livraison, et autres. Statistique Canada rapporte que, même avec un niveau d'éducation élevé, les RNP exercent proportionnellement plus d’occupations sans exigence d'éducation formelle que le reste de la population canadienne.
Vous savez, ça ressemble à quelque chose qu’on verrait dans «ces pays qui exploitent un grand nombre de travailleurs invités».
Et n’oublions pas l'autre point que M. Trudeau a fait valoir en 2014. Tout cela sert à faire baisser les salaires des travailleurs canadiens. En particulier, ceux des travailleurs déjà à bas salaire – si les employeurs ne pouvaient pas compter sur le grand nombre de travailleurs RNP, ils seraient obligés d’augmenter les salaires qu'ils offrent.
Pourquoi le gouvernement fédéral favorise-t-il et encourage-t-il tout ça? Apparemment parce qu'ils répondent au mantra constant du milieu des employeurs selon lequel il y a une «pénurie de main-d’œuvre». Plus précisément, il y a une pénurie de travailleurs prêts à travailler aux salaires que certains employeurs préfèrent payer. Mais le gouvernement fédéral devrait être de quel bord?
Au cours des 20 dernières années, « les patrons » ont fait beaucoup mieux que les travailleurs. Par exemple, les données de Statistique Canada montrent qu'en 2003, la catégorie de travailleurs définie comme «cadres supérieurs» gagnait en moyenne 3,9 fois plus que la catégorie de travailleurs définie comme «soutien aux ventes et services». En 2023, le multiple s'était considérablement accru pour atteindre 5,1 fois. Les postes de vente et services comprennent les caissiers, les préposés aux stations-service, les empileurs d'étagères de magasins, les travailleurs de l'alimentation, de l'hébergement et du tourisme, et les nettoyeurs – typiques des postes occupés par de nombreux travailleurs de RNP.
Compte tenu de cette tendance, il faut se demander : qui a besoin de plus d'aide dans la lutte pour des salaires équitables - les travailleurs ou les patrons? Pourquoi le gouvernement fédéral a-t-il apparemment changé de camp dans cette lutte?
1 Désolée, mais exceptionnellement, compte tenu de la traduction, le masculin est utilisé comme générique et désigne donc aussi bien les femmes que les hommes.
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