Hommage à Simonne Monet Chartrand

2023/09/06 | Par Hélène Chartrand Deslauriers

L’autrice est retraitée de l’enseignement préscolaire

Le 28 août, Postes Canada émettait un timbre en hommage à ma mère Simonne Monet Chartrand (1919-1993) et à mesdames Madeleine Parent (1918-2012) et Léa Roback (1903-2000), remarquables militantes syndicalistes et féministes.

Mon père, Michel Chartrand, et ma mère connaissaient et admiraient ces femmes engagées qui, comme eux, ont lutté toute leur vie contre les inégalités et les injustices sociales. C’est une belle reconnaissance de leur apport à la société québécoise et canadienne.

Féministe et pacifiste convaincue

Depuis sa jeunesse, ma mère possédait une conscience sociale et une conviction profonde en l’égalité des hommes et des femmes. Ce fut pour nous un exemple à suivre. Elle a su faire cohabiter en elle la femme vivant un christianisme moderne depuis sa présidence à la Jeunesse étudiante chrétienne (JEC) nationale. Communicatrice, pacifiste, féministe, mère attentionnée de sept enfants et épouse aimante de son cher Michel ; voilà qui résume toute sa vie.

Elle traduisait ses aspirations en actions. Ses engagements multiples ont reposé sur sa volonté constante de mobiliser les gens en créant un climat d’entraide et de solidarité. Par son rôle d’animatrice sociale bravant parfois les conventions, elle aidait les femmes à ne pas démissionner face aux problèmes aigus, à l’incertitude, à la peur, à l’humiliation que vivaient plusieurs personnes démunies issues de milieux moins favorisés. Elle contribuait à promouvoir l’autonomie, la responsabilité et l’éducation.

Je suis fière de dire qu’elle a éclairé les routes de plusieurs femmes en formant des comités, en les informant, les écoutant et en défendant leur place et leur potentiel. Durant les grands conflits syndicaux, plusieurs fois elle a accompagné mon père, militant ou responsable syndical, pour parler aux femmes des grévistes.

Nous grandissions et elle nous demandait de nous entraider pour les repas, les tâches ménagères et l’entretien de la maison. Deuxième d’une fratrie de sept, j’ai souvent secondé ma mère auprès des deux derniers.

Sa conscience mondiale constituait un autre horizon important. Elle fut membre de La Voix des femmes au côté de Léa Roback et de Thérèse Casgrain. Elle fut observatrice au congrès mondial de la Fédération internationale démocratique des femmes à Moscou en 1963. Elle en revint consciente des problèmes internationaux, entre autres le coup d’État au Chili de septembre 1973 et la lutte contre l’occupation de la Palestine, etc.

Mobilisés par la question du désarmement et de la non-violence, en famille, nous manifestions pour le désarmement nucléaire et la paix et, plus tard, nous allions visiter notre père injustement emprisonné durant la crise d’Octobre de 1970.

Elle lia son engagement pacifique à son militantisme féministe. Elle travailla à la Ligue des droits de l’homme en 1975 qui changera de nom pour la Ligue des droits et libertés en 1978.

Les valeurs de la démocratie, de la justice sociale et de la paix guidèrent les actions de mes parents durant toute leur existence.

Une vie d’écriture

J’ai toujours vu ma mère écrire.

Jeune fille, elle tenait un journal intime. Puis, mère de cinq enfants en bas âge, elle accepte l’invitation de Radio-Canada à présenter de petits textes et sketches, qu’elle écrit le soir lorsque nous dormons et souvent en l’absence de mon père, retenu à l’extérieur par les conflits syndicaux. Elle prépare aussi des conférences pour les Écoles de parents du Québec et les Unions de familles.

Elle signe des pétitions, des cartes de membre de plusieurs organismes et correspond avec l’un ou l’autre d’entre nous, vivant à l’étranger.

Elle publie, en collaboration avec Carmen Villemaire. L’espoir et le défi de la Paix. Puis, une petite histoire des mouvements de paix et de non-violence, Les Québécoises et le mouvement pacifiste et Pionnières québécoises et regroupements de femmes, ce dernier livre terminé à titre posthume par ma belle-sœur Diane Cailher, conjointe de mon frère Alain.

Sur la grande table de la salle à manger face à la rivière Richelieu, elle écrit son autobiographie Ma vie comme rivière qui compte quatre volumes.

Comme Léa Roback et Madeleine Parent, Simonne aura marqué sa génération, toutes trois ayant été des participantes actives aux combats pour construire les fondements d’une société démocratique plus égalitaire.

Elle demeure une inspiration et nous laisse en héritage ses pensées, ses expériences et ses rêves, réalisés ou non…