En 2000, le gouvernement du Québec a adopté la Loi sur l’administration publique qui a créé une infrastructure transparente de la gestion par résultat. Les plans stratégiques pluriannuels sont déposés à l’Assemblée nationale ainsi que les rapports annuels de gestion qui rendent compte des objectifs ciblés et mesurables.
Du 12 au 28 septembre, la Commission sur les relations avec est citoyens a entendu des témoignages sur la Planification de l’immigration 2024 à 2027. Lors de mon passage, le 14 septembre, j’ai expliqué qu’entre 2000 et ma retraite en 2019, j’ai coordonné les travaux de trois plans stratégiques du ministère de l’Immigration (qui a changé de nom plusieurs fois) et deux de l’Office québécois de la langue française, ainsi que les rapports annuels de gestion attenants. J’ai également décrit pourquoi je tiens à ce type de planification et de reddition de comptes. Voici la présentation que j’ai faite aux parlementaires.
De la nécessité d’une bonne et transparente gestion
La transparence dans la gestion de l’État ne peut que contribuer à bâtir la confiance de la population dans le gouvernement. De plus, ce type de planification et de suivi permet d’améliorer en continu les services publics et donc la vie des citoyennes et citoyens. Et de s’assurer que l’argent des contribuables sera utilisé pour résoudre les problèmes clairement identifiés, avec preuves à l’appui, lors de la planification.
En tant qu’élus, les membres de cette Commission ont sûrement remarqué que la confiance de la population dans le gouvernement et dans notre système de gouvernement est intimement liée à la perception que tout est sous contrôle.
Dans le cas de l’immigration, on constate que les Québécoises et Québécois, autant que les Canadiennes et Canadiens, sont très ouverts à l’immigration et aux personnes immigrantes. En général, c’est parce que ce sont des peuples sympathiques et accueillants de nature. Mais moi, je vous dirais qu’une bonne partie de cette ouverture à l’immigration a été maintenue grâce à la perception que l’immigration était bien contrôlée, bien gérée au pays. Nous jouissons d’une réputation enviable comme modèle dans le monde occidental en ce qui concerne notre gestion de l’immigration. En tout cas, jusqu’à récemment.
Un modèle simple et clair
Il faut dire que le modèle était facile à comprendre. Une personne voulant s’établir au Québec fait sa demande de l’étranger. La demande est traitée selon une grille de sélection connue et publique, incluant les caractéristiques que le gouvernement considérait comme pertinentes pour une intégration rapide et à long terme au Québec. Si la candidature, qui incluait les membres de la famille immédiate, obtenait le nombre minimum de points requis, tous les membres de la famille étaient sélectionnés et le gouvernement fédéral leur accordait la résidence permanente avant même leur arrivée sur le territoire. Simple.
De plus, tous les trois ou quatre ans, au Québec, il y a des consultations publiques, comme celle-ci, pour débattre publiquement du nombre de personnes qui seront admises avec le statut de la résidence permanente pour les années à venir, toutes catégories confondues.
Le système faisait en sorte que le nombre de personnes qui obtenaient la résidence permanente correspondait grosso modo au nombre de personnes qui arrivaient au Québec chaque année. Un système simple à comprendre et à suivre. Une perception de bonne gestion, de planification et de reddition de comptes.
Mais que voit-on depuis quelques années?
Un nouveau phénomène : le chaos de l’immigration temporaire
Des reportages presque quotidiens sur le nombre croissant de demandeurs d’asile, d’abord au chemin Roxham et maintenant aux aéroports, dont plusieurs ont recours à l’assistance sociale en attendant leur permis de travail; des travailleuses et travailleurs sans aucun contrôle sur leur vie à cause des permis qui les lient à leur employeur; des jeunes de l’étranger qui ont franchi toutes les étapes et ont payé tous les frais pour étudier ici, mais qui ne trouvent pas de logement abordable ou qui n’arrivent tout simplement pas au Québec parce que leur permis d’études a été refusé; des jeunes francophones éduqués détenant un emploi au Québec qui quittent parce que leur permis temporaire est expiré et qui ne réussissent pas à le renouveler; des attentes interminables pour un permis temporaire ou la résidence permanente ou la citoyenneté. (Et je ne parlerai même pas des histoires tragiques sans fin de migrants qui meurent en mer ou dans la chaleur des déserts.) On entend les mêmes histoires partout au Canada.
Presque tous ces reportages découlent du phénomène de l’immigration temporaire, la partie de l’immigration qui n’est pas planifiée. Ni au Canada ni au Québec. Pourtant, comme vous le savez – et de plus en plus de Québécoises et Québécois le savent – presque toutes les personnes arrivant au Québec de l’étranger sont d’abord des personnes à statut temporaire et elles sont trois ou quatre fois plus nombreuses que celles qui ont obtenu leur résidence permanente la même année.
Est-ce que cela donne la perception d’une immigration sous contrôle? Combien de temps avant que cette perception de perte de contrôle donne lieu aux mêmes divisions qu’on voit apparaître dans d’autres pays? Même avec une population ouverte et accueillante.
Regagner la confiance par une bonne planification
Comment regagner la confiance de la population? Revenir à la transparence dans la planification de l’immigration. Toute bonne planification commence par une lecture lucide et complète des contextes externe et interne. Et ici, je demande pardon à la ministre de ne pas avoir suivi ses consignes et de ne pas me restreindre à commenter les scénarios de volumes d’immigration permanente.
À mon avis, l’analyse du contexte externe que nous avons devant nous n’est pas complète parce qu’on n’examine pas les conséquences de l’immigration temporaire et qu’on évite une réflexion sur ce qui constitue la capacité d’accueil et la façon de la mesurer. Suivant en cela une vieille tradition, le document de consultation n’aborde pas du tout une lecture du contexte interne, c’est-à-dire les ressources disponibles.
C’est à partir de l’analyse des contextes qu’on identifie d’abord les enjeux les plus importants avant de proposer des orientations pour y faire face. Il faut que les liens soient évidents entre le contexte, les enjeux et les orientations. Et, finalement, pour chaque orientation, on élabore des objectifs ciblés dont les résultats seront mesurables.
Nous ne sommes plus dans le même contexte qu’il y a dix ans. Nous ne pouvons plus nous permettre d’entreprendre le même type de planification que par le passé. Non seulement l’immigration temporaire a explosé, mais nous devons prendre un peu de recul pour saisir le contexte international qui accélère de manière dramatique les migrations.
Les membres de cette commission et tous les membres de l’Assemblée nationale ont la lourde responsabilité de ne pas se tromper dans leur vision pour l’avenir de l’immigration et surtout aussi de l’intégration, thème que je n’ai pas le temps d’aborder.
Mais nous n’avons pas le luxe de baisser les bras.
Je crois dans le rôle de l’État de protéger les personnes qui se trouvent sur son territoire et de mettre en place les conditions qui permettront à chaque personne de s’épanouir dans une société – j’ose le dire – tricotée serrée, qui a survécu grâce à ses valeurs de respect et d’entraide. Je crois que le Québec, comme peuple qui intègre avec succès la diversité depuis ses origines peut être un modèle pour le monde en matière de cohésion sociale grâce à sa bonne gestion de l’immigration.
Prenons le temps de bien faire.
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