L’auteure est professeure d’histoire à l’UQTR, trésorière (2019-2021) et membre du CA (2017-2021) de l’IHAF.
Monsieur le Président,
Le vendredi 20 octobre, l’Institut d’histoire de l’Amérique française (IHAF) décernait ses prix. Pour la dixième fois depuis 2003, le prix Lionel-Groulx — le plus prestigieux des prix de l’Institut— était remis à un ouvrage rédigé en anglais. On a beau reconnaitre que l’anglais est la langue de la science, il est troublant de constater que dans un domaine où la vaste majorité des travaux scientifiques sont publiés en français, les plus grands honneurs soient si souvent attribués à des ouvrages en anglais. Tout aussi préoccupant est le fait que les ouvrages portant sur le dernier siècle soient quasiment absents de la liste des lauréats. Il est également surprenant qu’au cours des vingt dernières années, le prix n’ait été attribué qu’à une seule reprise à un historien rattaché par sa formation doctorale ou son lien d’emploi au Réseau de l’Université du Québec où l’on retrouve pourtant un grand nombre des forces vives de l’IHAF.
Comment expliquer ces trois phénomènes autrement que par une forme de discrimination systémique qui s’exerce à l’insu même des membres du jury (qui, j’en suis convaincue, accomplissent leur travail d’évaluation en toute bonne foi)? Il est grand temps que le conseil d’administration de l’IHAF mette fin à cette discrimination systémique en révisant ses pratiques et les règles d’attribution de son plus prestigieux prix pour reconnaitre pleinement la riche diversité de l’histoire qui s’écrit en français sur le Québec et l’Amérique française.
L’Institut doit réserver son prix le plus prestigieux à un ouvrage publié en français. Il doit aussi former un comité indépendant et diversifié pour chacun des prix qu’il attribue afin de multiplier les points de vue sur la production savante comme c’est la pratique dans nombre d’associations savantes. Il peut, enfin, créer un nouveau prix réservé aux ouvrages portant sur le Québec et l’Amérique française publiés dans une autre langue que le français.
Tandis que la structure de financement de l’IHAF est sur le point d’être chamboulée avec l’arrivée prochaine de la diffusion de la RHAF en libre accès, il est d’autant plus important de renforcer le sentiment d’appartenance de la communauté historienne de l’Amérique française à son Institut. En fermant les yeux sur les pratiques de discrimination systémique qui ont cours dans l’attribution de ses plus grands honneurs, l’Institut démobilise ses membres et nuit à sa pérennité à un moment crucial de sa longue et belle histoire.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, mes salutations les plus distinguées.
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