Quelle avancée pacifiste que cet appui des deux partis indépendantistes, le Parti Québécois et Québec Solidaire à la motion présentée à l’Assemblée nationale par la députée de QS Ruba Ghazal réclamant un cessez-le-feu en Palestine.
Le Parti Québécois renouait ainsi avec ses origines. Dans une entrevue à Robin Philpot, Louise Harel rappelait dernièrement que René Lévesque, dès la première moitié des années 1970, préconisait la création de deux États, bien avant que cette idée ait été acceptée.
Mais le vent a tourné au sein du PQ en faveur d’Israël lors de la première guerre du Golfe. Nous avons retrouvé dans nos archives (L’aut’journal, no 91, mars 1991), une entrevue que nous accordait le syndicaliste et député du Parti Québécois Michel Bourdon, alors conjoint de la députée Louise Harel, qui est décédé en 2004. Il s’insurgeait contre cette volte-face. Voici la transcription de l’article :
Bernard Landry à la manœuvre
«Sur le plancher du Congrès, une rumeur tenace, évoquée par The Gazette et la chroniqueuse de La Presse Lysiane Gagnon, voulait que les consuls des États-Unis et d’Israël aient réécrit en lui donnant un caractère ouvertement belliciste, la proposition adoptée initialement par l’Exécutif du PQ. Michel Bourdon nous raconte sa version et son interprétation de ce qui s’est réellement passé.
« ‘‘Ma colère, nous dit Bourdon, venait du fait que le jeudi précédent l’ouverture du congrès, on a soumis au caucus du parti une résolution qui avait reçu l’appui unanime de l’Exécutif national du parti et qui, pour l’essentiel, ne se prononçait pas sur la fameuse Résolution 678 de l’ONU (La résolution permettait le recours à la force pour contraindre l’Irak à respecter toutes les résolutions du Conseil de sécurité, dans l’éventualité où les Iraqiens ne se seraient pas retirés du Koweït au 15 janvier 1991. NDLR).
«C’était un texte habile qui disait que le PQ joint sa voix à toutes les voix dans le monde qui demandent un cessez-le-feu, un retrait des troupes et une conférence internationale sur le Moyen-Orient. Mais c’est un autre texte, appuyant la Résolution 678 de l’ONU, qui s’est retrouvé par la suite au congrès.’’
«Que s’est-il passé entretemps? Bourdon explique : « Bernard Landry nous a dit au caucus qu’il retoucherait la résolution après avoir fait quelques consultations. Mais il en a changé le sens complètement. Après avoir consulté qui? Je ne sais pas. Je ne peux pas me mettre dans la peau du dauphin et aller dans l’œil de l’aigle, mais ce que je sais c’est que le résultat ne me plaît pas et qu’il est susceptible de plaire aux consuls des États-Unis et d’Israël.’’»
Michel Bourdon accuse Bernard Landry d’avoir mené une opération politique.
«La preuve en est, selon lui, l’éditorial du samedi matin de Marcel Adam dans La Presse. Bourdon raconte : ‘‘Marcel Adam, qui est un ennemi juré du PQ et de la souveraineté, a publié un éditorial qui est une première à La Presse : une entrevue avec Bernard Landry! C’était un éditorial commandité. Une entrevue pour avoir un clipping visant à montrer comment docile on était. Bernard Landry a conduit une opération visant à convaincre les Américains qu’un Québec indépendant serait aussi servile que le Canada de Brian Mulroney à l’égard des États-Unis.’’»
Deux poids, deux mesures
À propos de la guerre du Golfe, Bourdon dénonçait une politique des deux poids deux mesures.
«Je n’admets pas l’invasion du Koweït par l’Irak, mais Israël a fait de même, il y a 23 ans, dans les hauteurs du Golan, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, dans trois pays arabes souverains : la Syrie, la Jordanie et l’Égypte. Cela fait 23 ans que le Conseil de sécurité rappelle Israël à l’ordre, mais il n’est même pas question d’embargo économique. Pourquoi le Conseil de sécurité a-t-il autorisé la guerre après cinq mois d’occupation du Koweït et ne fait rien d’autre que d’adopter des résolutions vides sur l’occupation des territoires arabes par Israël?’’
«Au congrès du PQ, Michel Bourdon, avec Louise Harel et d’autres, a dénoncé le fait que le représentant de l’O.L.P. n’ait pas été invité et il a appuyé une résolution sur la reconnaissance d’Israël. Il en explique ici le sens : ‘‘Avec sa résolution en faveur de la guerre, Bernard Landry était en train de vider le bain, mais on a mis un bouchon avec la résolution d’appui à la lutte des Palestiniens.’’
«Par la suite, Michel Bourdon a été accusé de démagogie lorsqu’il a invité, devant des journalistes, le député péquiste Jacques Brassard à être le premier citoyen du Lac-Saint-Jean à se présenter à l’aéroport pour accueillir ses concitoyens qui reviendront du Golfe dans des sacs en plastique.»
Il répond à cette accusation : «Lorsqu’on est pour la guerre, il faut accepter de vivre avec nos morts. Pourquoi un membre des Forces armées canadiennes, résidant dans le comté de Jacques Brassard, irait-il se faire tuer pour le pétrole du Koweït? Je suis d’accord avec Louise Harel lorsqu’elle dit : Lorsqu’on vote la guerre, il faut être prêt à y aller soi-même et à envoyer ses enfants. Si on croit qu’une guerre est juste, on la fait. Si Jacques Brassard et Bernard Landry sont bons apôtres, qu’ils aillent donner leur sang. Quand on fait la guerre, on ne dispose pas uniquement du sang des autres.»
Revenir dans le droit chemin
Aujourd’hui, en réaction à leur prise de décision en faveur d’un cessez-le-feu en Palestine, les députés du PQ et de QS doivent s’attendre à des réactions des consuls d’Israël et des États-Unis ou, à tout le moins, à recevoir la visite – si cela n’a pas déjà été fait – de leur émissaire «officieux», l’inévitable Richard Marceau, ancien député bloquiste converti au judaïsme, qui a travaillé de 2006 à 2011 au Comité Canada-Israël et, depuis 2011, travaille au Centre consultatif des relations juives et israéliennes. Pour les ramener dans le droit chemin, Richard Marceau leur expliquera qu’Israël ne fait que se défendre et que son occupation militaire de la Palestine respecte le «principe de proportionnalité» et le droit international, comme il l’affirme dans un article publié dans Le Devoir.
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