L’auteur est président du Mouvement laïque québécois
Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a déposé le 2 novembre dernier son rapport sur l’islamophobie visant à combattre ce qui est présenté comme de l’ « islamophobie systémique ».
La définition retenue de l’islamophobie est la suivante : « Racisme, stéréotypes, préjugés, peur ou actes d’hostilité envers des personnes musulmanes ou les adeptes de l’islam en général. En plus de motiver des actes d’intolérance et de profilage racial, l’islamophobie mène à considérer, aux niveaux institutionnel, systémique et sociétal, que les musulmans constituent une menace accrue pour la sécurité. »
Le Comité précise que cette définition n’a pas pour effet d’empêcher la critique de l’islam. Quoi qu’en disent les auteurs du rapport, le fait de mettre les stéréotypes, les préjugés et la peur sur le même pied que les actes d’hostilité et les menaces à la sécurité peut fort bien être utilisé pour faire taire les critiques de l’islam.
La critique peut aisément être perçue comme des stéréotypes, préjugés ou du blasphème par ceux et celles qui adhèrent à la croyance visée. Et si les actes de terrorisme commis au nom de l’islam suscitent la peur, ce sentiment fait partie de l’islamophobie au même titre que la haine.
De nombreux passages du rapport montrent que ces termes désignent en fait des critiques légitimes et raisonnées de l’islam. En voici un exemple. « L’islamophobie est enracinée dans les stéréotypes et la mésinformation, et résulte souvent de la déformation de concepts comme la charia, le jihad et le hijab. […] La façon dont on caractérise constamment les musulmans dans les médias a favorisé l’ancrage de ces stéréotypes, les faisant passer pour des vérités. Il est primordial de rectifier ces conceptions erronées et de donner l’heure juste quant à ces stéréotypes. »
Les critiques de la charia, du jihad (guerre sainte) et du hijab qui divergent d’avec l’opinion des auteurs du rapport pourraient donc être des stéréotypes et des préjugés qui alimentent l’islamophobie et qui résultent de la mésinformation! On a là un bien vilain préjugé de la part des auteurs, voire un parti-pris idéologico-religieux.
En conférence de presse, la présidente du Comité, la sénatrice Salma Ataullahjan, a défendu la même vision des choses : « À la base, a-t-elle déclaré, l’islamophobie est enracinée dans des stéréotypes qui proviennent souvent d’une mauvaise interprétation des concepts religieux islamiques ». Quelles sont donc les bonnes interprétations des concepts religieux islamiques? Celles de Daesh, des ayatollahs iraniens, ou des musulmans progressistes et démocrates?
Si on accepte que l’islam puisse être critiqué, il faut accepter l’expression d’opinions négatives voire offensantes. Le droit de ne pas être offensé n’existe pas en démocratie et le délit de blasphème a été aboli au Canada en 2018. Plusieurs experts invités à témoigner devant le Comité sénatorial ont demandé de distinguer la critique de l’islam et la haine des musulmans. Le Comité a plutôt choisi de tout mélanger.
Laïcité et « islamophobie systémique »
La Loi sur la laïcité de l’État est quant à elle ciblée comme l’une des sources majeures d’ « islamophobie systémique ». À aucun endroit dans le rapport ne trouve-t-on les motifs légitimes fondant cette loi, si ce n’est de dire qu’ « elle se réclame de principes comme la liberté de conscience, la liberté de religion et l’égalité de tous les citoyens ».
Qu’en est-il de la neutralité religieuse de l’État et de la séparation des religions et de l’État? Les sénateurs ignoreraient-ils l’existence du jugement de la Cour suprême du Canada sur lequel est fondée la loi 21 et qui oblige l’État et ses institutions à une neutralité religieuse « en fait et en apparence »?
Le chapitre sur la laïcité ne fait que reprendre les arguments de tous les groupes opposés à la laïcité, sans aucun souci d’analyse, de pondération ou de recul critique. Ce chapitre peut être résumé ainsi : « la loi 21 est une loi discriminatoire et islamophobe puisque c’est ce que nos témoins nous ont dit ».
L’ensemble des recommandations vise à accorder à l’islam un traitement particulier et privilégié et ne fait que reprendre, pour l’essentiel, les recommandations déjà formulées par le Conseil national des musulmans canadiens.
Les positions de ce conseil, qui est l’un des leaders de la contestation juridique de la loi 21, sont d’ailleurs présentées à 21 reprises dans le rapport et pas moins de cinq de ses représentants ont été invités à témoigner. Sans compter la présidente du Comité, la sénatrice Ataullahjan, qui est elle-même membre de ce Conseil! Dans de telles circonstances, la moindre des choses aurait été qu’elle s’abstienne de participer à ces travaux par souci de transparence, de neutralité et d’honnêteté intellectuelle.
La véritable mission de ce rapport semble bien de paver la voie à l’intervention du gouvernement fédéral contre la loi 21 lorsqu’elle sera portée devant la Cour suprême du Canada.
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