Québec tient actuellement des consultations en vue de la planification pluriannuelle de l’immigration. Ces consultations ont pour but explicite de définir de « nouvelles orientations pour favoriser une immigration francophone » et se concentrent sur l’immigration internationale. Un facteur important d’anglicisation du Québec ne sera donc pas examiné lors de ces consultations, j’ai nommé l’immigration interprovinciale.
En 2021, parmi les anglophones du Québec (selon la première langue officielle parlée), seuls 53 % étaient nés au Québec (voir graphique 6). Des 47 % restants, 36 % étaient nés à l’extérieur du Canada et 11 % étaient nés au Canada hors Québec. On peut donc estimer que l’immigration interprovinciale équivaut environ au tiers de l’impact anglicisant de l’immigration internationale et est responsable d’environ les deux cinquièmes de l’anglicisation du Québec résultant de l’intégration à la communauté anglophone de personnes qui ne sont pas nées au Québec. C’est loin d’être marginal.
Le tamisage migratoire, soit le départ en surnombre du Québec des anglophones et allophones anglicisés, est le facteur principal qui a permis au Québec français de maintenir le poids démographique relatif des francophones en haut de 80 % pendant plus d’un siècle. Or, depuis plusieurs années, le solde migratoire interprovincial est de moins en moins négatif et le tamisage migratoire est en train de s’enrayer. Des Ontariens sont en train de s’établir en masse à Gatineau, attirés par le prix plus faible des maisons et, bien sûr, ceux-ci imposent l’anglais partout où ils vont.
La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) vient de réaliser une étude de projections démographiques pour calculer la quantité de logements nécessaires au Canada d’ici 2030. La SCHL écrit (p. 9) : « Dans le scénario de forte croissance démographique, il faudrait davantage de logements en Alberta et au Québec. En effet, un nombre de plus en plus important d’immigrants s’y installeraient étant donné que le logement y est beaucoup moins cher qu’en Colombie-Britannique et en Ontario. »
La crise du logement carabinée au Canada pousse et poussera de plus en plus la population vers les territoires où le logement est le moins inabordable (chez nous).
Le Québec aura beau planifier les seuils d’immigrants internationaux aussi soigneusement qu’il le veut, il ne contrôle aucunement la migration interprovinciale. Ces immigrants ont d’ailleurs, le plus souvent, accès à l’école anglaise et à l’ensemble des services de l’État en anglais chez nous. Si aucune étude, à ma connaissance, ne s’est penchée spécifiquement sur leur « francisation », il y a fort à parier que celle-ci est minuscule (quelques points de pourcentage tout au plus).
Face à cela, pour sauver le français au Québec, il faudra réhabiliter la « clause Québec » à l’école, dans les services publics, dans les cégeps et universités, de toutes les façons possibles. Elle prévoyait que seuls les enfants dont le père ou la mère avaient reçu un enseignement en anglais au Québec avaient le droit de fréquenter l’école anglaise au Québec.
Le 26 juillet 1984, la Cour suprême du Canada déclara que la « clause Québec » était inconstitutionnelle, et ce, rétroactivement, parce qu’elle était contraire à la Charte canadienne des droits et libertés (adoptée en 1982). Le mot « Québec » a été remplacé par le mot « Canada » et, donc, la « clause Québec » par la « clause Canada ».