Nous venons d’apprendre le décès de notre ex-collaborateur et ami Michel Lapierre. Il a collaboré à « L’aut’journal » de 1999 à 2004, de même que,
de 2001 à 2009, à notre revue « L’Apostrophe ». Depuis 2003 et jusqu’à tout récemment, il signait une chronique dans la section culturelle du journal « Le Devoir ».
Dans les pages de L’aut’journal et de L’Apostrophe, il était critique des essais sur l’histoire du Québec. Il a eu l’originalité de couvrir toutes les époques de notre histoire, ce qui lui a permis de les réunir dans un livre intitulé L’autre histoire du Québec, publié aux Éditions Trois-Pistoles.
Son éditeur, Victor-Lévy Beaulieu, écrit dans la préface : « À cause de son intransigeance et du talent qu’il faut avoir quand on aborde les mots des autres et qu’on le fait sans compromis, Lapierre a compris que lire n’est pas une démission, mais une confrontation avec l’autre comme avec soi-même. »
À L’aut’journal, nous avons été les témoins privilégiés de l’attention qu’il portait aux mots et à l’exactitude des propos. Lors du montage du journal, il se pointait le matin et passait la journée à lire, relire, relire encore et encore une nouvelle fois son texte, jusqu’à ce qu’il faille le lui enlever des mains pour l’envoyer à l’imprimeur.
Sa relecture n’était interrompue que par des discussions passionnées avec son mentor Jean-Claude Germain, qui supervisait le montage du journal. Histoire de vérifier un fait, une interprétation, Michel consultait Jean-Claude. Ceux qui connaissent Jean-Claude savent qu’il ne pouvait s’en tenir à une courte explication ou à un simple commentaire. Nous avions alors droit, à partir d’un petit fait, à un cours d’histoire de Jean-Claude, agrémenté par des questions, des commentaires de Michel, qui avaient évidemment pour effet de relancer Jean-Claude. Difficile de ne pas être ébahi devant une telle érudition et c’est à contrecœur que je me devais d’y mettre fin et de les ramener à la dure réalité des choses : la nécessité de terminer la production du journal.
Dans l’introduction de son livre, L’autre histoire du Québec, Michel rend hommage à Jean-Claude, ainsi qu’au docteur Jacques Ferron, à qui il vouait un culte. Il explique pourquoi il s’est détourné de l’histoire traditionnelle pour cette autre histoire du Québec : « Je m’étais rendu compte que nos historiens patentés d’aujourd’hui, pourtant avides de synthèses, fuient, comme la peste, l’idée même d’interprétation globale, et que les interprétations globales d’aujourd’hui sonnent faux, à l’exception de celle, encore très méconnue, de Jacques Ferron.
« Sans interprétation globale, notre histoire n’existe pas. L’autre histoire du Québec, c’est celle que racontait hier le docteur Ferron et c’est celle que raconte aujourd’hui Jean-Claude Germain. J’ai voulu prolonger à ma manière les interprétations de ces deux historiens clandestins dont j’admire les griffes inimitables et bien distinctes. »
Michel Lapierre complète bien ce trio d’« historiens clandestins ». Chaque année, à l’occasion de la Fête des Patriotes, nous remettons en ligne son texte admirable sur celui qu’il considérait être l’homme politique le plus important de l’histoire du Québec : Louis-Joseph Papineau.
Par un étrange concours du destin, sa dernière critique pour « Le Devoir », qui remonte au mois de juillet 2023, est consacrée au livre d’Anne-Marie Sicotte, dont Michel nous dit qu’il constitue la première biographie complète de Louis-Joseph Papineau.