L’auteur est coordonnateur d’École ensemble
Les médias de Québecor dévoilaient récemment en grande pompe le Palmarès des écoles secondaires. Cet outil de communication est développé par l’Institut Fraser et a pour objectif politique de renforcer l’idée que l’éducation est un produit de consommation.
Au fil des années, ce palmarès a toujours été controversé. Voici notre top 4 des arguments contre le Palmarès des écoles.
4e position : le délestage
Pour ne pas arrêter de monter, les montgolfières doivent jeter du lest. Dans un marché scolaire comme le nôtre, le même principe s’applique : les écoles privées subventionnées et les écoles publiques sélectives renvoient vers les écoles publiques ordinaires les élèves qui risquent de leur nuire dans les palmarès.
En octobre 2000, le ministre de l’Éducation déclarait : « Avec un palmarès comme celui-là, ce qu’on vient faire, c’est encourager les écoles à se débarrasser des élèves plus faibles avant les secondaires 4 et 5 pour bien performer. Ça n’a pas de bon sens. » Qui était ministre de l’Éducation en 2000 ? François Legault.
Qu’en pense-t-il aujourd’hui? Et son ministre de l’Éducation, Bernard Drainville? Ont-ils seulement des données sur les renvois d’élèves des écoles sélectives ? Et quelles sont les conséquences sur ces élèves qui sont ainsi expulsés pour mieux faire paraître leur ancienne école ?
3e position : le gonflage de chiffres
Le palmarès sert à vendre un nouvel argument en faveur des écoles privées subventionnées : ces écoles accueilleraient maintenant plus d’élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage, les EHDAA.
Sentant la forte baisse de l’acceptation sociale pour un modèle d’affaires basé sur le tri social de leurs clients, les écoles privées subventionnées ont un truc pour paraître moins exclusives : attribuer des plans d’interventions à leurs élèves. Il faut savoir que pour le ministère, un plan d’intervention égale un EHDAA. Une demande d’accès à l’information faite par École ensemble a permis de constater que lorsque l’ancienne ministre de l’Éducation a simplement menacé en 2012 les écoles privées subventionnées de conditionner leur financement public à une plus grande présence d’EHDAA, le nombre de plans d’intervention au privé subventionné a plus que quintuplé en un an !
La croissance du nombre de plans d’intervention est constante depuis cette date sans qu’on observe de baisse correspondante du côté du public. Et bien sûr, on parle ici de plans d’intervention « sans code », pour les cas moins lourds. À part dans la douzaine d’écoles privées spécialisées en adaptation scolaire, il n’y a pas de plans d’intervention avec code au privé subventionné.
Et même si des écoles privées subventionnées acceptaient vraiment plus d’élèves dits HDAA, il faut rappeler que leurs parents doivent sortir le chéquier. Les familles défavorisées n’ont pas ce « choix ».
2e position : le choix… des écoles
On nous vend le Palmarès en disant qu’il aidera les parents à faire le bon «choix» d’école. Cet argument est séduisant, mais il est faux. Si vous connaissez des parents d’enfants de 6e année du primaire, vous savez qu’eux et leurs enfants sont très anxieux pendant la période du magasinage scolaire. Et pour cause : le choix, ce n’est pas eux qui l’ont. Le choix, il appartient aux écoles privées subventionnées et aux écoles publiques sélectives.
Ce sont ces écoles qui trient les enfants en fonction de leur valeur. Les élèves doivent être rentables en argent (parce que ces équipements dernier cri, ça se paye) et en notes (parce qu’il faut continuer de monter dans les palmarès...)
1re position : les meilleures… pour sélectionner
Vous l’attendiez, voici notre top 1 des arguments contre le palmarès : il ne nous dit rien sur les meilleures écoles. Il nous dit plutôt quelles écoles ont sélectionné les meilleurs élèves.
Le Québec s’est doté depuis 55 ans d’un marché scolaire. Nous avons décidé de mettre les écoles en concurrence. Elles se battent pour grimper dans les palmarès. Et pour y grimper, la recette est simple : choisir les meilleurs élèves. Les écoles dites privées le font depuis des décennies. Malheureusement, le réseau public a choisi lui aussi la voie de la concurrence en créant des écoles publiques sélectives qui procèdent à un tri des élèves.
Nos écoles devaient instruire les citoyens de demain. Comme nous sommes rendus loin de cet objectif !
Notre système d’éducation est inefficace et injuste. On comprend maintenant quel rôle y joue le Palmarès. Pourtant une solution, celle du réseau commun proposé par École ensemble, est à portée de main. Si on veut le meilleur pour tous les enfants, il est temps de réagir.