L’auteur est médecin vétérinaire. Il habite Maniwaki.
Un dépotoir nucléaire géant, dans un milieu humide, près de la rivière des Outaouais, sur une membrane artificielle alors qu’on exige 6 mètres d’argile stable sous un dépotoir de déchets domestique. Nous sommes contre ce projet de dépotoir nucléaire hors terre de 18 mètres de haut sur 16 hectares. LNC (Laboratoires nucléaires canadiens) affirme qu’il s’agit de déchets faiblement radioactifs (300 ans). Cependant LCN prévoyait au départ l’ajout de déchets moyennement radioactifs, ce qui aurait nécessité un système de refroidissement. De plus, vont se retrouver mélangés au reste de petites quantités de plus de 20 éléments radioactifs à long terme comme le plutonium.
Six mètres d’argile stable sous un dépotoir de déchets domestiques
En 2008, à Danford Lake, à 100 km du coté québécois, les opposants à un projet de dépotoir de déchets domestiques, qui devait lui aussi être installé sur un dépôt de sable et sur une membrane avec récupération du lixiviat près de la rivière Picanock, ont obtenu un BAPE où on a appris qu’un dépotoir de déchets devait reposer sur une couche stable d’argile d’au moins 6 mètres d’épaisseur (p.51).
D’après la carte des sols de l’Ontario du comté de Renfrew, il n’y a pas d’argile à proximité de Chalk River. Contrairement à Danford et pour un projet infiniment plus menaçant, ce ne sont pas des commissaires indépendants qui mènent la consultation.
Pesticides retrouvés à 115 mètres
En 1990, des chercheurs ont retrouvé intacts à 115 mètres de profondeur deux des trois pesticides appliqués sur le sol de Chalk River cinq mois plus tôt, le tritium servant de témoin. On sait depuis 30 ans que les pesticides utilisés dans la culture de la pomme de terre (dont le glyphosate qui vient d’être approuvé pour 15 ans par Ottawa) s’infiltrent dans le sol et contaminent les puits. La migration peut aussi être horizontale: l’hexazinone contamine les puits et les plans d’eau des régions sablonneuses où on retrouve des bleuetières (Maine, Lac-Saint-Jean).
Chalk River est juste à côté de l’Outaouais. Plusieurs radios nucléotides comme le tritium sont solubles dans l’eau. Le tritium qui est de l’hydrogène (H3) est plus que soluble. Il devient un composant de l’eau et de la matière organique. Les centrales ontariennes ont fait doubler le taux de tritium dans les Grands Lacs et quadrupler dans le lac Ontario, comparé au lac Supérieur. Le réacteur CANDU émettant beaucoup de tritium, le Canada tolère 7 000 becquerels par litre d’eau alors que la limite en Europe est de 100 becquerels et en Californie de 15. Compte tenu de sa bioaccumulation par certains organismes et de sa persistance dans certains tissus comme l’ADN, la dangerosité du tritium pourrait avoir été sous-évaluée.
Une membrane de polyéthylène garantie 1700 ans
Le promoteur du dépotoir prétend qu’une couche d’un mètre d’argile transportée sur le site ainsi qu’une membrane de polyéthylène comportant un très grand nombre de joints peut éviter une contamination et qu’on va être capable de récupérer et traiter l’eau de pluie contaminée (lixiviat) qui va s’infiltrer dans les déchets jusqu'à ce qu’on referme le tout dans 50 ans.
Selon l’expert de LCN, la membrane va durer 1700 ans et seul un tremblement de terre pourrait l’endommager. Pourtant, le débat sur la résistance du polyéthylène aux agents radiologiques, chimiques et biologiques n’est pas tranché. Une expérience a montré qu’après 10 ans dans le lixiviat de déchets domestiques, un biofilm s’était installé sur du polyéthylène préoxidé. Ce qui évoque la possibilité qu’un microorganisme puisse le digérer.
En France, ces membranes ne sont autorisées que pour les déchets non dangereux comme des déchets domestiques. La France construit des entrepôts couverts en béton afin d’éviter que l’eau n’entre en contact avec les déchets. C’est aussi ce que préconise Québec. C’est aussi ce qui était prévu avant le transfert au privé. En mai 2006, Énergie Atomique du Canada annonce que : tous les déchets seront rassemblés dans un entrepôt tout bétonné et sécuritaire pour des siècles à venir.
Nous apprécions d’autant moins ce stockage improvisé que nous habitons la vallée de la Gatineau, sous le vent dominant de Chalk River qui pollue le sol, l’eau et l’air depuis les années 40. Dans les années 70, les habitants de la vallée nous faisaient part de leur inquiétude. À tort ou à raison, ils soupçonnaient la centrale d’avoir fait augmenter le taux de cancer.
Quelques questions
La démolition des installations actuelles va-t-elle créer une poussière polluante? Remuer les sols pour récupérer les déchets ne risque-t-il pas de remettre en circulation les polluants chimiques et nucléaires? Le fait de concentrer tous les déchets au même endroit peut-il s’avérer une erreur comme à Tchernobyl, où, craignant un incendie de forêt, on a enterré à la hâte les pins tués par l’irradiation, ce qui a entrainé une contamination du sol et de l’eau? À ce propos Énergie Atomique du Canada ne fait-elle pas preuve d’imprudence vis-à-vis des risques de feu de forêt, en tolérant la présence d’une forêt mature près des installations?
Crédibilité des États et des corporations
Comment croire à ce qu’affirme LCN alors qu’on a toujours minimisé les impacts du nucléaire ? En fait la première raison de sortir du nucléaire, c’est la difficulté de faire confiance aux États et aux corporations. En 1957, en Sibérie, 20 millions de curies sont projetés lors de l’explosion d’un dépotoir de déchets causée par une réaction chimique enclenchée par une panne du système de refroidissement.
La Russie l’a caché de même que les États-Unis et l’Angleterre pour ne pas nuire à leur programme d’armement. À Tchernobyl, l’URSS a attendu 36 heures avant de prévenir les habitants et 15 jours pour l’annoncer publiquement. La France a nié, elle aussi, pendant 2 semaines la présence du nuage radioactif qui se serait arrêté à la frontière… En dépit des ententes, plusieurs pays déversent toujours des déchets en mer, directement ou par l’intermédiaire de sociétés bidon ou de diverses mafias.
Parlementaires canadiens pronucléaires
Les parlementaires canadiens ont, dans les dix dernières années, affaiblit l’évaluation environnementale, ridiculisé la Commission de Sureté Nucléaire qui affirmait en 2010 dans un rapport que le CANDU présente plusieurs faiblesses et n’est pas à l’abri d’un accident, renvoyé Mme Keen, la présidente de cette commission pour forcer la reprise des opérations à Chalk River, vendu 3 000 tonnes d’uranium à l’Inde qui a fabriqué des bombes grâce au Candu canadien subventionné et, enfin, transféré la centrale au consortium privé qui pilote ce projet: SNC-Lavalin (qu’Ottawa s’apprête à gracier malgré ses pots-de-vin) est associée à quatre compagnies dont CH2 M HILL. Cette dernière, qui est en train de démolir Hanford, y a causé trois fuites de plutonium, dont une ayant contaminé 30 travailleurs. Ce transfert au privé n’est certainement pas dans le but de renforcer la sécurité. Il est bien connu que, même au Canada, la démolition est souvent confiée à des compagnies peu scrupuleuses. Ottawa transfère au privé pour se débarrasser de ses responsabilités et pour que ça coûte moins cher.
Le nucléaire civil comme militaire, une voie sans issue
Le nucléaire crée des problèmes insolubles (Corée, etc.). On n’aurait jamais du laisser sortir ce mauvais génie du sol. Le Canada a subventionné pour 17 milliards de dollars le nucléaire et devra dépenser un autre 3 milliards pour démolir Chalk River et il en coûterait 10 milliards pour enfouir ces déchets dans le roc.
Le Canada a fourni le tiers du combustible extrait à ce jour dans le monde. Une partie s’est retrouvée dans les bombes et maintenant dans les munitions à l’uranium. En dépit de Tchernobyl et Fukushima, il y a actuellement 66 réacteurs en construction, principalement en Chine et Russie où il n’y a pas d’opposition, peu de sécurité et davantage de subventions. Trois anciens premiers ministres japonais plaident pour qu’on sorte du nucléaire, ce qui n’empêche pas nos parlementaires de relancer le nucléaire alors qu’ils refusent toujours de régler le problème des déchets ce qui démontrerait encore mieux la non-rentabilité de cette filière qui n’est pas assurable par le privé.
Nous croyons qu’il est impossible de mettre à l’abri de toute catastrophe naturelle ou politique, pendant des dizaines de milliers d’années, la société hautement technologique nécessaire au maintien des centrales, des armes et à la surveillance des déchets. Il est par conséquent irresponsable de continuer à extraire, utiliser, vendre et subventionner l’uranium. Il faut investir dans des modes de production moins complexes et dangereux tels que le solaire.
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