L’autrice est retraitée de la Commission canadienne des droits de la personne. Elle signe ce texte à titre personnel. Elle a publié La petite histoire de la Loi sur la laïcité de l’État et de sa contestation juridique. Sous l’angle de l’égalité des sexes au Québec, aux Éditions du Renouveau québécois. Pour se procurer ce livre, cliquez ici.
Ottawa doit impérativement agir pour contrer les propos haineux qui sont à la hausse depuis le début de la guerre au Moyen-Orient. Or, le Code criminel canadien protège les personnes qui fomentent volontairement la haine ou l’antisémitisme, lorsque leurs propos sont exprimés de bonne foi et fondés sur un texte religieux auquel ils croient.
L’abrogation de cette exception religieuse du Code criminel, qui met d’ailleurs aussi à mal la neutralité religieuse de l’État canadien, semble donc une étape indispensable pour la sécurité et le bien-être des Canadiens.
C’est dans cette optique que le Bloc Québécois a déposé, en novembre dernier, le projet de loi C-367 visant à « colmater » une « brèche complaisante » du Code criminel qui autorise les discours haineux ou antisémites lorsqu’ils sont fondés sur la religion. Malheureusement, ce projet de loi est resté lettre morte, n’ayant même pas été considéré dans l’ordre des priorités du gouvernement fédéral.
Le Bloc québécois vient de relancer le débat en déposant, en ce début de session parlementaire, un deuxième projet de loi pour éliminer l’exception religieuse du Code criminel. Les députés fédéraux seront donc de nouveau appelés à se prononcer sur le sujet.
Rappelons que ce n’est pas la première fois qu’Ottawa fait la sourde d’oreille sur ce sujet. En effet, en 2017-2018, plus de 1500 personnes avaient signé une pétition demandant l’abrogation de cette exception religieuse. La réponse du gouvernement était alors inadéquate puisque la jurisprudence R. c. Keegstra (1990) évoquée pour justifier son refus d’abrogation datait d’avant l’introduction de cette exception religieuse dans le Code criminel en 2004.
L’association des Libres penseurs athées, à l’origine de la pétition de 2017-2028, avait pourtant fait valoir que :
1. Les textes de plusieurs des principales religions du monde comportent des propos qui dénigrent et prônent la haine contre les incroyants, les femmes, les homosexuels ou certains groupes ethniques ou raciaux, des propos qui parfois appellent à la violence, voire à la violence mortelle.
2. Les religions constituent donc une importante cause de propagande haineuse contre plusieurs groupes.
3. La liberté de religion des uns ne doit pas avoir préséance sur les droits fondamentaux des autres et ne doit jamais, en aucun cas, menacer ni l’intégrité physique ni la vie des membres des groupes visés par les propos haineux dans ces textes religieux.
Plus récemment, c’est le discours de l’imam Adil Charkaoui, prononcé le 28 octobre 2023 lors d’une manifestation pro-palestinienne près de la Place des Arts, à Montréal, qui a sensibilisé les politiciens à l’égard de l’existence de l’exception religieuse du Code criminel. Ce dernier avait proclamé, en arabe : « Allah, charge-toi de ces agresseurs sionistes. Allah, charge-toi des ennemis du peuple de Gaza. Allah, recense-les tous, puis extermine-les. Et n’épargne aucun d’entre eux ! »
À l’époque, même le premier ministre Justin Trudeau avait condamné les propos de l’imam Charkaoui tout en affirmant, cependant, que le Canada « a déjà des règles très sévères contre l’incitation à la haine, au génocide et à la violence ».
Qu’attend le gouvernement fédéral pour éliminer cette exception religieuse qui semble protéger de tels discours haineux ? Son inaction à cet égard est d’autant plus étonnante que la lutte contre le discours haineux est une priorité du gouvernement actuel.
Espérons que le deuxième projet de loi du Bloc québécois demandant l’abrogation de l’exception religieuse sera mieux accueilli et fasse partie des priorités du gouvernement pour la session d’hiver 2024.
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