Éoliennes : 6,09 milliards $ pour la priorité accordée au privé

2024/03/15 | Par IREC

L’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC) publie ce matin un rapport qui risque de causer un choc aux clients d’Hydro-Québec. Depuis 2009, les consommateurs ont payé plus de 6,09 G$ pour la priorité accordée au développement la filière éolienne par des investisseurs privés. Cette somme assumée par la clientèle de la société d’État est attribuable à un problème de planification énergétique, affirment les auteurs du rapport.

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« Depuis vingt-cinq ans, on a créé les conditions d’une éventuelle privatisation de la production d’électricité au Québec. C’est exactement le modèle qui a été mis en place au tournant des années 2000 quand on s’est conformé à l’ALENA dans le but d’exporter notre électricité. En ce moment, on est à un point tournant. La privatisation c’est maintenant que ça se passe », a déclaré Noël Fagoaga, chercheur à l’IRÉC et auteur principal de l’étude.

« La situation dans laquelle on se trouve présentement est le résultat d’une décision politique. Du point de vue des services à la population, elle n’est nullement basée sur une évaluation optimale et ne répond pas à la mission d’Hydro-Québec », a-t-il ajouté.

Après examen des contrats des quatre premiers appels d’offres pour la période 2006-2023, les chercheurs ont chiffré les coûts totaux d’acquisition de l’énergie a près de 10 G$ pour la période. En incluant les coûts de surproduction, le montant de la facture grimpe à 11,18 G$ en 2023 et ira jusqu’à 22,2 G$ à l’horizon 2035, simplement pour les quatre premiers appels d’offres.

Au cours de la même période, les marges bénéficiaires du secteur éolien se situaient entre 900 M$ et 1,68 G$ et gonfleront à jusqu’entre 1,79 G$ et 3,34 G$ au total à l’horizon 2035, ont calculé les auteurs de l’étude.

« Ce sont des sommes qui vont directement dans les coffres des promoteurs privés qui produisent cette énergie que nous sommes obligés d’acheter en raison des contrats signés avec Hydro-Québec », explique le chercheur à l’IRÉC. N’eût été la politique de développement privatisé de la filière éolienne, ces sommes se seraient retrouvées d’une façon ou d’une autre dans les poches des Québécois.

Les auteurs de l’étude ont également chiffré les coûts supplémentaires que le développement de la filière éolienne inflige au service de distribution d’Hydro-Québec puisque la capacité du réseau à intégrer de nouveaux projets arrive à un point de saturation. Le coût s’élève déjà à 1 G$.

La production électrique supplémentaire prévue par les prochains appels d’offres amènera une augmentation de ce coût et nécessitera la construction de nouvelles infrastructures pour intégrer cet approvisionnement à la distribution.

En matière de développement régional, la mise en place de la filière éolienne représente une occasion manquée. Les parcs éoliens bénéficient d’une exemption de taxes municipales qui avaient initialement été accordées à Hydro-Québec. Aujourd’hui, cette exemption empêche les municipalités d’exercer l’influence nécessaire sur les promoteurs de projet éolien. Si l’État encourage le paiement de redevances aux municipalités, les villes ne disposent d’aucun rapport de force et se retrouvent donc à la merci des promoteurs.

Le développement d’une filière éolienne par Hydro-Québec avec la collaboration des municipalités aurait pu permettre aux deux acteurs de profiter de revenus compris entre 450 M$ et 840 M$ entre 2006 et 2023 et entre 910 et 1 700 M$ à l’horizon 2035. En prenant en compte les deux derniers appels d’offres (2 300 MW), ces revenus pourraient augmenter de manière significative.

« L’enjeu de l’énergie c’est la question la plus brûlante du XXIe siècle. Au cours de leur histoire, les Québécois ont nationalisé l’électricité pour assurer la maîtrise de leur destinée. C’est vital qu’il y ait un débat de société là-dessus. Un jour ou l’autre il nous faudra choisir entre donner le bénéfice de notre production électrique au privé ou bien en faire un usage pour le bien de la collectivité. Ce choix, il arrive maintenant », a conclu Noël Fagoaga.