Chercher les moyens dans la fibre nationale

2024/04/19 | Par Guy Roy

Dernièrement était révélé à Radio-Canada qu’un paraplégique avait choisi l’aide médicale à mourir à la suite d’une plaie de lit qui l’avait infecté au point de provoquer sa mort imminente à la suite d’un séjour de quatre longues journées à l’urgence de Saint-Jérôme.

C’est un drame provoqué par le manque de moyen des hôpitaux pour recruter et maintenir la main-d’œuvre suffisante pour prodiguer des soins. On apprenait en outre que les structures d’accueil de l’urgence à Saint-Jérôme sont vétustes et qu’elles sont inappropriées pour recevoir des malades handicapés. C’est encore là un manque de moyens qui empêchent les administrateurs de procéder au recrutement et aux rénovations nécessaires.

Le ministre a beau répété qu’il ne s’agit pas d’argent, il est évident qu’avec des moyens supplémentaires, les gestionnaires pourraient pallier les insuffisances du système de santé. Le ministre peut s’aveugler et nier la réalité, c’est pour masquer son intention de privatiser qu’il invoque le peu de créativité des administrateurs ou du personnel. Ceux-ci ne peuvent inventer du monde pour travailler à leurs côtés et créer de toutes pièces de nouveaux locaux. Ils ont besoin de ressources financières pour gérer adéquatement. Leur devoir de réserve, comme fonctionnaires, les empêchent d’aller sur la place publique pour le dire, mais nombre d’entre eux déplorent, hors caméra, leurs manques de moyens pour accomplir leur tâche.

Malgré le déni du ministre, tout le monde en convient, et les syndicats du secteurs publics le dénotaient aux dernières négociations, c’est un manque d’argent qui provoque les morts à l’urgence et l’accumulation des listes d’attente en chirurgie. On n’a pas planifié la formation de la main-d’œuvre, de médecins de famille entre autres, et les moyens dont disposent les administrations locales pour les attirer et les retenir manquent cruellement. Au sommet de l’État on se satisfait, à commencer par le ministre lui-même, de jugements sommaires sur ce manque des ressources pour mieux justifier les solutions simplistes comme la privatisation au lieu et place d’augmenter davantage les réinvestissements en santé.

Mais où irions-nous chercher l’argent puisque l’opinion est défavorable, à la suite de campagnes de droite bien orchestrées, à toute augmentation de taxes ? C’est ce que nous répétons depuis des années. L’exemple d’Hydro-Québec et des autres compagnies d’État sont là pour le démontrer. Il s’agirait de nationaliser pour socialiser les revenus gigantesques des grandes entreprises et ainsi les mettre à la disposition de l’État. Pas besoin de majorer quelques taxes que ce soient. Il suffit de rendre disponible à l’État les immenses richesses en profits accumulées pour les actionnaires, souvent étrangers, par les grandes compagnies. Il en va de la prévention de morts prématurés aux urgences.

Le ministre peut faire toutes les enquêtes qu’il veut, aucune ne conclura au manque de moyens des administrateurs. On accusera quelques subalternes et on passera à autres choses pour esquiver les vrais problèmes mis au jour par les journalistes qui révèlent régulièrement les carences du système sans qu’on ne les écoute. Au fil des révélations, le public en apprend davantage sur les insuffisances et le ministre, à chaque fois, tente de les camoufler pour cacher l’incompétence de gouvernement à chercher et trouver de nouveaux moyens qui sont pourtant à sa portée comme le prouve les revenus engendrés à chaque année par Hydro-Québec. Il suffirait d’étendre ces revenus en rendant publics les redevances que tirent les grandes compagnies de l’exploitation des ressources et de la main-d’œuvre québécoise.

Manque de courage politique ? Ce serait porter un jugement bien indulgent envers des gens dont l’entreprise privée constitue les principaux motifs d’être en politique contre le bien commun des Québécois. En effet c’est à une multinationale suédoise privée que l’on a confié la tâche de développer la douteuse filière batterie. On a escamoté un développement québécois avec l’expertise et les capitaux locaux que cela suppose dans ce domaine. Qu’on ne vienne pas me dire que les centres de recherche québécois et les universités ne sont pas aptes à former ingénieurs et expertises dans un domaine où il y déjà un développement initial entamé. Ç’aurait peut-être pris plus de temps mais, dans la course, nous n’aurions pas été plus en retard que le Suède.

Il suffit d’avoir confiance dans l’intervention de l’État qui n’est somme toute que l’extension d’une nation pour laquelle on a plus de considération que pour une simple province du Canada sur lequel on se fit pour partager les coûts des subventions à l’entreprise privée. Il suffit d’avoir l’audace d’une planification qui voit plus loin que la prolongation d’un capitalisme local dont on fonde le développement sur des capitaux étrangers. C’est antinational et contre-productif du point de vue du simple développement de l’économie d’un Québec indépendant et confiant dans ses moyens. Ce serait l’autre face de l’autonomisme recroquevillé sur un projet sans envergure qui n’offre pas d’alternative au sous-développement des ressources nationales d’un Québec qui en a les moyens politiques.