Les gens ne peuvent pas dire ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas. La biodiversité disparait et les écosystèmes s’effondrent. Les gens n’ont pas les moyens de vivre seuls. Les biodonnées sont largement monétisées. Les milliardaires dirigent le monde. La mobilité sociale descendante est la norme. Les mesures d’urgence sont débordées. La santé mentale est en crise. Les cyberattaques perturbent les infrastructures essentielles. L’intel-ligence artificielle se déchaine.
Vous venez de faire la lecture des 10 perturbations les plus probables qui risquent de se produire au Canada dans un horizon de trois à huit ans. Cette liste est issue du rapport Perturbations à l’horizon 2024 produit par Horizons de politiques Canada. Horizons de politiques Canada est le centre d’excellence en prospective du gouvernement du Canada.
Dans le rapport, on peut lire que son mandat est de doter le gouvernement du Canada d’une perspective et d’un état d’esprit tourné vers l’avenir afin de renforcer la prise de décision. Les rapports d’Horizons de politiques Canada sont produits par une équipe d’analystes et de doctorants de tout acabit.
Le rapport d’où provient la liste des 10 perturbations les plus probables a été rédigé à la suite d’une revue de la littérature, d’entretiens avec des experts et expertes, de conversations avec des responsables politiques, d’ateliers avec des praticiens et des praticiennes de la prospective ainsi que d’une analyse de ce qui est en train de changer dans notre société, des moteurs de ce changement et des nouvelles réalités qui pourraient émerger. Quelque 500 parties prenantes auraient participé au processus d’analyse.
Éviter d’être alarmiste, mais…
Quand j’ai entendu parler pour la première fois de ce rapport, je suis resté un peu perplexe. Étant de nature plutôt optimiste et non alarmiste, je me suis dit : il y a sans doute un peu d’exagération dans tout cela, ça ne doit pas être si pire!
Mais étant aussi de nature curieuse, je suis allé consulter le rapport et à la lecture de la liste des 10 perturbations les plus probables, il m’est apparu assez clairement que la plupart de ces perturbations censées arriver dans un horizon de trois à huit ans étaient déjà enclenchées. Je n’irai pas prétendre que toutes ces perturbations sont choses faites et hors de contrôle, mais il est assez facile d’en constater des exemples concrets au quotidien.
Par exemple, plusieurs personnes ont de la difficulté à distinguer le vrai du le faux. Avec l’avènement de l’intelligence artificielle et les Chat GPT de ce monde, on entend de plus en plus parler de tentatives de fraudes, souvent réalisées grâce à ces technologies. Difficile de passer sous silence toutes les fausses nouvelles diffusées sur les médias sociaux. Comme je le dis souvent : laissez-moi faire quelques clics et je vais vous prouver, « études » à l’appui, que le réchauffement climatique n’existe pas.
On affirme également que les cyberattaques perturberont les infrastructures essentielles. Bien qu’elles soient très peu publicisées, nous sommes tous au fait que des entreprises subissent des cyberattaques et sont victimes de rançongiciels. On peut raisonnablement croire que nos sociétés d’État seront également victimes de ce genre d’attaques et de demandes de rançon.
Une autre perturbation en cours : les gens n’ont plus les moyens de vivre seuls. Je crois que nous y sommes presque. Les statistiques démontrent clairement qu’une partie de l’itinérance est due au fait que des personnes détenant toujours un emploi ne peuvent pas se payer un logement.
Je pourrais continuer comme ça pour la plupart des autres perturbations annoncées. À mon avis, tout en évitant d’être alarmiste et de créer une vague de peur, ce rapport devrait être largement publicisé, les paliers de gouvernements fédéral, provincial et municipal devraient se concerter afin de contrer, minimiser et malheureusement dans certain cas s’adapter à ces perturbations à venir.
Des actions citoyennes
Je crois également que nous avons un rôle à jouer comme citoyens, afin de s’assurer que les gouvernements que nous élisons aient une vision d’avenir d’une génération plutôt que pour un mandat de quatre ans.
Je suis d’avis que nous avons la responsabilité de faire plus que voter une fois tous les quatre ans et de remettre ensuite notre destin entre les mains du gouvernement élu. Nous pourrions, par exemple, dresser une liste des actions citoyennes à poser pour se prémunir le mieux possible de futures perturbations sur notre société.
Cette liste pourrait être divisée en trois volets.
Volet politique. Participer au processus électoral afin d’éviter que notre droit de vote soit marginalisé. Il ne faudrait pas oublier qu’on élit des gouvernements majoritaires avec un taux de participation d’à peine 60 % de la population. Et que la CAQ a formé deux gouvernements majoritaires avec moins de 40 % d’appuis. Que ce même gouvernement a éliminé un palier de gouvernement – les commissions scolaires – entre autres sous prétexte du faible taux de participation aux élections scolaires.
Prendre le temps de s’informer du programme des partis politiques. Trop souvent, nous formons notre opinion à partir de publicités et de clips que les partis politiques nous mettent dans les oreilles ad nauseam. Nous défaisons un gouvernement par lassitude, plutôt que d’élire un gouvernement qui va répondre à nos aspirations.
Durant le mandat de nos gouvernements, s’intéresser à ce qu’ils font et à ce qu’ils proposent. Appuyer dans leurs actions les syndicats et les organismes socioculturels qui revendiquent des changements afin d’améliorer la qualité de vie de la société.
Volet information. S’informer auprès de sources crédibles comme les médias traditionnels, soit les grands réseaux de la presse écrite, radiophonique et télévisuelle. S’informer également auprès de la presse indépendante et crédible comme L’aut’journal. Revendiquer que les médias traditionnels continuent d’offrir des nouvelles régionales produites en région.
Volet citoyen. Chercher comme citoyen à développer un esprit d’analyse critique, notamment en faisant une différence entre une opinion, une analyse et de l’information à partir de faits vérifiés.
Les médias sociaux et, malheureusement, de plus en plus de médias traditionnels sont truffés de donneurs d’opinions sous le couvert d’« experts », d’ « analystes » et d’animateurs vedettes. Pour ma part, les donneurs d’opinion ne doivent pas être considérés comme détenant la vérité, mais bien tout simplement comme des personnes qui ont une opinion sur un sujet donné. Surtout ceux et celles qui ont une opinion sur tout, chaque jour.
Les analyses doivent toujours être considérées comme ayant un biais. Par exemple, quand j’analyse la vie politique ou économique, je le fais toujours avec un biais de syndicaliste de gauche. J’ai toute ma vie pris fait et cause pour la classe ouvrière et c’est de ce point de vue que je vous écris.
Nous devons rechercher l’information basée sur des faits vérifiés, nous en nourrir et l’exiger comme source d’information quotidienne.
C’est au prix de ce genre de petits efforts qu’on pourra mettre toutes les chances de notre côté pour sortir notre épingle du jeu devant tous les défis qui nous attendent. Attendre que les gouvernements règlent les problèmes sans notre apport nous mène dans un mur.
Imaginez un Pierre Poilièvre au Canada, un Donald Trump aux États-Unis et un autre mandat de papa Legault au Québec! Avec un trio de la sorte, je suis assez convaincu que la liste des perturbations les plus probables va s’allonger. Dans le meilleur des cas, l’horizon de trois à huit ans pour leurs réalisations sera réduit.
L’auteur est syndicaliste