Saviez-vous que pendant la tenue d’un Sommet du G7, où les chefs de gouvernement des sept pays les plus industrialisés se rencontrent (États-Unis, Canada, Allemagne, France, Italie, Royaume-Uni et Japon), des représentants des organisations syndicales et des entreprises se réunissent dans des sommets parallèles appelés Labour 7 (L7) pour les organisations syndicales, et Business7 (B7) pour les entreprises?
Cette année, l’Italie était l’hôte du G7. Les chefs d’État se sont réunis en juin 2024 dans les Pouilles. En septembre, les ministres du Travail de ces sept pays se sont donné rendez-vous à Cagliari en Sardaigne, une journée après que se soient tenus les Sommets du L7 et du B7, les 10 et 11 septembre.
La Centrale des syndicats du Québec et le Congrès du Travail du Canada étaient les deux organisations syndicales canadiennes représentées au Sommet du L7. Le premier point à l’ordre du jour était le renforcement de la démocratie, la paix et l’État de droit.
Un constat s’est imposé au début de la discussion. La démocratie est en détresse et l’extrême droite gagne du terrain dans de nombreux pays du G7 et au-delà. À une époque de fortes tensions géopolitiques, d’inégalités croissantes et de polarisation, les représentants des organisations syndicales ont mis l’accent sur le rôle clé que jouent les syndicats et la négociation collective pour favoriser la cohésion sociale et la confiance dans les politiques publiques.
Les représentants syndicaux italiens font face à un gouvernement d’extrême droite dirigée par Giorgia Meloni qui a été élu, il y a deux ans, avec un discours anti-migrant. Mais depuis ce temps, le gouvernement italien a dû se raviser et accorder 450 000 titres de séjour à des travailleurs étrangers d’ici à l’an prochain, compte tenu du vieillissement de la population. Les syndicats italiens défendent l’immigration légale et réclament de leur gouvernement qu’il fournisse les moyens aux migrants de s’intégrer à la société italienne.
Le droit de ne pas émigrer
Les syndicats italiens défendent aussi le droit de ne pas émigrer. Ce qui signifie que les gens qui tentent actuellement d’immigrer en Europe pour fuir la guerre ou des conditions de vie misérables devraient avoir le droit à des conditions de vie décentes dans leur pays.
Cette demande est appuyée par le secrétaire général de l’Organisation internationale du travail (OIT), François Batalingaya, qui a plaidé pour un partage équitable des richesses : « 25 % des travailleuses et travailleurs dans le monde gagnent moins que 250 dollars par mois. C’est insuffisant pour répondre à leurs besoins, incluant l’éducation de leurs enfants. Les employeurs et les syndicats doivent être impliqués dès le début pour lancer des initiatives pour un salaire décent, à travers des mécanismes tripartites et des négociations collectives. Les compagnies transnationales ont les moyens de payer des salaires décents. Les syndicats et les organisations pour la justice sociale ont un rôle important à jouer pour une meilleure distribution des revenus, ce qui inclut la création d’emplois décents. Notre objectif à l’OIT est de nous assurer que les bénéfices du progrès soient partagés équitablement, que la justice sociale soit une réalité pour toutes et tous. »
Renforcer la démocratie
Le secrétaire général de la Confédération syndicale internationale, Luc Triangle, a rappelé qu’au cours des prochains mois, quatre milliards de personnes seront appelés à voter lors d’élections dans différents pays dans le monde.
« Il y a une crise de la démocratie dans le monde », a constaté le secrétaire général de la Confédération générale du travail d’Italie, Mauricio Lanoni. Les travailleurs ne perçoivent plus la démocratie comme étant le moyen pour résoudre leurs problèmes, ce qui entraine une baisse de la participation aux élections. En Italie, la majorité des gens ne sont pas allés voter. Résultat : l’extrême droite a remporté les élections, et notre organisation a été l’objet d’attaques physiques de l’extrême droite, qui nie le droit d’association.
Le président de la CSQ, Éric Gingras, a déclaré lui aussi que les démocraties sont en péril dans le monde. « Les origines de la crise de confiance dans nos institutions sont l’abus de pouvoir et la déconnexion des élites, la polarisation croissante et les multiples crises touchant la population. Résultat : on a un paradoxe démocratique à résoudre : la démocratie est utilisée pour promouvoir des politiques qui la fragilisent. » Il a rappelé que la CSQ est engagée depuis longtemps dans la lutte pour une réforme électorale, pour un mode de scrutin proportionnel, une meilleure représentation des femmes, des minorités et des régions.
Selon Béatrice Lestic de la CFDT, la France vit une crise politique majeure. Il y a un affaiblissement des partis politiques qui n’ont presque plus d’adhérents. Il y a une montée de l’extrême droite qui rejette les valeurs de la France que sont la liberté, l’égalité et la fraternité. Il n’y a plus de processus de démocratie participative. Le gouvernement refuse de tenir compte de la mobilisation populaire et refuse tout dialogue social. Elle cite en exemple le fait que 84% de la population française est contre la réforme des retraites, mais celle-ci a été imposée en ayant recours à l’article 49.3 de la constitution qui donne la possibilité au premier ministre de faire adopter un projet de loi sans un vote de l'Assemblée nationale.
Dans ce contexte, la CFDT souhaite renforcer la démocratie syndicale pour que la voix des membres soit entendue. « Il ne faut pas avoir peur de la controverse et de la confrontation, affirme Béatrice Lestic, car c’est dans nos terres que l’extrême droite progresse. Il y a une forme de schizophrénie, des gens syndiqués votent pour des partis antisyndicaux. »
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