The Economist pourfend le gouvernement Trudeau

2024/11/06 | Par Gabriel Ste-Marie

L’auteur est député du Bloc Québécois
 

Le magazine du monde des affaires The Economist vient de publier dans son édition du 14 octobre deux articles sur le déclin de popularité du gouvernement de Justin Trudeau. L’hebdomadaire cible quelques facteurs qui expliquent l’effondrement de l’appui populaire au gouvernement libéral.

La première source du mécontentement est la rareté du logement et surtout l’explosion de son coût. Cela concerne tant les loyers que l’achat de propriétés. Depuis l’arrivée au pouvoir de Trudeau en 2015, le coût du logement a bondi de 66%. C’est un niveau record! Aucun autre pays de l’OCDE n’a connu une telle augmentation, mis à part l’Australie.
 

Les politiques d’immigration ciblées

The Economist évalue que cela découle d’abord des politiques d’immigration massive. Toujours depuis 2015, la population canadienne a augmenté de 16% et l’année dernière a été une année record depuis 1957. Rien à voir avec les taux d’immigration des États-Unis ou des pays européens.

Le gouvernement a voulu adopter la Century Initiative de la firme de consultants McKinsey, qui propose de faire passer la population du Canada à 100 millions de personnes en 2100, en adoptant une politique d’immigration massive. Or, sans aucun plan d’adaptation pour le logement ou les services publics comme la santé ou l’éducation, la pénurie s’est rapidement installée, forçant le gouvernement à faire volte-face à la fin du mois d’octobre.

En fait, l’hebdomadaire affirme même que l’effet des bons coups et des mesures progressistes adoptées par le gouvernement, comme les services de garde subventionnés ou les allocations familiales, a été balayé dans l’opinion publique par les impacts négatifs de l’immigration sur le logement et les services publics. Concernant l’éducation postsecondaire, le magazine mentionne aussi l’explosion du nombre d’étudiants étrangers dans les universités.

The Economist cite un sondage qui indique que 44% de la population canadienne juge que l’immigration est excessive. Selon La Presse, un sondage plus récent présente un mécontentement encore plus élevé. Les taux atteignent des sommets historiques : 62% dans le Canada hors Québec et 46% au Québec.

Le magazine affirme que le nombre de logements par habitant au Canada se trouve désormais dans le bas du classement des pays de l’OCDE et les mises en chantier ne suffisent pas à suivre l’augmentation de la population. Pire, les taux d’intérêt élevés des dernières années ont nettement ralenti la construction domiciliaire, alors qu’il faudrait construire trois fois plus d’habitations pour répondre à une demande de 5,8 millions de logements supplémentaires au cours des dix prochaines années. Rappelons que ces données citées par l’hebdomadaire se basent sur une étude de la SCHL, qui n’avait même pas intégré les nouvelles cibles d’immigration plus élevées du gouvernement.

Bref, les deux articles de l’hebdomadaire montrent les impacts négatifs auprès de la population des politiques d’immigration massive, adoptées sans avoir pensé à mettre en place des mesures pour la construction de logements ou pour assurer le maintien du niveau actuel des services publics.

Tout cela mène à beaucoup d’instabilité. Devant ce fiasco de gouvernance, le gouvernement vient de faire volte-face en annonçant avoir révisé ses cibles d’immigration à la baisse de 21%. Cela occasionne des drames pour les personnes qui sont actuellement dans le processus d’immigration ou de réunification familiale et embête les entreprises qui ont misé sur les travailleurs étrangers. Cela aurait pu être évité, si Justin Trudeau n’avait pas joué aux apprentis sorciers et avait écouté les demandes du Québec et de ses spécialistes, au lieu de s’en remettre à la firme McKinsey.
 

La stagnation de la productivité

The Economist s’attarde aussi à un autre facteur qui explique le déclin de popularité du gouvernement Trudeau. Il s’agit de la stagnation de la productivité dans l’économie. La productivité peut être mesurée par la valeur produite par heure travaillée et s’explique par le niveau de technologie utilisée et du capital investi.

Le magazine explique que le Canada continue d’investir dans ses hydrocarbures, mais délaisse les autres secteurs économiques. Pire, la part des dépenses en recherche et développement et en éducation, exprimée en pourcentage de l’économie totale, est tellement faible que le Canada se classe bon dernier parmi les pays du G7.

Prenons l’exemple de l’industrie aérospatiale. Même si Montréal est la troisième ville au monde de ce secteur, qui est une locomotive de l’économie partout au Canada avec sa forte valeur ajoutée, Ottawa refuse toujours d’adopter une politique de l’aérospatiale, fragilisant ainsi un peu plus cette grappe industrielle.

À peu près rien non plus n’est prévu pour l’économie verte. Le plan du fédéral de 83 milliards $ consiste essentiellement à soutenir l’industrie des hydrocarbures et, dans une moindre mesure, le nucléaire. Mais aucune attention particulière n’est accordée au développement de l’économie de demain. Cela s’appelle manquer le bateau. Au fédéral, tant les libéraux que les conservateurs s’entêtent à rester ancrés dans l’économie d’hier, ralentissant les efforts déployés pour se tourner vers l’économie de demain.

The Economist explique aussi que, depuis la pandémie, les exportations de marchandises vers les États-Unis ont nettement ralenti et le secteur des services n’arrive pas à prendre le relai. Enfin, le magazine critique la baisse de l’influence du Canada à l’échelle internationale et constate qu’Ottawa n’a pas réussi à convaincre la population de la pertinence de son plan pour lutter contre les changements climatiques.

Alors que Poilièvre réussit à nommer les sources de frustrations de la population – sans toutefois rien proposer de constructif – l’hebdomadaire constate que Justin Trudeau préfère critiquer ses détracteurs, sans rien proposer pour réagir à tous les défis de la société canadienne.

Les deux articles de The Economist sont très sévères à l’égard du premier ministre. Le magazine le qualifie désormais de fardeau toxique, dénonce son approche moralisatrice sur les politiques identitaires et son absence de réponses concrètes aux problèmes qui touchent la population comme le logement et l’immigration de masse. L’un des deux articles conclut en rappelant qu’il faut du style pour remporter les élections, mais de la substance pour gouverner.