La Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation des droits humains dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, Me Francesca Albanese, a donné une conférence à l’Université de Montréal, le 4 novembre, au cours de laquelle elle a présenté son rapport publié en mars 2024, L’effacement colonial par le génocide, ainsi que les obligations de tous les pays membres de l’ONU, dont le Canada, face à ce « premier génocide colonial diffusé en direct ».
Dans un premier temps, elle a tenu à féliciter les étudiantes et étudiants qui ont dit la vérité dans les universités du Québec, du Canada, des États-Unis et ailleurs dans le monde. « C’était un rare moment pour les Palestiniens d’être vus. Que leur humanité soit comprise et partagée. Cela contrastait avec les universités qui enseignent les droits humains mais qui répriment le droit à la liberté d’expression, qui répriment les droits des plus faibles, les Palestiniens. Au moment où les Palestiniens sont diffamés, les universités se sont transformées en épicentres de l’obscurantisme », a-t-elle dénoncé.
Elle a aussi déploré le manque d’empathie à l’égard des Palestiniens de la part des diplomates représentant les pays occidentaux à l’ONU lors de la présentation de son rapport en mars 2024.
Dans ce rapport, Francesca Albanese, a conclu qu’il y avait des motifs raisonnables de croire qu’Israël avait commis des actes de génocide à Gaza. Son rapport analyse les violences commises contre Gaza après le 7 octobre 2023, lesquelles se sont étendues à la Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est. Elle se penche particulièrement sur l’intention génocide, en replaçant la situation dans le contexte d’un processus d’expansion territoriale et de nettoyage ethnique de plusieurs décennies qui vise à éliminer la présence palestinienne en Palestine. Elle a proposé à l’ONU de considérer le génocide comme faisant partie intégrante de l’objectif d’Israël visant à coloniser totalement les terres palestiniennes tout en éliminant autant de Palestiniens que possible et comme un moyen de parvenir à cette fin.
« Ce qui est important de considérer, c’est l’intention de génocide qui vise à détruire un groupe ethnique. L’holocauste nous a donné le terme génocide, a-t-elle rappelé. Cela a commencé par la déshumanisation du peuple juif. La façon dont les Palestiniens sont traités actuellement n’est pas différente de la façon dont ont été traités les Juifs en Europe jusqu’à la 2e guerre mondiale. Mais est-ce que cela justifie Israël ? Non ! »
« Les événements survenus depuis la publication de mon rapport il y a 6 mois ont confirmé la dénonciation du génocide que j’avais faite en mars, a-t-elle poursuivi. Les bombardements à Gaza n’ont épargné personne. Au moins 55 000 personnes sont mortes, dont 17 000 enfants et 700 bébés. Des médecins, des enseignants, des journalistes, ainsi que des travailleurs humanitaires dont 237 travailleurs de l’ONU sont décédés. Le peuple palestinien a subi un niveau de violence sans précédent. Des populations entières ont dû se déplacer vers des endroits où il n’y avait pas de sécurité. »
Et pourtant, Israël continue de justifier ses attaques. Des actions similaires sont intervenues en Cisjordanie où il y a eu plus de 1000 attaques par des colons qui ont tué 735 personnes dont 167 enfants, et forcé le déplacement de 3000 personnes. Il s’agit du plus grand accaparement de terres en Cisjordanie.
« De manière surprenante, ajoute-t-elle, une minorité de pays maintiennent leur soutien militaire à Israël et à lui accorder l’impunité. Les pays occidentaux devraient plutôt demander à Israël de mettre fin au génocide, de mettre fin à l’occupation d’ici septembre 2025 et de mettre fin à l’apartheid.
Au cours de la période de questions qui a suivi sa présentation, le professeur honoraire du département de philosophie de l'Université de Montréal. Michel Seymour, a exprimé son admiration pour le travail de Francesca Albanese. « J’ai écrit dans un journal italien qu’il y avait un génocide en Palestine, a-t-il dit. Mais nous faisons face à une inertie en Occident. Les professeurs qui osent s’exprimer subissent des répressions, des suspensions. Il y a eu de nombreux licenciements.
On note aussi de la répression dans le milieu journalistique, en particulier dans l’anglosphère. Aux États-Unis, autant à droite qu’à gauche, les voix dissidentes sont réprimées. Il ne faut pas se surprendre que dans un tel contexte il n’y a eu aucune résolution contre le génocide à la chambre des communes du Canada. »
Me Albanese lui a répondu : « Vous avez raison, la vérité est aussi une victime. Rappelons-nous que tous ceux qui s’opposaient au génocide des Juifs pendant la 2e guerre mondiale étaient réprimés. Aujourd’hui, en Europe, il n’est pas question de revenir sur le passé colonial. Or, c’est la violence coloniale que le peuple palestinien subit aujourd’hui. D’où l’importance de mener des actions stratégiques pour que les actions de génocide cessent rapidement. »
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