Monsieur le Ministre,
Pour les membres du Front de défense des non-syndiqué.e.s, il apparaît urgent de modifier la méthode de fixation du salaire minimum au Québec.
Nous demandons au gouvernement de livrer sa promesse de créer des « emplois payants » en utilisant le principal outil législatif à sa disposition pour influencer les emplois du secteur privé. Parce qu’il est urgent de permettre à des centaines de milliers de travailleuses et travailleurs de sortir de la pauvreté, le gouvernement doit annoncer un salaire minimum qui dépassera les 20 $.
L’application sans modification de la méthodologie de votre ministère résulterait en un salaire minimum de 16,60 $ pour 2025 en conservant le ratio actuel de 50,8 % avec le salaire moyen. En effet, selon les prévisions récentes, celui-ci se situera autour de 32,60 $ entre avril 2025 et mars 2026. Ainsi, il va sans dire qu’une autre augmentation d’à peine 0,75 $ ou de 1 $ l’heure ne saurait être acceptable dans le contexte actuel.
D’une part, bien que l’inflation se résorbe, les prix des produits de base ont explosé depuis la fin de la pandémie et ils ne redescendront jamais. Alors que l’inflation générale dépassait les 13 % entre septembre 2021 et 2024, le coût de l’alimentation et du logement a augmenté de plus de 20 %.
Pour les travailleuses et les travailleurs pauvres, dont une plus grande part de leurs revenus doit être consacrée pour subvenir à leurs besoins essentiels, le début de rattrapage du salaire minimum (16 % sur la période) n’aura pas pu freiner leur perte de pouvoir d’achat. Pour arriver à joindre les deux bouts, bon nombre de salariés doivent avoir recours aux banques alimentaires. Parmi le nombre de personnes ayant recours aux banques alimentaires, celles occupant un emploi atteint maintenant près de 20 %.
D’autre part, c’est très clair, le salaire minimum ne permet pas de se sortir de la pauvreté. Un grand saut s’avère nécessaire. En 2016, nous rapportions qu’une travailleuse à temps plein au salaire minimum demeurait 35 % en dessous du seuil de sortie de pauvreté. Aujourd’hui encore, le salaire minimum fixé à 15,75 $ ne permet pas de s’élever au-dessus de la pauvreté puisqu’il demeure à 32 % sous la Mesure de faible revenu.
En d’autres mots, la méthode de fixation du salaire minimum du gouvernement favorise le maintien de centaines de milliers de travailleuses et travailleurs dans la pauvreté.
Vous répondrez qu’il faut protéger les emplois. Ces craintes non démontrées empiriquement ne sont aucunement pertinentes dans un contexte où le marché du travail se porte très bien : il manque encore près de 140 000 travailleuses et travailleurs afin de pourvoir des postes vacants. Près de la moitié de ces postes exigent un diplôme d’études secondaires ou moins, et le salaire offert est en moyenne de 20,63 $. Le taux d’emploi des 15-24 ans est toujours à un niveau supérieur à ce que l’on a connu avant la pandémie (60,2 % contre une moyenne de 57,5 % depuis 2000).
C’est la « recherche de l’équilibre » entre une rémunération équitable et la protection des emplois et de la compétitivité des entreprises qui est évoquée pour justifier la fixation de la hausse annuelle du salaire minimum. Or, cet équilibre est brisé, parce que le salaire minimum n’a rien d’équitable.