Nous découvrons un nouveau phénomène atmosphérique, la bombe météo. Valence en Espagne et Vancouver en ont récemment fait l’expérience. Un nuage lourdement chargé d’humidité s’immobilise au-dessus d’un endroit et déverse des tonnes d’eau, l’équivalent de plusieurs mois, voire d’une année.
Au plan politique, une bombe politique s’amène au-dessus du Canada et du Québec avec la menace de Donald Trump d’imposer des tarifs de 25 % sur les importations canadiennes, la renégociation de l’Accord de libre-échange (ACEUM), les pressions pour l’augmentation des budgets militaires et l’arrivée massive d’immigrants fuyant les États-Unis. Un vent de panique, digne d’une bombe cyclonique, frappe les milieux d’affaires et politiques canadiens.
Certains cherchent à rassurer en disant que ce ne sont que des menaces; d’autres rappellent les propos récents de François Hollande au sujet de Trump : « Ce qu’il a dit, il va le faire. C’était déjà sa méthode la dernière fois et c’est encore plus son intention aujourd’hui. »
Avant même l’annonce des tarifs de 25 %, l’affolement des élites canadiennes était visible dans leurs déclarations au sujet de la renégociation de l’ACEUM. Doug Ford, le premier ministre de l’Ontario, a été le premier à exiger que l’accord à trois soit remplacé par un accord à deux, Canada–États-Unis, laissant le Mexique sur le carreau. L’Alberta a donné publiquement son accord et, selon Ford, toutes les provinces et les territoires, consultés lors d’un entretien téléphonique, appuient son idée.
En fait, l’équipe de Donald Trump a déjà déclaré qu’on n’imposerait pas de tarifs à l’importation de pétrole et de gaz naturel de l’Alberta et la proposition de Doug Ford peut se résumer à un accord Ontario–États-Unis pour préserver les intérêts de l’industrie automobile de sa province, car les milieux d’affaires et les politiciens canadiens-anglais ont fait savoir publiquement qu’ils sont prêts à sacrifier la gestion de l’offre en agriculture dans d’éventuelles négociations, ce qui affecterait principalement le Québec.
Pertes d’emplois et austérité
Il n’y a pas que le monde agricole qui subira les conséquences des mesures protectionnistes américaines. Avec une économie extrêmement dépendante des États-Unis – 75 % de nos exportations – toute imposition de tarifs entraînera la relocalisation d’entreprises au sud de la frontière, des mises à pied et des faillites. Des milliers de travailleuses et de travailleurs seront à la rue.
Pour éviter les tarifs de 25% – ou tout au moins, les réduire – les milieux d’affaires, politiques et médiatiques se plieront aux desiderata du président Trump. Il y a déjà une belle unanimité au sein de la classe dirigeante canadienne pour hausser le budget militaire afin d’atteindre l’objectif de 2% du PIB. Il y a même surenchère. Le puissant Business Council of Canada propose maintenant l’objectif de 3%. De plus, il a déjà exigé que toute nouvelle dépense militaire soit compensée par la réaffectation de fonds provenant d’autres secteurs du gouvernement. Autrement dit, on aura droit à d’importantes compressions budgétaires, à la réduction des transferts aux provinces et, par voie de conséquence, au retour de l’austérité à Ottawa et à Québec.
À cela s’ajoutera l’afflux de milliers d’immigrants fuyant les camps d’internement de Trump et la déportation.
Séismes politiques en vue
Pas nécessaire d’être prophète pour prédire que les politiques de Trump vont provoquer des séismes politiques de grande magnitude à l’échelle de la planète. Au Canada, Trump n’hésitera pas à jouer l’Alberta contre le gouvernement central (Bienvenue au pétrole et au gaz naturel albertain), et peut-être le Québec (Bienvenue aux ressources hydro-électriques et minérales du Québec). Le branle-bas général pourrait ouvrir une fenêtre pour l’accession du Québec à l’indépendance. Il faudra être à l’affût.
Mais, pour en profiter, le mouvement indépendantiste doit mettre de l’ordre dans sa maison pour faire front commun. Il devra mettre au cœur de son action la défense des intérêts des classes populaires durement frappées par les politiques trumpistes et les réactions de l’élite canadienne. L’immigration pourrait constituer une pierre d’achoppement à leur unité. Bien gérée, elle pourrait être une force positive. Mais elle ne l’est pas.
Depuis le Rapport de Lord Durham, le Québec s’est toujours senti menacé par l’immigration. Si, en 1840, l’immigration anglaise pouvait faire craindre la minorisation et l’assimilation des francophones, la situation est aujourd’hui différente. Le Québec s’est doté de politiques linguistiques (à parachever) pour intégrer les immigrants au noyau francophone, dans la foulée de la bataille de Saint-Léonard, comme l’illustre le film de Félix Rose. Encore faut-il les appliquer! Encore faut-il assurer le financement de la francisation!
L’immigration de masse est perçue chez certains comme constituant une menace pour l’homogénéité et l’identité culturelles et elle alimente les grands courants xénophobes et racistes européens et leurs relais au Québec. Mais le rejet des personnes immigrées, la crainte du « Grand remplacement » – des idées promues ouvertement ou en sourdine principalement par des chroniqueurs du Journal de Montréal et de Québec – ne peuvent tenir lieu de politique. Les mouvements migratoires de grande ampleur sont un phénomène mondial et nous n’y échapperons pas. Le nouveau « Nous » québécois est à construire en intégrant les nouveaux arrivants.
L’échec du communautarisme
À l’inverse, il y a le communautarisme. Avec sa politique multiculturaliste, le Canada est devenu un modèle mondial en se proclamant État « postnational ». Mais la défaite du Parti Démocrate aux États-Unis – prémonition de la défaite libérale ? – a démontré l’échec d’un programme politique axé sur les minorités, ignorant la nécessité de répondre aux besoins économiques de la classe ouvrière. Kamela Harris a recueilli 7 millions de votes de moins que Joe Biden, il y a quatre ans.
Le gouvernement Trudeau cherche à donner l’impression d’en tirer les leçons en déboursant 6 milliards $ pour des politiques ridicules et caricaturales d’exemption de TPS et de chèques de 250 $ envoyés à des travailleurs gagnant jusqu’à 150 000 $. Rappelons qu’il a rejeté la proposition du Bloc Québécois de rétablir la Pension de sécurité de vieillesse des aînés de 65 à 74 ans au même niveau que celle versée aux 75 ans et plus. Une mesure qui aurait coûté deux fois moins cher.
Le courant communautariste est également un courant mondial. Dans plusieurs pays, il fait alliance avec l’islam radical. Pour contrer le prosélytisme religieux, le Québec s’est doté d’une loi sur la laïcité, qu’il faut appliquer, enrichir et défendre contre les contestations judiciaires des fédéralistes.
Le renforcement de l’État-providence
Avec la défense des intérêts des classes populaires, la langue et la laïcité, s’ajoutent, bien entendu, d’autres politiques qui constitueront le socle de l’unité des indépendantistes. Ne mentionnons ici que le renforcement de l’État-providence et la préservation de l’environnement.
Il est révélateur de voir un Mathieu Bock-Côté, le chef de file idéologique de l’extrême-droite au Québec, faire l’éloge d’Elon Musk, prôner le démantèlement de l’État-providence, qualifié la perception des impôts de « racket de protection », et signer son adhésion à la forme la plus outrancière de l’idéologie libertarienne.
Dans son livre La question nationale, une question sociale (Liber), Michel Roche démontre plutôt que l’État-providence renforce le sentiment d’appartenance à la nation et que les politiques sociales constituent un champ de bataille entre les fédéralistes et les souverainistes.
Au cœur de la défense de l’État québécois, il y a actuellement la nécessité de promouvoir le développement endogène d’Hydro-Québec à l’encontre de son bradage exogène (Dollorama) au profit de multinationales étrangères (Northvolt, industries minières financées par le Pentagone, etc.).
La bombe cyclonique Trump bouleverse le paysage politique. Aux indépendantistes de chercher à en tirer profit.
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