Rapatriement de la Constitution du Canada sans le consentement du Québec

2024/12/13 | Par Collectif

 Le jeudi 5 décembre 2024, la Cour suprême annonçait qu’elle refusait d’entendre en appel la poursuite visant à contester la légalité du rapatriement de la Constitution du Canada effectué en 1982, intentée par le regretté Frédéric Bastien et ses partenaires, dont les organismes Droits collectifs Québec (DCQ) et l’Institut de recherche sur l’autodétermination des peuples et les indépendances nationales (IRAI). La demande d’autorisation d’appel avait été déposée en mai 2024, dans l’espoir qu’enfin puisse se tenir un débat sur le fond de cette question.

Il y a lieu de rappeler que le 9 août 2023, le juge Nollet, de la Cour supérieure du Québec, se rendait aux arguments des procureurs fédéraux en rejetant la demande initiale. Le 28 mars 2024, la juge Geneviève Marcotte, au nom de la Cour d’appel du Québec, rejetait également la demande d’appel de ce jugement.

Des éléments négligés et toujours des interrogations

Plusieurs événements entourant le rapatriement de la Constitution du Canada, et donc la fondation du Canada actuel, suscitent d’importantes interrogations. Ainsi, dans son ouvrage La bataille de Londres : Dessous, secrets et coulisses du Rapatriement, le regretté Frédéric Bastien a soulevé de graves et pertinentes questions sur l’étanchéité de l’indépendance et de l’impartialité judiciaire face au pouvoir politique. Il révélait qu’au moins deux des juges du plus haut tribunal canadien informaient les gouvernements canadiens et britanniques du contenu de leurs délibérations et contrevenaient ainsi à la séparation entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. De même, de nombreux éléments liés à la coutume constitutionnelle ont été ignorés. Enfin, et surtout, ce rapatriement portait atteinte au droit du peuple québécois à son autodétermination et à disposer de lui-même, garanti par le droit international.

Jusqu’à ce jour, le Procureur général du Canada (PGC) n’a eu pour seule réponse dans ce dossier que de faire avorter les procédures sur la forme plutôt que sur le fond. Et malheureusement, dans le dossier du rapatriement de 1982, cette stratégie a fonctionné, et cela pour l’ensemble des instances judiciaires. En invoquant l’autorité de la jurisprudence antérieure (la règle du précédent ou du stare decesis) des Renvois de 1981 et de 1982, le PGC, et les tribunaux désormais, affirment tout simplement que tout à déjà été dit dans les années 1980. Comme il y aurait chose jugée, le dossier du Rapatriement ne peut même pas être judiciairement réouvert et il serait futile de discuter de la question bien théorique aujourd’hui de l’épisode que constitue l’absence de consentement du Québec, voire de son refus exprimé et ignoré à adhérer à la Loi constitutionnelle de 1982 et à la Charte canadienne des droits et libertés.

De la nécessité de se tourner vers les instances internationales

Or, les parties demanderesses sont convaincues que tout n’a pas été dit et que l’autorité de la chose jugée ne couvre pas ce qui ne l’a pas été décidé. Ni dans les années 1980 dans les renvois sur le rapatriement constitutionnel, ni en 1998 avec le Renvoi relatif à la sécession du Québec n’y a-t-il eu de discussion judiciaire de fond sur la nécessité juridique du consentement du Québec en tant que « peuple » en application de son droit à disposer de lui-même et de son droit à déterminer librement son statut politique.

Ayant maintenant épuisé les recours internes, les parties demanderesses entendent saisir les instances internationales de la question et en particulier le Comité des droits de l’Homme, qui est responsable du respect du Pacte relatif aux droits civils et politiques qui garantit le droit de tous les peuples à disposer d’eux-mêmes et à déterminer librement leur statut politique.

« Nous sommes toujours convaincus que le rapatriement de la Constitution du Canada, et donc de l’édification du Canada actuel, a été effectué en contravention du droit du peuple québécois à disposer de lui-même. Nous nous tournerons donc vers les instances internationales afin de tenter d’obtenir justice » a conclu M. Daniel Turp, président de Droits collectifs Québec et de l’IRAI.