Devant la menace de l’imposition de tarifs douaniers par l’administration Trump, les milieux d’affaires canadiens cherchent des alternatives. Dans l’édition du 1er janvier 2025 du Globe and Mail (mais oui!, le Globe publie le jour de l’An), un groupe d’hommes d’affaires et d’experts en politique étrangère faisaient part de leur solution.
Le Expert Group on Canada-US Relations comprend, entre autres, l’ancien ministre de la Défense Perrin Beatty, l’ancien conseiller pour la sécurité nationale Vincent Rigby, l’ex-ambassadeur Jonathan Fried et John Weeks, qui a été négociateur des traités de libre-échange.
Leur solution? La diversification de l’économie canadienne afin qu’elle repose moins sur les exportations? Non!
Au contraire, ils proposent de diversifier les marchés d’exportation pour le pétrole, le gaz naturel et les métaux stratégiques.
Pour cela, il faut, selon eux, faciliter la construction de nouveaux pipelines et d’usines de liquéfaction du gaz naturel. Les gouvernements, tant provinciaux que fédéral, doivent arrêter de mettre les bâtons dans les roues des promoteurs. Moins de règlements, moins de BAPE.
En passant, il faudra aussi, bien entendu, hausser les dépenses militaires à 2% du PIB, pour plaire à Trump. Il en coûterait 17 milliards $ de plus annuellement pour atteindre cet objectif. (Et Trump a récemment mis l’objectif à 5%!)
Le « Gros Bon Sens » de Poilièvre
Le groupe d’experts s’est rapidement trouvé un porte-parole sur la scène politique. Moins de deux semaines plus tard, Poilièvre – à qui on reprochait de ne pas avoir de programme politique – annonçait vouloir trouver de nouveaux débouchés pour les exportations énergétiques canadiennes : « La solution à cela, c’est d’arrêter d’être stupide et de commencer à construire des usines de GNL [gaz naturel liquéfié], des pipelines, des raffineries, des unités de valorisation et d’autres infrastructures énergétiques, afin de pouvoir vendre notre énergie au reste du monde sans passer par les Américains », rapportait Le Devoir du 9 septembre.
Rappelons qu’en 2023, le Canada a fourni près de 60 % des importations de pétrole brut des États-Unis, 85 % de leurs importations d’électricité et 99 % de leurs importations de gaz naturel, selon les données du gouvernement.
Mme Smith à Mar-a-Lago
Mais construire de telles infrastructures prendra du temps et la diversification des exportations canadiennes pourrait froisser Donald Trump. Aussi, la première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, y est allée d’une autre proposition, après avoir rencontré Trump à Mar-a-Lago.
Pourquoi ne pas, plutôt, doubler notre production de pétrole lourd et augmenter les exportations aux États-Unis pour leur permettre d’exporter encore plus de pétrole léger dans le reste du monde?, a-t-elle déclaré comme le rapporte le Globe and Mail du 13 janvier. Signalons que les raffineries du Midwest américain ont été conçues pour traiter le pétrole lourd de l’Alberta.
On est loin de la NEP à Trudeau père
La dépendance du Canada à l’égard des États-Unis n’est pas un phénomène nouveau. À différents moments de son histoire, le pays a cherché à réduire cette dépendance en diversifiant son économie.
À la faveur de sa Nouvelle politique économique (NEP), Trudeau père avait voulu utiliser les ressources énergétiques de l’Alberta au profit de l’industrie manufacturière de l’Ontario et du Québec. L’Alberta et les États-Unis s’y étaient violemment opposés.
Aussi, une fois au pouvoir, le gouvernement de Brian Mulroney a supprimé ces politiques et a favorisé l’intégration économique du Canada aux États-Unis avec les traités de libre-échange (ALE et ALENA).
Aujourd’hui, les produits énergétiques représentent près de 30% des exportations canadiennes. En 2023, le Canada a exporté aux États-Unis du pétrole pour une valeur de 133 milliards $ et du gaz naturel pour 13 milliards $. En comparaison, la valeur des exportations d’électricité par l’Ontario et le Québec n’atteint que 4,6 milliards $.
Et le Québec?
Tous les commentateurs politiques appellent « à l’unité » des provinces, des municipalités, des partis politiques et de la population pour s’opposer à Trump. Mais, attention, les fédéralistes vont profiter de la situation pour centraliser davantage le pays. Déjà, certains d’entre eux proposent l’abolition des mesures tarifaires existantes entre les provinces.
Et quel est l’intérêt du Québec à soutenir les propositions visant à augmenter les exportations de pétrole et de gaz naturel? Veut-on voir ressusciter les projets de pipelines traversant le Québec pour se rendre à St-John au Nouveau-Brunswick ou les projets d’usines de liquéfaction au Saguenay et sur la Côte Nord?
À suivre.
Pour approfondir la question, nous vous recommandons la lecture de cet article :
Comment l’industrie pétrolière a pris le contrôle des gouvernements de l’Alberta et du Canada