
L’auteur est syndicaliste
Le ministre québécois des Finances, Éric Girard, a lancé dernièrement sa consultation prébudgétaire. Cette consultation est un exercice annuel qui précède le dépôt du budget. Des centaines d’organismes, via le dépôt de mémoire, peuvent y transmettre leurs demandes au gouvernement.
Il est aussi possible de participer aux consultations en ligne, sur le site du ministère des Finances. J’ai décidé d’y participer. Pour être sûr de ne pas écrire n’importe quoi, je me suis préparé en allant lire l’état de la situation concernant les sujets qui me préoccupent, comme les inégalités sociales, le partage de la richesse et la pauvreté.
Suite à mes lectures, j’étais fin prêt à participer à la consultation au meilleur de mes connaissances et à faire part au ministre des Finances de mes préoccupations de citoyen.
Après avoir répondu à la quatrième question, je clique sur « page suivante » et j’ai alors droit à un « Merci d’avoir participé ». C’était tout pour la consultation! Quatre questions, plutôt trois, puisque la première était mon acceptation des conditions de la plateforme qui a créé le sondage.
Trois questions à choix multiple sans possibilité de prioriser les différents choix qui m’étaient offerts à chacune des questions et encore moins la possibilité de développer ma pensée.
Une consultation bidon
J’ai trouvé l’exercice très décevant, mais je n’étais pas au bout de ma déception. Dans un article de journal concernant le prochain budget, j’ai pu lire que « le ministre Girard a en outre réitéré qu’il n’entend pas reporter le remboursement du déficit. Et ce serait un engagement non négociable! »
Pourtant, dans le sondage populaire auquel j’ai participé sur le site du ministère, dans une des trois questions, il était possible de cocher comme réponse : « Retarder le retour à l’équilibre budgétaire ».
C’est donc dire que, parmi les choix de réponses de la consultation prébudgétaire de la CAQ, il y a de faux choix, puisque la décision du ministre est déjà prise selon ses propres dires!
La question que je me pose maintenant, c’est combien d’autres « faux choix » contient cette pseudoconsultation. Pour enlever de la crédibilité à l’exercice, on peut y participer autant de fois que nous voulons. À défaut de pouvoir développer mes idées, j’avais la possibilité de répéter mes réponses ad nauseam!
Je suggère donc au ministre d’ajouter le mot bidon au titre du questionnaire en ligne, ça aurait au moins le mérite d’être clair et d’enlever toute ambiguïté concernant l’objectif de cette consultation.
Bon, dans la vie, tout n’est pas que mauvais. Je sais que, par les mémoires qui seront déposés, plusieurs organisations de la société civile pourront faire valoir leurs points de vue auprès du ministre et de son équipe qui travaille à la rédaction du budget. Il faut souhaiter que leurs décisions sur le contenu du budget ne soient pas déjà prises.
Une bonne initiative
Autre fait intéressant, afin de réduire ses dépenses, le ministère des Finances a lancé l’examen de 277 aides gouvernementales (ou « dépenses fiscales ») totalisant 50 milliards de dollars pour déterminer et éliminer celles qui sont moins utiles ou qui « n’ont pas bien vieilli », selon les termes du ministre.
Le gouvernement a d’ailleurs commencé à couper dans ces enveloppes en réduisant les crédits d’impôt pour l’industrie du jeu vidéo, en mettant fin aux subventions à l’achat de véhicules électriques et en resserrant les crédits d’impôt consacrés aux travailleurs plus âgés.
L’idée de revoir la pertinence des dépenses publiques est bonne et même souhaitable à condition que ce soit pour atteindre un objectif, et non pas seulement pour réduire les dépenses.
À mon avis, cet objectif doit être d’aller vers une société où les inégalités sociales sont réduites au minimum, où le partage de la richesse est favorisé au maximum et où la lutte à la pauvreté est une obsession constante.
Un exemple à suivre
Dans ce sens, le ministre des Finances pourrait peut-être s’inspirer d’une proposition faite par la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke.
Les spécialistes de cette chaire ont suggéré, dans l’une de leurs analyses préparatoires au grand examen des dépenses fiscales et budgétaires que le gouvernement s’est engagé à mener, de commencer par le crédit d’impôt de base dont chaque contribuable québécois bénéficie lors de la production de sa déclaration de revenus.
En vertu de ce crédit de base, chaque Québécois ne devra pas un cent d’impôt à Québec sur les premiers 18 056$ qu’il aura gagnés. Ce seuil se veut, théoriquement, une façon de reconnaitre le coût des besoins essentiels. Mais quel sens a encore cette reconnaissance lorsqu’on arrive aux ménages tout en haut de l’échelle? ont questionné les experts de la chaire.
Selon les spécialistes, le montant personnel de base du gouvernement fédéral (15 700$) diminue déjà légèrement une fois que les revenus imposables atteignent 173 200$. De plus, ils mentionnent que cela se produit souvent beaucoup plus rapidement dans d’autres provinces du Canada. En Nouvelle-Écosse, par exemple, la diminution du crédit s’amorce aussitôt passé le seuil de 25 000$ de revenus par année, pour tomber à zéro une fois passé 75 000$.
Au Québec, selon eux, il suffirait, par exemple, d’arrêter d’indexer chaque année le montant du crédit d’impôt de base auquel ont actuellement droit les 306 600 Québécois qui gagnent 126 000$ ou plus par année pour économiser 22 millions de dollars la première année, 38 millions $ l’année suivante et ainsi de suite.
Trois objectifs
Cette proposition de la Chaire en fiscalité et finances publiques de l’Université de Sherbrooke est, selon moi, un bel exemple de la façon de revoir les dépenses publiques en ayant en tête, non pas seulement la réduction des dépenses, mais la poursuite d’un objectif de réduction des iniquités sociales, du partage de la richesse. L’argent ainsi économisé devrait servir à la réduction de la pauvreté.
Je souhaite ardemment que l’atteinte de ces trois objectifs pour la société québécoise devienne ce à quoi le gouvernement de la CAQ va se consacrer dans les prochains mois. Toutes les semaines, on constate l’augmentation de la pauvreté au Québec, les banques alimentaires ne cessent de crier famine, les refuges ne suffisent plus à la tâche d’abriter et d’aider les personnes itinérantes.
Il ne faudrait pas sous-estimer les effets qu’ont, à moyen et long terme, l’augmentation des inégalités sociales, la mauvaise répartition de la richesse et l’augmentation de la pauvreté sur une société.
On n’a qu’à regarder chez nos voisins du Sud. Trump n’a pas été élu à cause de sa vision pour les États-Unis du futur. Il a été élu parce que c’est une personne particulièrement habile en communication et, surtout, parce qu’il a su profiter de la désillusion d’un peuple qui, malgré le fait qu’il vit dans une société riche, est continuellement confronté à des inégalités sociales, à des écarts de richesse qui ne cessent de s’amplifier et à son appauvrissement constant.
Le Québec est une société trop prospère pour tolérer la pauvreté !
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