Le 21 novembre, le ministre des Finances de la CAQ, Éric Girard, a présenté sa mise à jour économique des finances du Québec. Même s’il ne faut pas s’attendre à de grandes réformes lors de ce genre d’exercice, on peut à tout le moins espérer un réalignement des dépenses publiques afin de bien répondre aux besoins de la population québécoise tout en maintenant une saine gestion des finances.

Le ministre Girard déclare s’attendre à une hausse du PIB plus importante que prévu lors du dépôt du budget 2024-2025. Elle devrait atteindre 1,2 % plutôt que 0,6 %. L’augmen-tation des dépenses est fixée à 6,5 % pour 2024-2025, à 2,1 % pour 2025-2026 et à 1,6 % pour l’exercice financier 2026-2027.

Certains commentateurs politiques en ont déduit qu’on se dirigeait probablement vers des compressions dans les programmes publics puisqu’il est possible que les augmentations des dépenses prévues pour les deux derniers exercices financiers soient en deçà de l’augmentation des coûts de système, notamment à cause de l’inflation. 

En entrevue, le ministre a répliqué : « D’un côté, on nous accuse de trop dépenser; de l’autre côté, on nous dit qu’on impose l’austérité. Évidemment, ces deux énoncés-là sont complètement incohérents mis ensemble. » 

De la cohérence, svp!

Malheureusement, monsieur le Ministre, ces deux énoncés sont tout à fait cohérents. Chronologiquement, l’un vient à la suite de l’autre. Les politiques de la CAQ depuis six ans en témoignent. D’abord, des dépenses qui créent un déficit de près de 11 G $, notamment à la suite de la distribution de chèques électoraux de 400 $ et 600 $, accompagnée d’une baisse d’impôt de 1 %, qui réduit de façon récurrente le budget de l’État.

Le tout sera suivi par une période d’austérité avec, entre autres, des coupures de 400 millions $ dans le budget d’entretien des écoles primaires et secondaires, des compressions jusqu’à 60 % dans le budget des cégeps, des réductions des fonds alloués à la francisation des personnes immigrantes et le mandat donné à la nouvelle agence de santé de récupérer 1 G $.

Le ministre Girard a également affirmé qu’il fallait considérer le travail de la CAQ dans son ensemble, qu’il fallait se souvenir qu’il y avait eu une pandémie suivie d’une crise économique.

Il me semble pourtant monsieur Girard que vous avez toujours nié que le Québec était en crise économique; vous disiez plutôt que le risque que le Québec soit affecté par une crise économique était de 50 %.

Vous avez également déclaré que nous étions maintenant engagés dans une lente reprise économique. Vous avez affirmé que, du côté de la santé, il fallait laisser le temps à la nouvelle agence, Santé Québec, de s’installer et que, du côté de l’éducation, la rentrée scolaire avait été beaucoup mieux cette année que l’an dernier. 

Si on fait l’exercice proposé par le ministre Girard et qu’on prend un pas de recul pour avoir une vue d’ensemble du travail de la CAQ en matière de santé et service sociaux et d’éducation, voilà plutôt ce qu’on peut constater.

Le bilan

La CAQ a été élue en 2018 à la tête d’un gouvernement largement majoritaire, qui lui permettait d’avoir les coudées franches pour réaliser ses promesses. De plus, elle disposait d’un surplus budgétaire de 7 G $, un héritage des années d’austérité du gouvernement Couillard et d’une situation économique plus qu’enviable frisant le plein emploi. 

En santé, on nous promettait un médecin de famille pour tout le monde, une réduction de l’attente à l’urgence et une diminution des listes d’attente pour les chirurgies.

 À ce jour, on attend toujours les résultats. Rien n’a vraiment changé, sauf que le privé prend de plus en plus de place dans le réseau, que les agences de placement privées cannibalisent le secteur public et rendent le système public de plus en plus coûteux. 

En matière de services sociaux, la CAQ nous a dit que la voix de l’avenir pour les personnes âgées était « les maisons des aînés ». Ce réseau tarde à se mettre en place à cause, entre autres, du manque de main-d’oeuvre et d’un coût de construction de ces maisons de loin supérieur à ce qui était prévu.

Depuis quelques années, on assiste à la fermeture à répétition de résidences pour personnes âgées. Le maintien à domicile souffre de sous-financement, malgré l’avis de nombreux experts, qui soutiennent que c’est une meilleure façon de répondre aux besoins des personnes vieillissantes.
Les banques alimentaires du Québec crient sans cesse à l’aide. Elles ne suffisent pas à la demande, notamment à cause de la crise du logement qui perdure, crise que la CAQ a niée pendant tout son premier mandat. 

En éducation, M. Legault priorisait la création de maternelles quatre ans, une des principales lacunes, selon lui, de notre système scolaire. Seulement quelques maternelles quatre ans ont vu le jour, toujours à cause du manque de personnel et des coûts de construction au-delà des prévisions. Les budgets pour l’entretien des écoles primaires et secondaires ont d’abord été augmentés pour ensuite être coupés.

À ce jour, malgré l’augmentation des premiers niveaux de l’échelle salariale du personnel enseignant, une mesure qui, selon M. Legault, devait régler la pénurie de personnel, il manque toujours des centaines d’enseignants dans le réseau scolaire.

Depuis trois ans, 10 000 éducatrices et éducateurs auraient quitté le réseau des services de garde éducatifs à l’enfance. Il est plus payant de travailler chez Costco que d’éduquer nos jeunes enfants. 

L’abolition des commissions scolaire et la baisse des taxes scolaires respectaient un engagement électoral, mais en quoi le respect de ces promesses a aidé notre réseau scolaire public, je me le demande. 

De plus, le plan visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale, déposé en catimini le 21 juin dernier, n’atteint pas du tout la cible selon la plupart des organismes sociaux. 

Une absence de vision

En faisant ce pas de recul pour contempler l’ensemble de l’œuvre sociale, un constat s’impose. Malgré des finances publiques en bon ordre et une situation économique plus que favorable, le gouvernement de la CAQ a échoué lamentablement à la tâche.

Ma plus grande déception n’est pas que le gouvernement n’ait rien fait. Ce serait tout à fait faux de le prétendre. C’est plutôt que la CAQ ne réalise rien de concret là où ça compte pour le peuple québécois. Rien en santé et pour les services sociaux, rien en éducation, rien contre la pénurie de logements, rien pour contrer la pauvreté.

Monsieur Girard, gouverner un État est un travail complexe. Un gouvernement doit bénéficier d’un contexte de croissance économique et de finances publiques saines pour avoir les coudées franches. La CAQ avait tout cela en arrivant au pouvoir en 2018. Ce qui lui manquait, c’est une vision claire de l’avenir envisagé pour le bien-être de la population et, surtout, le courage politique de la réaliser.

L’auteur est syndicaliste