Le projet du gouvernement Legault de loi-cadre sur l’intégration nationale, qui traite d’identité et de valeurs, sonne faux à la lumière de la réaction du même gouvernement à la décision d’Amazon de mettre la clé sous la porte de ses sept entrepôts au Québec. Le prétexte : la syndicalisation d’un seul des sept entrepôts.

Suite à cette annonce choc d’Amazon, le premier ministre a répondu : « Il reste qu’Amazon, c’est une compagnie privée, et c’est une décision d’affaires d’une compagnie privée.»

Pourtant, il n’y a pas eu d’attaque contre les valeurs québécoises de ce genre et de cette envergure depuis 1978.

Rappelons qu’en 1978, deux ans après l’élection du gouvernement de René Lévesque, la plus grande entreprise d’assurance au Québec, la Sun Life, et la multinationale du chocolat, Cadbury, ont annoncé qu’elles quittaient le Québec en raison de l’adoption en 1977 de la loi 101. La première allait déménager son siège social à Toronto, la seconde allait fermer son usine rue de Lorimier pour l’installer en banlieue de Toronto. D’autres leur emboîteraient le pas.

Refusant la mollesse qui caractérise le gouvernement Legault, celui dirigé par René Lévesque, avec Jacques Parizeau aux finances, a répliqué rapidement et solidement. Réné Lévesque a déclaré :

« C’est un nouveau coup de la Brink’s. Quelque chose qui confine un refus hargneux d’accepter l’évolution normale de ce Québec qui les a si bien nourris depuis un siècle. » (Pierre Godin, René Lévesque, l’espoir et le chagrin, Boréal 2001).

Pour sa part, Jacques Parizeau a mis au point un projet de loi qui obligerait les sociétés d’assurance à réinjecter dans l’économie québécoise une plus grande part de leurs primes perçues au Québec.

Quant à Cadbury, un vaste mouvement « Barrons Cadbury », dirigé par les syndicats, a vu le jour, appuyé pleinement par tous les députés et ministres du gouvernement du Québec. Ce mouvement était tellement fort que bien des gens, encore aujourd’hui, ne touchent pas au chocolat Cadbury.

Ces grandes entreprises canadiennes se sont attaqué de façon violente aux valeurs québécoises, et surtout celle de la langue française, langue de travail. Le Québec a riposté.

Le syndicalisme : une valeur québécoise

Les lois québécoises des relations de travail sont les plus favorables à la syndicalisation en Amérique du Nord. C’est grâce aux femmes et aux hommes militants des années 60 et 70 mais aussi à certains dirigeants politiques québécois qui n’hésitaient pas à afficher leur « préjugé favorable aux travailleurs et aux travailleuses ». Par conséquent, le Québec compte le plus haut taux de syndicalisation du secteur privé des provinces canadiennes (23%) et le deuxième plus haut taux de syndicalisation de l’ensemble des secteurs privés et publics (39%). Seule Terre-Neuve a un taux plus élevé.

C’est cette valeur québécoise qu'Amazon refuse d’accepter

En revanche, si le nouveau projet de loi-cadre présenté par le ministre Roberge contient des éléments intéressants, il ressemble davantage à un pansement qu’à une vraie solution. Bien qu’il parle de valeurs communes, il semble ne cibler que des individus qui, à leur arrivée, doivent composer avec une situation schizophrénique où la langue et la culture québécoises continuent à subir la domination historique de la culture anglo-américaine mais aussi des préjugés profonds hérités du colonialisme britannique.

Est-ce surprenant que ces mêmes personnes s’aperçoivent que le pouvoir réel se trouve à Ottawa, pas à Québec, que la langue anglaise soit la clé de la réussite?

Est-ce surprenant qu’elles arrivent à la conclusion que le gouvernement Legault, qui a tourné le dos à une politique digne d’une vraie nation libre de disposer d’elle-même, n’a ni la volonté, ni le courage de mettre fin à la schizophrénie culturelle et politique qui sévit encore et toujours au Québec?

Si d’aucuns avaient encore de l’espoir que le gouvernement de la CAQ pouvait faire rejaillir au Québec une grande fierté comme celle qui a inspiré les grandes réformes des années 1960-2000, sa réaction à Amazon les aura terriblement déçus.
 

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