L’auteur : M. Sc. Science politique (2018 – 2020, Université de Montréal) et Alumni du Centre pour l'étude de la citoyenneté démocratique (CÉCD)
L'époque actuelle est marquée par l'ascension d'une « internationale réactionnaire », un phénomène qui semble de plus en plus structurant dans les dynamiques politiques mondiales. Loin d'être un simple hasard, cette montée en puissance des forces conservatrices et autoritaires repose sur des réseaux de solidarité et de stratégies communes entre divers mouvements et partis politiques. Le gouvernement Trump en est devenu en quelques mois la pierre angulaire.
En Europe, les fascistes italiens, portés par Giorgia Meloni, occupent aujourd'hui le pouvoir, tandis que l'AfD a progressé dangereusement en Allemagne lors des dernières élections législatives. En France, Marine Le Pen s'affirme comme une alternative crédible. Ces mouvements, bien que spécifiques à leurs contextes nationaux, partagent une vision commune : un repli nationaliste, une instrumentalisation des peurs identitaires et une remise en cause des avancées sociales et environnementales.
Face à cette offensive, la gauche se trouve trop souvent divisée, isolée dans des luttes locales et enfermée dans des compromis institutionnels qui brident ses capacités d'action. Pourtant, si l'on veut combattre efficacement cette « internationale réactionnaire », il devient urgent d'imaginer une nouvelle internationale progressiste, une alliance transnationale qui puisse structurer un rapport de force capable d'influer sur les débats et les politiques publiques au-delà des frontières.
Une alliance indispensable des partis de gauche
L'une des faiblesses structurelles de la gauche actuelle réside dans son manque de coordination internationale. Alors que les partis conservateurs et d'extrême droite coopèrent de plus en plus, partageant plateformes et stratégies, les forces progressistes restent trop souvent enfermées dans des logiques nationales. Pourtant, plusieurs partis portent des valeurs communes et pourraient bénéficier d'une action conjointe : Québec Solidaire au Québec, le Nouveau Parti démocratique au Canada, La France Insoumise en France, Podemos en Espagne ou Die Linke en Allemagne.
Tous ces mouvements font face à des enjeux similaires : la résurgence des inégalités économiques, le défi climatique, la crise de la démocratie représentative et la captation du débat public par des discours populistes de droite. Pourtant, au lieu de mettre en place des plateformes communes et des initiatives de solidarité politique, ils restent souvent cloisonnés dans leurs réalités locales.
Le cas du Parti Démocrate aux États-Unis illustre bien cette difficulté à construire une véritable alternative. Loin d'être un véritable parti de gauche, il demeure prisonnier de ses contradictions internes, tiraillé entre son aile progressiste et son establishment de droite libérale. L'échec de l'administration Biden à s'aligner sur les aspirations réelles d'une grande partie de sa base — notamment sur les questions de la Palestine — illustre la nécessité pour la gauche de ne pas se contenter d'un simple rôle d'appoint à des partis traditionnels qui, finalement, perpétuent un statu quo insatisfaisant.
L'urgence de stratégies extra-parlementaires
Si ces partis de gauche veulent peser dans le rapport de force, ils ne peuvent se contenter d'attendre une percée électorale qui tarde à venir. La plupart de ces formations ne sont pas au pouvoir, et certaines peinent à réunir des scores électoraux suffisants pour influencer significativement les politiques de leurs pays respectifs. Leur présence parlementaire reste trop souvent marginale, ce qui les empêche de déterminer les grandes orientations gouvernementales.
Dans ce contexte, la stratégie ne peut se limiter aux débats institutionnels : il est impératif de renforcer les actions extra-parlementaires, à travers les mouvements sociaux, la mobilisation syndicale et la construction de contre-pouvoirs sur le terrain. Une nécessaire réallocation des ressources issues du travail des députés doit se faire auprès des mouvements pour la justice sociale sur le terrain. Les grandes conquêtes sociales n'ont jamais été le fruit d'une simple majorité parlementaire, mais bien d'une pression constante exercée par des forces militantes bien organisées.
Une coordination internationale pourrait également permettre le développement de campagnes communes sur des thématiques transversales : la justice climatique, la taxation des grandes fortunes et l’évasion fiscale, la régulation des multinationales ou encore la lutte contre la précarité. En s'organisant à l'échelle internationale, ces partis pourraient gagner en poids politique, tout en offrant une alternative claire à la montée de l'extrême droite.
Pour une gauche internationaliste
La montée en puissance de l'extrême droite et des mouvements réactionnaires à travers le monde n'est pas un accident isolé, mais bien le symptôme d'une crise plus large des systèmes politiques et économiques contemporains. En face, la gauche peine à répondre de manière coordonnée, faute d'une vision internationale suffisamment structurée.
Une nouvelle internationale progressiste, regroupant les forces de gauche qui partagent des valeurs communes, est aujourd'hui une nécessité. Elle ne devra pas se contenter d'un simple réseau de solidarité, mais devra être un véritable outil de structuration des luttes et de proposition d'alternatives réalistes aux crises actuelles. Les partis de gauche ne peuvent plus se contenter d'attendre une majorité électorale incertaine : c'est dans la rue, dans les mouvements sociaux et par une stratégie de pression constante qu'ils pourront imposer un véritable changement.
L'histoire a déjà montré que les grandes avancées sociales ne viennent jamais d'en haut, mais bien d'une mobilisation populaire forte et coordonnée. Il est temps pour la gauche de reprendre cette dynamique et d'inscrire son combat à l'échelle internationale, afin d'affronter avec efficacité la montée des forces réactionnaires.