La grande compassion du peuple québécois se reflète dans le fait que, bon an mal an, nous prévoyons que 30% à 40% de notre immigration permanente soit formée des personnes admises dans les catégories familiale et humanitaire.

En fait, depuis 15 ans, la proportion a varié autour de 30% et 40%, avec une hausse significative en 2020 et 2021. Pendant la pandémie la part du regroupement familial a augmenté parce qu’il n’était pas touché par les restrictions de voyage. Dans les trois dernières années, la proportion a baissé considérablement, arrivant en 2024 à 30,7% des admissions. Le Plan d’immigration du Québec 2024 a prévu cette proportion à 36%, mais, selon le plan de 2025, ces catégories représenteront 28% des admissions cette année.

S’il est vrai que la première motivation des personnes de ces catégories n’est pas économique – elles rejoignent un membre de la famille déjà au Québec avec un statut permanent ou elles ont obtenu le statut de réfugié ayant fui leurs pays pour des raisons de persécution – les adultes de cette catégorie vont très largement s’intégrer au marché du travail.

La planification par le Québec de ces deux catégories est plus complexe parce que, à part les réfugiés sélectionnés à l’étranger, le nombre de demandes est moins prévisible et le fédéral joue un rôle plus important dans le traitement de ces dossiers.

Partie I : Regroupement familial – Quel seuil établir pour s’assurer que les familles québécoises sont réunifiées?

Si on établit un seuil pour le nombre de personnes qui seront admises dans une certaine catégorie, afin de respecter ce seuil, il faut (1) pouvoir contrôler le nombre de demandes qui seront acceptées pour traitement ou (2) pouvoir minimalement faire des projections sur le nombre de demandes attendues.

Traditionnellement, ces leviers ont été très peu utilisés. Aucune justification scientifique n’est offerte pour les seuils établis. Le gouvernement fédéral suspend de temps en temps le parrainage des parents et grands-parents quand l’accumulation des demandes en attente de traitement devient trop grande et risque de faire dépasser les seuils canadiens.

Processus de traitement d’une demande de parrainage familial

La demande est faite au fédéral, qui vérifie surtout les liens parentaux. Si elle est jugée admissible, elle est acheminée au Québec, qui est responsable des conditions et de la signature de l’entente de parrainage. Un Certificat de sélection est délivré à chaque personne parrainée. L’étape finale est la demande de résidence permanente auprès du fédéral.

Gestion de la demande en lien avec les seuils québécois

Jusqu’à tout récemment, le Québec n’avait pas le choix que de traiter l’ensemble des dossiers envoyés par le fédéral, puisque les personnes concernées avaient déjà appris que leur demande avait été acceptée.

Peu importe les cibles établies pour cette catégorie par le Québec, le fédéral continuait de recevoir toutes les demandes émanant du Québec et de transmettre celles jugées admissibles au ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) pour la signature de l’entente de parrainage.

Le MIFI les a traitées, mais la dernière étape, la résidence permanente accordée par le fédéral a été ralentie parce que le Québec n’a pas ajusté ses seuils pour cette catégorie dans sa planification pluriannuelle.

Il y a eu des années dans le passé où le fédéral a décidé d’entreprendre un « blitz » de traitement des demandes de résidence permanente dans cette catégorie, ce qui a donné lieu à un dépassement de la cible établie dans la planification du Québec. Le ministre fédéral, Marc Miller, a menacé de faire la même chose au mois de mars 2024.

En date du 13 juin dernier, pour la première fois, le MIFI a pris la décision de définir lui-même un plafonnage des demandes de parrainage qu’il acceptera dans cette catégorie jusqu’en juin 2026. En principe, pour respecter l’Accord Canada-Québec, le fédéral va tenir compte de ce plafond dans le nombre de demandes qu’il acceptera provenant du Québec.

Cela laisse pourtant sans réponse la question de la manière dont les seuils sont établis pour cette catégorie.

Un facteur urgent à court terme demeure les dizaines de milliers de demandes de résidence permanente de cette catégorie provenant du Québec qui trainent dans l’inventaire à Ottawa. Le délai de traitement de cette étape est plus de trois fois plus long qu’ailleurs au Canada, 35 mois par rapport à 11 mois. Trois ans, c'est trop long pour mettre une vie en pause et garder les partenaires et enfants séparés.

Maintenant que le Québec a pris en charge la gestion des demandes pour l’avenir, il serait pertinent qu'il prévoie une planification d’écoulement de ces dossiers, comme il a fait il y a deux ans pour les dossiers de la sous-catégorie des immigrants investisseurs.

De plus, on me pardonnera mon radotage, mais un système d’immigration à une étape favorise aussi la diminution des demandes de parrainage familial parce que toute la famille est incluse dans une demande d’immigration permanente. Il y aurait moins de célibataires à statut temporaire faisant une demande de parrainage après avoir obtenu leur résidence permanente.

Manque de données pour projeter le nombre de demandes

Il n’existe aucune donnée sur le profil des personnes faisant une demande de parrainage. Combien sont nées au Québec ou au Canada? Combien ont obtenu leur citoyenneté par naturalisation? Combien ont le statut de résident permanent? Y a-t-il des tendances liées au pays de naissance, âge, sexe?

Quant aux personnes parrainées, on ne recueille pas non plus de données sur elles. Rien sur les langues connues, sur leur scolarité ou formation, expérience de travail. Un meilleur portrait de cette catégorie permettrait à la fois de mieux projeter le nombre de demandes, et de préparer des services en fonction des besoins de cette clientèle, deux facteurs essentiels à l’établissement des cibles.