Enfin! Un parti fédéraliste canadien qui accepte que le Québec contrôle l’ensemble de son immigration temporaire et affirme même que ce contrôle est en lien avec « l’esprit de l’Accord Canada-Québec » adopté en 1991.
Je ne veux pas être trop pointilleuse, mais si cela découle de l’Accord, ce qui est vrai, le Canada n’a pas à « accorder » au Québec « le pouvoir de sélectionner les immigrants temporaires issus du Programme de mobilité internationale » (PMI), mais plutôt à reconnaître qu’il s’agit d’un pouvoir existant du Québec que le gouvernement fédéral collaborera à appliquer. Mais c’est un détail sémantique, me direz-vous.
Maintenant que cette reconnaissance est acquise, y a-t-il d’autres gestes possibles qui renforceraient le pouvoir du Québec en matière d’immigration avant un référendum?
On aurait espéré que le Comité consultatif sur les enjeux constitutionnels du Québec au sein de la fédération canadienne, dont le rapport a été rendu public en novembre dernier, fasse des propositions. Malheureusement, il ne mentionne même pas le PMI. La seule recommandation relative aux pouvoirs en immigration propose une entente – administrative, on présume – avec le gouvernement fédéral sur la proportion de demandeurs d’asile que le Québec « accueillerait » et les ressources afférentes.
Le défi lié au nombre élevé de demandes d’asile est bien réel. Il faut que le gouvernement canadien gère mieux cette situation en amont. En aval, il faut une meilleure collaboration avec les provinces.
Une proposition intéressante
En ce sens, il est intéressant de noter que la proposition concernant le PMI exclut les permis de travail délivrés, dans le cadre de ce programme, aux demandeurs d’asile. Ces permis ouverts permettent au titulaire de travailler en attendant une décision sur son dossier et, pour celui reconnu comme réfugié, de travailler en attendant la résidence permanente.
Il y a peut-être une raison derrière cette exception. Le Québec a déjà suggéré au fédéral que les permis de travail accordés en attente d’une décision sur une demande d’asile pourraient être contraints à une province en particulier, une sorte de permis de travail territorial. Ils deviendraient donc un levier pour répartir ces personnes plus équitablement parmi les provinces. Le ministre fédéral de l’Immigration a finalement refusé cette suggestion.
Le chef d’un autre parti fédéraliste canadien a aussi reconnu la spécificité du Québec en annonçant une place pour des Québécois « à la table des décisions ». Proposons un exemple précis auquel il n’a peut-être pas pensé.
Accepterait-il une personne représentant l’État québécois au sein de toute délégation canadienne aux forums internationaux qui discutent de la gestion des migrations mondiales, notamment ceux organisés par l’Organisation des Nations Unies? Il y a des décisions importantes prises dans ces forums, mais, malgré son rôle reconnu dans la gestion de son immigration, la voix du Québec n’est pas entendue.
L’exemple de l’Espagne et de la Catalogne
Aussi, d’autres idées circulent. Examinons ce qui se passe actuellement en Espagne. Le gouvernement à Madrid s’apprête à transférer l’essentiel des compétences en immigration à la Catalogne. La loi autorisant le transfert n’a pas encore été adoptée par le Congrès espagnol. Certains éléments couverts par l’entente se trouvent déjà dans l’Accord Canada-Québec, d’autres vont plus loin, notamment le pouvoir d’admission.
Actuellement, pour être admise au Québec, une personne avec un Certificat de sélection (permanente) du Québec ou un Certificat d’acceptation (temporaire) du Québec est obligée de faire ensuite une demande au fédéral pour obtenir sa résidence permanente ou son permis temporaire.
Ce chevauchement donne lieu à des coûts de dédoublement administratif, impose deux fois des frais aux personnes faisant la demande et allonge inutilement le délai de traitement des demandes. Les vérifications de santé et de sécurité actuellement faites par le fédéral pourraient se faire par le Québec, si elles étaient incluses dans une entente transférant les compétences en admission.
Si ce n’est pas dans l’entente actuelle entre Madrid et la Catalogne, il y en a qui commencent à parler d’une approbation préalable par Barcelone des demandes de citoyenneté sur le territoire catalan, ce qui permettrait notamment de s’assurer d’une connaissance de la langue catalane.
Le Bloc québécois demande depuis longtemps que le Canada exige une connaissance du français des demandes de citoyenneté émanant du territoire québécois. Il frappe un mur chaque fois. Ce serait pourtant une suite normale des modifications de 2022 de la Constitution canadienne reconnaissant la nation québécoise et la langue française comme seule langue officielle au Québec.
Nous sommes bien partis avec l’ouverture à une collaboration visant le contrôle de l’ensemble de notre immigration temporaire, mais osons plus d’imagination et d’audace en cherchant des leviers déjà disponibles pour atteindre nos objectifs en matière d’immigration. Faisons-le pour le Québec et pour les personnes que nous accueillons.