L’auteur est porte-parole du Regroupement Vigilance Mines Abitibi-Témiscamingue (REVIMAT).

Le contexte géopolitique engendré par l’administration américaine affectera notre économie pour au moins une décennie. C’est l’occasion rêvée pour nos élus d’apporter des changements aux règlementations en vigueur.

« Le monde a changé et il faut réagir. » Voilà la phrase phare qui permettra d’ouvrir les vannes du développement industriel sans restriction. Les entreprises lèvent la main afin de demander de l’aide financière pour affronter les tarifs de Trump, d’exiger des changements importants dans la lourdeur administrative et de diminuer la règlementation environnementale. Autrement dit, laissez-nous faire et payez la facture.

Le gouvernement Legault réagit au quart de tour pour répondre à leurs besoins en annonçant qu’il cherchera à imposer de nouvelles règlementations beaucoup moins restrictives et des mesures financières pour supporter l’industrie.

La population, prise en étau entre la peur de perdre des emplois et le danger d’une récession, accepte toutes les dérives en faveur du capitalisme pur sans se rendre compte que, dans son ensemble, elle deviendra encore plus dépendante du privé.

Le premier ministre Legault présente le tout comme une occasion d’affaires qu’il cherchera à financer avec les fonds publics en demandant le moins possible aux entreprises. On n’a qu’à penser aux promesses clamées par les partis politiques fédéraux de relancer le projet GNL Québec au lendemain de l’annonce des tarifs de Trump.

La Stratégie du Choc

Au Québec, on a déjà pu constater une dérive dans la règlementation avec le bâillon imposé à la ville de Blainville afin de vendre le terrain sollicité par la compagnie Stablex en éliminant toutes les barrières environnementales. Ce phénomène, qui veut qu’en temps de crise on puisse imposer plein de nouvelles règles pour favoriser le capitalisme pur, a déjà été mis en lumière par Noami Klein dans son livre La Stratégie du choc.

Le virage annoncé des règles environnementales n’est pas nouveau. La menace américaine n’en est que le catalyseur. Cela fait déjà un moment que le ministre de l’Environnement, M. Charrette, véhicule publiquement que le processus d’évaluation environnementale est trop lourd. Ceci jouerait contre l’attractivité du Québec pour l’implantation d’entreprises avec des jobs payantes.

Il ne s’est donc pas privé de précipiter l’acceptation du projet Northvolt en éliminant une enquête par le BAPE et en autorisant le projet avant même que la population puisse réagir. L’urgence de gagner la course mondiale des batteries était invoquée.

Le domaine minier n’est pas négligé par les largesses de M. Legault, autant dans les changements règlementaires à venir que dans le budget 2025, afin d’encourager la filière des minéraux critiques et stratégiques (MCS). Il en a même fait un point d’honneur quand il a soulevé les enjeux qu’il considère néfastes lors de son voyage en Allemagne.

L’argument de la décarbonation des transports et du besoin en MCS est la base de ses prétentions pour revoir et accélérer l’acceptation de projets auxquels il ajoute l’importance de diversifier notre économie. Pour un capitaliste comme François Legault, l’environnement est un poids qu’il cherche à éliminer tout en se couvrant d’une cape de Superman défenseur de l’environnement et respectueux de l’acceptabilité sociale.

Accélérer le processus d’évaluation

Comment François Legault accéléra-t-il les processus d’évaluation environnementale dans le domaine minier?

« Il va falloir que les délais soient plus courts. Donc, l’obtention des permis, tout le travail, toute la bureaucratie, il faut en enlever. […] Il y a urgence d’agir ! », a soutenu le premier ministre lors des questions des journalistes en Allemagne.

Donc, si je suis son raisonnement, il va diminuer la paperasse administrative qui ralentirait les mises en chantier sans tourner les coins ronds. Il va aussi accélérer l’analyse des études environnementales en encourageant l’annulation de celles tenues par l’Agence d’évaluation d’impact du Canada (AEIC) tout en assurant que cela ne diminuera pas les exigences environnementales. Que deviendront les études spécifiques au fédéral, comme celle par Pêches et Océans?

M. Legault souhaite qu’un projet ne puisse subir qu’une seule enquête environnementale du BAPE. Il n’explique pas comment la population pourra se faire une idée des impacts d’un projet dans le cas où les impacts évolueraient selon les étapes de la mise en production.

Les éléments du budget favorables au milieu minier

Selon Québec Meilleures Mines (QMM) et Mining Watch Canada (MWC), le gouvernement québécois cherche à soutenir dans son budget « les entreprises en difficulté en raison des tensions commerciales ». Il manque ainsi une rare occasion d’exiger davantage de redevances de la part des compagnies minières dont les valeurs mobilières refuges tirent outrageusement profit de l’incertitude des marchés boursiers.

Ils relèvent aussi que la CAQ souligne dans ses communiqués l’importance des MCS. Pourtant, l’or, qui n’est pas un MCS ou un métal essentiel, cartonne à des sommets boursiers historiques et jouit encore des largesses du gouvernement. Le gouvernement québécois aurait dû appliquer une hausse importante des redevances minières sur ce métal de luxe. Une telle mesure ne menacerait pas la viabilité des emplois dans le secteur minier.

QMM et MWC notent qu’une augmentation des redevances devrait également s’appliquer à l’exploitation des MCS. Année après année, cette filière reçoit d’immenses subventions pour toutes les étapes préalables à l’exploitation. Il est donc fiscalement responsable d’exiger de l’industrie un retour bonifié sur les investissements de l’État qui ont rendu l’exploitation de ces projets viables.

Dans leur analyse, ils soulignent à grands traits que le gouvernement du Québec maintient son controversé régime d’actions accréditives qui enrichit l’industrie minière en permettant aux contribuables (particuliers et entreprises) d’éviter de payer de l’impôt en investissant dans l’exploration minière.

Ce système complexe profite largement aux individus les plus fortunés du Québec et ne fait qu’augmenter le capital des compagnies d’exploration minière dont les travaux échappent complètement aux évaluations environnementales, tout en privant l’État de centaines de millions de dollars.

Selon QMM et MWC, le budget met à jour le gouffre sans fond des MCS, qui sera de 838 M$ pour les cinq prochaines années. Des miettes de 39, M$/5 ans seront versées pour la protection de l’environnement pendant que 62,8 M$/5 seront versées pour accélérer la « délivrance » des permis. On voit où sont les priorités du gouvernement.

Rodrigue Turgeon, avocat, co-porte-parole de QMM et coresponsable de MWC conclut que « C’est un nouveau déficit record pour un gouvernement qui abdique devant l’idée d’augmenter les recettes de l’État en ciblant les secteurs de l’industrie minière qui profitent le plus de la conjoncture économique et géopolitique en faveur de l’idéologie dominante et son leitmotiv toujours plus de mines pour régler toute crise sur notre chemin. »

Il est clair que la réaction du gouvernement face à la crise tarifaire n’annonce rien de bon pour la protection de l’environnement et que l’activité minière en sera une des grandes destructrices.