L’anti-intellectualisme, qui existe depuis longtemps aux États-Unis, s’explique en partie par la glorification de « l’homme commun » : le col bleu ou l’agriculteur, le patriote américain de tous les jours, qui travaille d’arrache-pied pour subvenir aux besoins de sa famille sans jamais se mêler de ce qui ne le regarde pas. C’est la pierre angulaire du mythe américain. Soyons pragmatiques, rejetons les débats inutiles, avancent les néo-conservateurs américains.

L’anti-intellectualisme, source du populisme d’extrême droite

Les républicains et les populistes d’extrême droite, imprégnés du néo-conservatisme, ont rapidement sombré dans la justification de l’ignorance, les accusations infondées et les attaques personnelles afin de galvaniser le ressentiment de la classe moyenne et des couches populaires américaines. Le « Make America Great Again » de Donald Trump incarne cette pratique politique spectaculaire, qui débouche sur ce que Pier Paolo Pasolini appelait le « lieu vide du pouvoir ».

Le discours des ténors du populisme d’extrême-droite, comme Donald Trump, trouve justement écho chez ces démunis et ceux qui n’ont pas terminé leurs études. Ceux et celles ayant un diplôme de l’enseignement secondaire ou inférieur ont été les premiers à perdre leur emploi, puis leur domicile. C’est ce qui a fait que ces Américains ont appuyé Trump à la présidentielle. Donald Trump est l’incarnation même de cette ignorance décomplexée, qui se justifie par la réussite entrepreneuriale. Tout comme les populistes d’extrême droite, Trump clame haut et fort sa méfiance à l’égard des « grandes idées politiques » et de l’opinion des experts.

L’anti-intellectualisme, la servilité devant l’ignorance (Dumb and Dumber), l’abaissement de la culture et de l’éducation appartiennent à la logique de la domination spectaculaire. Vivre quotidiennement dans cette réalité engendre une propension à vouloir simplifier le monde, à réduire les phénomènes sociaux à leurs plus simples explications, et à soutenir des leaders politiques – Donald Trump – qui obtiennent du succès en développant une rhétorique accusatrice, qui galvanise le ressentiment des laissés-pour-compte, ceux qui n’ont pas les moyens nécessaires pour débusquer les mensonges de ces « showmen », qui souhaitent prendre le pouvoir sur le dos de leur ignorance.

Selon le regretté historien Christopher Lasch, l’illusion créée par Donald Trump et ses semblables autour du monde est essentielle pour que le populisme de l’extrême-droite puisse survivre et trouver des appuis dans la population. À long terme, cette transformation de la culture américaine risque d’engendrer une mythologie de l’ignorance réactionnaire et autoritaire.

En somme, l’homme blanc des États-Unis devient dépossédé, sans conscience du rêve américain. La crise a fourni aux bonzes du populisme de l’extrême-droite les armes nécessaires pour accuser l’État, les élites culturelles et politiques, les syndicats et les spéculateurs de Wall Street (les véritables fautifs) d’être les principaux responsables de cette crise. Ainsi, Donald Trump, le 47e président des États-Unis, en est l’incarnation nécessaire.

La méfiance et la peur de l’autre

Depuis ses origines, la nation américaine est composée d’immigrants, un « melting pot » comme on l’a souvent dit. Les suprématistes blancs prétendent que l’Amérique est un pays, qui leur est strictement réservé, tout en oubliant volontairement le génocide des communautés autochtones.

Même si les immigrants illégaux contribuent énormément à l’industrie agricole américaine, une large part de la population blanche des États-Unis les considère comme des indésirables. On assiste présentement au retour d’un certain isolationnisme, en matière d’immigration. Comme l’affirme le néo-conservatisme : « Il y a suffisamment de Latino-Américains. Ils envahissent nos villes, ils commettent des crimes. Les juges doivent désormais parler en espagnol. L’immigration des Latino-Américains fait grimper le taux de criminalité dans les États à proximité de la frontière mexicaine. »

Selon Donald Trump, « le Mexique nous envoie leurs voleurs, leurs violeurs, leurs meurtriers et les pourvoyeurs de drogue, en plus de nous forcer à continuer la construction d'un mur sur la frontière du Mexique et à contraindre la police à arrêter les centaines d’illégaux qui traversent la frontière mexicaine vers les États-Unis tous les jours ».

Mais ce que Trump oublie de nous dire, c’est, en fait, le marché domestique américain qui réclame cette drogue. Il oublie aussi d’augmenter les subventions pour construire les milliers d'hôpitaux nécessaires pour sauver ces toxicomanes, qui sont des citoyens des États-Unis. Pour Trump, tout ceci est toujours la faute des autres!

Encore une fois, les populistes néo-conservateurs pratiquent une politique expéditive, qui ne tient pas compte de la réalité géopolitique complexe dans laquelle les États-Unis sont un joueur parmi d’autres, aussi puissants soient-ils. La domination des États-Unis s'explique grâce à une politique du tac au tac, mais surtout par un appareil militaire prêt à dominer le monde.

Voici donc un autre paradoxe de ces néo-conservateurs dans leur critique de la politique étrangère actuelle des États-Unis : d’un côté, ils souhaitent un retour à l’isolationnisme économique; de l’autre, ils veulent une présence militaire accrue et coercitive dans les régions stratégiques dans le monde. Il faut rétablir l’hégémonie américaine, tout en restant chez soi. Comme l’affirme Donald Trump dans ses allocutions : « Je construirai une armée si grosse, si forte que personne ne viendrait intervenir contre nous. »

Nous allons surveiller, nous dit Donald Trump, le Canada, le Groenland, le Mexique, l’Amérique du Sud, les Caraïbes, et le canal du Panama, qui sont, dans les faits, la propriété des États-Unis. Comme il l’a dit maintes fois : « Make America Great Again », c’est-à-dire que les États-Unis doivent redevenir le pays hégémonique qu’ils ont été par le passé.

Affirmer l’emprise des États-Unis sur le monde

Au cours de la dernière décennie, en faisant référence aux régimes autoritaires et aux populistes extrêmes, comme la présidence de Trump, plusieurs se sont demandés s'il existait une certaine tendance ou un mouvement comparable au fascisme dans le contexte actuel aux États-Unis. Nous sommes en effet témoins, depuis quelques années, de cette montée du fascisme en Europe avec la présence de Georgia Meloni en Italie, Viktor Orbàn en Hongrie, Erik Jensen au Danemark, etc.

Certes, Trump a utilisé ses pouvoirs pour soutenir les éléments d’extrême-droite, les aider à rejoindre des publics, ouvrir des canaux de sympathie, et même normaliser leurs objectifs et leur violence (Charlottesville), pour créer un environnement favorable à leur progression. Trump a ainsi transformé un potentiel fasciste de masse en un projet politique, qui a permis à ces éléments fascistes de se coaguler.

Trump incarne aussi une avancée, non pas pour le Parti républicain, mais pour le processus du fascisme. Même en Europe, il cible clairement les éléments dont il a besoin pour renforcer sa politique sur la scène européenne.

N’oublions pas la rencontre avec Zelinsky à la Maison-Blanche pour échanger sur la question de la guerre en Ukraine. Certes, c’était une catastrophe, mais ensuite, Trump a discuté avec Zelinsky de l’exploitation des terres rares en Ukraine ainsi que des usines qui s’y trouvent à proximité. Il cherchait à arriver à un possible accord clair entre les deux chefs d’État. Il ne faut pas oublier, non plus, l’importance pour Trump, d’une entente, qui serait basée sur l’idée de mettre fin à la guerre, et développer l’exploitation continue des terres rares.

Similairement, à travers sa récente entente avec la Russie, Trump veut surtout mettre fin à la guerre avec Vladimir Poutine, afin d’être capable de contrôler le développement de l’exploitation du gaz naturel et du pétrole, indépendamment de la présence du fascisme au sein du gouvernement russe.

Le renforcement du lien entre Benyamin Netanyahou et les États-Unis – initié par l’aide sous la forme des milliards de dollars par l’ex-président Joe Biden et maintenu par l’administration Trump – solidifie davantage cette alliance entre Israël et les États-Unis, et entre Trump et son ami de longue date. Si nous ajoutons à cela le maintien d’une opposition farouche contre l’Iran, et d’une intervention soutenue contre les Houthis, Trump s’est ainsi désormais placé stratégiquement et fermement au centre du Moyen-Orient.

Cette situation au Moyen-Orient donnerait à Trump les moyens d’être en position de force dans le cas d’une éventuelle Troisième Guerre mondiale, et donc de signifier au reste du monde la puissance impérialiste américaine sur la planète. L’anti-intellectualisme et le néo-conservatisme forment désormais une seule et unique unité idéologique, qui vise à créer une Amérique unie sous un Donald Trump, qui contrôle l’ensemble de l’empire de type impérial de l’Amérique et lui assurera aux États-Unis le contrôle de la planète.