Dans son édition du 9 avril, le Canard enchaîné, l’hebdomadaire français connu pour être bien informé sur les dessous de la politique française, révèle que « Canada s’affirme prêt à fournir des hommes et des matériels » pour le déploiement de la force de « réassurance » proposée par Macron en cas de cessez-le-feu en Ukraine.

Le Canada est présenté, par le Canard, comme un « allié inattendu » qui « élargirait ainsi cette initiative européenne, soutenue par les Belges et les Néerlandais, par une majorité des pays nordiques et par les États baltes ».

Selon l’hebdomadaire, « le dispositif ressemblerait comme deux gouttes d’eau aux moyens déjà déployés par l’OTAN dans les pays baltes et en Roumanie : des chars, de l’artillerie, du génie des moyens aériens et de guerre électronique. Des chasseurs dans les airs, aussi, et des navires en mer Noire ». Il ajoute : « La comparaison vaut également pour les règles d’engagement en cas d’agression : après accord des pays de la coalition, ces forces seraient autorisées à riposter. »

Le projet « à en croire des confidences faites au Canard est bien plus avancé que ses partisans ne le laissent entendre ». La planification de l’opération par les Français et les Britanniques « progresse activement, sachant que les problèmes d’ordre logistique et de renseignement demeurent les principaux points à traiter ».

« Avec l’appui d’une large majorité des pays membres, les initiateurs de la ‘‘force de réassurance’’ tenteront d’en faire accepter l’idée au président américain, lors du sommet décisif de l’OTAN qui se tiendra à La Haye au mois de juin, à la condition bien entendu qu’il y ait d’ici là, un cessez-le-feu », conclut l’article.

Dans son édition du 11 avril, Le Figaro a corroboré les propos du Canard sur l’activité intense déployée par la Grande-Bretagne et la France pour constituer cette « coalition des volontaires », prête à intervenir en Ukraine, avec ou sans l’appui des États-Unis.

Déjà, Vladimir Poutine a opposé un Niet tonitruant à la présence de soldats de pays membres de l’OTAN en Ukraine. La présence de soldats canadiens au sein de cette « force de réassurance » rapproche donc le Canada d’un engagement direct dans un conflit armé avec la Russie. La perspective d’un conflit mondial n’est pas à écarter.

Des questions

Plusieurs questions se posent : la participation du Canada à cette « force de réassurance » a-t-elle fait partie des discussions de Mark Carney avec Emmanuel Macron et Keir Starmer, lors de son voyage à Paris et à Londres, au lendemain de son élection à la tête du Parti libéral?

A-t-il été question de cet engagement secret du Canada lors des conversations téléphoniques entre Mark Carney et Donald Trump? Est-ce cette implication qui a calmé les ardeurs de Trump dans son projet d’annexer le Canada?

Mark Carney prépare le Canada à la guerre. Il a promis une augmentation des dépenses militaires, sans préciser à quel niveau : 2%, 3%, 5% du PIB? Trump exige maintenant 5%. Une somme astronomique, qui ne pourrait être atteinte sans compressions dans les programmes sociaux et les transferts aux provinces.

Carney, de même que Poilièvre, veulent réduire la portée et les délais des évaluations environnementales pour faciliter l’exploitation des minéraux stratégiques, une demande américaine déjà présente sous l’administration Biden et devenue aujourd’hui d’autant plus pressante que la Chine vient de suspendre l’exportation des terres rares.

Carney et Poilièvre projettent de faire du Canada une « superpuissance énergétique » en multipliant les pipelines. À l’émission Tout le monde en parle, Carney a tenté de le justifier par la « transition énergétique ». Un argument aussi bidon pour le pétrole que pour les minéraux stratégiques.

Une seule économie

Une frénésie guerrière s’est emparée du Vieux Continent. L’Union européenne vient d’adopter un budget pharaonique de 800 milliards d'euros de dépenses militaires. C’est comme si l’armée russe était aux portes de Paris, alors qu’elle est incapable de vaincre l’Ukraine.

En fait, les commentateurs politiques les plus perspicaces affirment que l’argument de la guerre n’est qu’une nouvelle tentative pour justifier une centralisation des pouvoirs au sein de l’Union européenne, un projet auquel rêvent les élites européennes, malgré l’opposition de leurs peuples.

C’est le même scénario au Canada. Mark Carney justifie l’augmentation des dépenses militaires en laissant croire que la Russie – un pays dont on prédit chaque jour l’effondrement économique – se préparerait à envahir le Canada par l’Arctique, alors que la seule menace d’annexion du Canada provient du sud de la frontière.

Carney utilise la guerre tarifaire avec Trump pour légitimer une centralisation des pouvoirs au Canada. Il affirme vouloir unifier les treize économies canadiennes en une seule économie, ce qui signifie l’abolition des barrières non tarifaires entre les provinces. Il évite, bien entendu, de dire que ces barrières ne sont pas le fruit du hasard, mais qu’elles existent, dans le cas du Québec, pour protéger la langue, les sociétés d’État comme la SAQ, Hydro-Québec, la gestion de l’offre en agriculture.

D’ailleurs, on peut sérieusement se demander si, pour plaire à Trump, Carney ne se serait pas engagé à supprimer la gestion de l’offre en agriculture. Dans un débat entre des représentants des quatre principaux partis politiques à l’émission Zone Économie de Radio-Canada, le ministre des Finances, François-Philippe Champagne, a refusé de s’engager à ce qu’un gouvernement libéral protège l’intégralité de la gestion de l’offre, malgré les appels répétés et insistants à se prononcer clairement de l’animateur Gérald Filion.

Les médias va-t’en guerre

La fièvre guerrière a atteint nos médias. L’éditorialiste en chef de La Presse+, la va-t’en-guerre Stéphanie Grammond, plaide pour une hausse des dépenses militaires qui pourraient atteindre 5 % du PIB.

Le Journal de Montréal a publié, le 5 avril, un dossier de plusieurs pages sous le titre « Les entreprises préparent l’effort de guerre », montrant les appétits des 437 entreprises québécoises œuvrant dans le domaine de l’armement. Selon Justin Massie du Réseau d’analyse stratégique de l’Université du Québec à Montréal, cité par Le Journal, « la guerre tarifaire et la crise économique doivent motiver l’État à changer son fusil d’épaule, car investir dans l’industrie de la défense peut aider à garder l’économie à flot ».

Étant donné l’absence réelle de menaces sérieuses pour le Canada, ne serait-il pas plus approprié d’investir dans l’industrie des véhicules électriques?

Que faire?

Aux élections du 28 avril, la seule alternative pour les nationalistes, les écologistes, les pacifistes et les progressistes est de voter pour le Bloc Québécois. Bien sûr, il y a des prises de position du Bloc avec lesquelles nous sommes en désaccord, mais seul le Bloc peut aujourd’hui faire contrepoids aux Libéraux et aux Conservateurs. Si le NPD occupait, dans les sondages, la position qui est celle du Bloc, nous appellerions à voter pour le NPD.

Aux États-Unis, la représentante Alexandria Ocasio-Cortez (AOC) et le sénateur Bernie Sanders multiplient les assemblées publiques pour préparer l’élection de mi-mandat. Les foules accourent. Des records d’assistances sont battus. Trente-quatre mille personnes à Denver au Colorado, 36 000 à Los Angeles, selon le Guardian du 13 avril. Une mobilisation dont nos médias se gardent bien de faire écho.

Au Québec, nous n’avons pas à attendre deux ans avant d’exprimer politiquement notre opposition au bon ententisme avec le trumpisme. Nous pouvons le faire dès le 28 avril en votant pour le Bloc.