L’auteur est syndicaliste

Le 25 mars dernier, le ministre Girard a déposé son budget 2025-26. Sans grande surprise, nous avons appris qu’on s’en allait collectivement vers un déficit projeté de 13,6 milliards $. Grâce à l’éclipse médiatique, gracieuseté des tarifs douaniers de Trump et de la campagne électorale fédérale, les analyses du budget Girard sont passées sous le radar.

Normalement, l’analyse du budget 2025-26 de la CAQ aurait fait les manchettes. De plus, étant donné que nous sommes à l’aube d’une année électorale, les journalistes et analystes politiques auraient entrepris de faire le bilan des années de gouvernance de M. Legault.

Des questions auraient émergé. Comment pouvons-nous qualifier ces années au pouvoir? Quelles ont été les grandes réalisations de ce gouvernement?

Pour ma part, quand j’analyse la gouvernance de la CAQ, je pars du principe que M. Legault a eu, depuis le tout début, les coudées franches. Il a réussi à deux reprises à faire élire un gouvernement doté d’une forte majorité et il a hérité d’un surplus budgétaire de sept milliards $, laissé par le gouvernement libéral de M. Couillard. Pour un parti politique qui arrive au pouvoir, un gouvernement majoritaire, c’est très bien; un gouvernement majoritaire avec un surplus budgétaire, c’est le Jack Pot!

Bilan de la santé

Où en est-on après sept ans de pouvoir? Concernant la santé, il faut se souvenir qu’on s’était fait promettre que tout irait pour le mieux, que tout le monde aurait accès à un médecin de famille, que les retards en chirurgie et les attentes à l’urgence seraient résorbés. Un monde meilleur, quoi!

Sept ans plus tard, l’accès au médecin de famille a été remplacé par la promesse d’un accès à un professionnel de la santé, qui n’est toujours pas réalisée. Les retards en chirurgie et à l’urgence sont toujours actuels, à la différence que, maintenant, les cliniques privées vivent un Klondike, gracieuseté de la CAQ.

De plus, il faut s’attendre à des coupures dans le réseau, puisque Santé Québec – une structure administrative, créée par le ministre Dubé pour lui servir de paratonnerre en cas de bavure de son ministère ou pour la diffusion des mauvaises nouvelles à sa place – nous a avisés, il y a quelques jours, d’un déficit anticipé de 3,46 milliards $.

La promesse phare de M. Legault, soit la construction de Maisons des ainées (MDA), bat de l’aile. Bien que plusieurs CHSLD aient besoin de réfections majeures, que plus de 3 000 personnes soient en attente d’un hébergement en CHSLD ou en MDA, que plusieurs experts et représentants des personnes ainées affirment qu’il faudrait davantage investir dans le maintien à domicile, le gouvernement Legault privilégie toujours la construction de MDA.

À ce jour, le gouvernement y aurait englouti 2,8 milliards $ pour héberger 3 480 personnes pour un coût moyen par logement de 804 000 $, ce qui est largement au-dessus des prévisions initiales. Par exemple, la MDA de Trois-Rivières, inaugurée il y a quelques semaines, a été livrée avec deux ans de retard et a coûté 90 millions $, plutôt que les 58 millions $ prévus à l’origine.

En plus des retards et des dépassements de coûts, nous avons maintenant un système d’hébergement à deux vitesses. Les personnes chanceuses peuvent résider dans une MDA, soit un total de 3 480 personnes, alors que 39 000 autres vivent en CHSLD.

Les infrastructures

Les infrastructures ne sont pas en reste. On peut dire que c’est un beau fouillis. On a la saga du troisième lien. Après une multitude d’études, ils ont décidé de… construire, ou ne pas construire, un pont, non, un tunnel, avec ou sans transport en commun. On ne sait plus. Une vraie farce qui n’aide en rien à diminuer le cynisme de la population envers l’institution publique.

La reconstruction de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont, promise à deux reprises par la CAQ, n’apparait pas au Plan québécois des infrastructures (PQI 2025). Après un tollé, le ministre Dubé a fini par de nouveau promettre de s’en occuper avant la fin de son mandat. Qui le croit vraiment?

Même manège pour l’hôpital de Drummondville. Tout le personnel soignant, les élus municipaux et la population de la région crient en chœur, depuis déjà quelques années, que leur hôpital est désuet, ne répond plus aux besoins. Résultat, rien de prévu pour eux au PQI 2025.

Le réseau routier n’est pas en reste. On a qu’à penser au projet de 100 km de voie réservée pour le transport en commun sur des artères provinciales et municipales à Québec, qui a été abandonné par la CAQ. Un projet de 850 millions $, qui aurait permis de réduire le temps de déplacement en périphérie du centre-ville de Québec, a disparu, lui aussi, en douce du PQI en 2025.

La liste s’allonge

Le gouvernement Legault a également un bilan mitigé en matière économique. Lui qui se targue d’être un « gouvernement économique » nous a souvent déçus. La filière batteries, qui devait être quelque chose de gros, de très gros, selon les dires de l’ex-ministre Fitzgibbon, ressemble de plus en plus à un pétard mouillé. Surtout depuis la faillite de Northvolt.

Que dire du 500 millions $ de plus que le gouvernement a dû réinvestir dans SAAQclic, de ses chèques électoraux de 400$ et 600$, ainsi que de sa baisse d’impôt, qui prive maintenant l’État québécois de plusieurs milliards de dollars.

Je pourrais également ajouter à la liste la pauvreté, qui ne cesse de gagner du terrain. Les organismes, qui tentent du mieux qu’ils peuvent d’aider les plus démunis, ne cessent de crier à l’aide. Mais le gouvernement ne semble pas saisir l’ampleur du désastre. Qu’un État riche comme le Québec ait autant de pauvreté n’a pas de sens.

C’est surtout un indicateur que la CAQ fait fausse route dans sa lutte contre la pauvreté.

La crise du logement, niée par le gouvernement de la CAQ pendant tout son premier mandat et ensuite admise du bout des lèvres, n’est toujours pas résorbée. Le premier ministre nous dit que la pénurie de logements est en partie due aux immigrants et Mme Duranceau, la ministre responsable, nous jette de la poudre aux yeux en affirmant qu’avec la construction de nouveaux logements, la loi de l’offre et de la demande finira par provoquer une baisse du prix des loyers. Et tout va bien, madame la marquise Duranceau!

Espoirs déçus

À mon avis, ce sont sept années décevantes pour un gouvernement qui, rappelons-le, a eu au départ les coudées franches avec une forte majorité et des finances publiques plus que saines. Je ne dis pas que la CAQ n’a rien fait. Tous les gouvernements prennent des centaines de décisions pendant leur mandat.

Ce que je dis, c'est que la CAQ n’a pas pris les bonnes décisions. Prenons l’exemple du surplus budgétaire, hérité du gouvernement précédent. Tout le monde savait que ce surplus provenait des mesures d’austérité imposées par le gouvernement Couillard. Que ces mesures d’austérité avaient mis à mal les services publics, soit en coupant dans leurs budgets ou encore en retardant la mise en chantier de décisions, comme des rénovations d’infrastructures.

Tout le monde savait qu’il faudrait, après la période d’austérité, combler les manques en ressources humaines et en infrastructures. Le gouvernement Legault a fait fi de cette notion de base. Il a mis en place des projets en fonction de la « vision » que Papa Legault avait pour le Québec, et probablement aussi selon les résultats de la multitude de sondages d’opinion que la CAQ nous a collectivement fait payer. On n’avait pas en s’en faire! Le gouvernement Legault savait ce qui était bon pour nous.

À lire ce que j’écris, vous allez sûrement vous dire que je ne suis pas un grand fan de la CAQ. Et vous n’avez pas tout à fait tort! À vrai dire, ce n’est pas tant que je n’aime pas ce gouvernement, c’est plutôt que je suis déçu. Quand je pense aux sept années de gouvernance du gouvernement Legault avec sa forte majorité et, au départ, un surplus budgétaire de sept milliards $ et que je vois où nous en sommes aujourd’hui, je me dis : Tout ça pour ça! Quel gâchis, quelle occasion ratée de bâtir une société plus juste et plus égalitaire.