Introduction par Gordon Edwards
Jean-Pierre Finet, analyste en régulation économique de l'énergie pour le Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROÉE), signale un article important de Normand Lester - Journal de Montréal.
Gordon Edwards rappelle que le Canada a aidé l'Inde et le Pakistan à développer leur expertise nucléaire, en fournissant aux deux pays des réacteurs canadiens et un savoir-faire en matière de plutonium. En 1974, l'Inde avait fait exploser sa première bombe atomique en utilisant du plutonium provenant d'un réacteur de recherche canadien - un clone du réacteur NRX de Chalk River - offert en cadeau à l'Inde. Le Canada a rompu sa coopération nucléaire avec l'Inde et le Pakistan, car il est rapidement apparu que le Pakistan avait l'intention de développer sa propre capacité d'armement nucléaire. Mais le mal était déjà fait : le Pakistan désormais armé d’une première et seule « bombe islamique » nucléaire.
L'Inde n'a jamais signé le traité de non-prolifération (TNP) et n'a jamais accepté d'arrêter ou de démanteler son arsenal nucléaire. Il en va de même pour le Pakistan. Ce qui n’empêche pas le Canada de vendre de l'uranium et à l'Inde et au Pakistan pour usages non militaires (libérant ainsi d'autres quantités d'uranium pour usages militaires) et maintient l'Inde et le Pakistan comme membres du Groupe des propriétaires de CANDU (COG). De nombreux pays signataires du TNP considèrent que cette situation porte gravement atteinte à l'esprit du traité, puisque l'Inde (et, dans une moindre mesure, le Pakistan) bénéficie des avantages de la coopération nucléaire civile, sans accepter les obligations imposées aux autres nations qui ont volontairement signé le traité de non-prolifération.

Dessin de presse par l’Artiste pour la Paix 2023, Jacques Goldstyn
Voici l’article de M. Lester (English translation by Gordon at the end of this article).
Danger de guerre indo-pakistanaise et nos CANDU
https://www.journaldemontreal.com/2025/04/27/danger-de-guerre-indo-pakistanaise-et-nos-candu
Un individu à double citoyenneté canadienne et pakistanaise vient d’être arrêté aux États-Unis pour avoir tenté d’acquérir de la technologie pour le programme d’armement nucléaire pakistanais et de la faire passer clandestinement par le Canada.
L’affaire est révélée alors que la tension monte entre l’Inde et le Pakistan après le massacre de 26 touristes indiens dans la région contestée du Cachemire. New Delhi accuse le Pakistan d’en être responsable. Ce dernier nie être à l’origine de l’attaque. L’Inde a annexé le Cachemire à majorité musulmane revendiqué par le Pakistan. La Chine est un allié majeur du Pakistan alors que l’Inde entretient des liens étroits en matière de défense avec les États-Unis.
Les accrochages entre les deux armées se multiplient, faisant craindre un conflit militaire de grande envergure. La paix n’est jamais vraiment revenue depuis 1947 lors de la partition, dans la violence, de l’Empire britannique des Indes en deux États indépendants: le Pakistan, à majorité musulmane et l’Inde à majorité hindoue. La guerre de partition religieuse aurait fait entre un et deux millions de morts et entraîné des déplacements massifs de population, entre 12 et 20 millions de personnes.
Bombe A: merci le Canada
L’Inde et le Pakistan se sont déjà affrontés dans deux guerres majeures, en 1965 et 1971, avant de se doter d’armes nucléaires... avec l’aide du Canada. Toute guerre entre eux pourrait donc se transformer en échange nucléaire. Depuis lors, l’Inde et le Pakistan ont connu un accrochage frontalier majeur en 1999, qui a fait au moins 1000 morts.
Après avoir donné en 1956 un réacteur nucléaire à l’Inde, Ottawa a largement subventionné l’achat d’un autre par ce pays en 1963. Dans le cadre de cet achat, le Canada a formé 271 scientifiques, ingénieurs et techniciens indiens, qui ont par la suite développé la bombe atomique de New Delhi.
En 1971, le Canada a construit un réacteur nucléaire CANDU de 137 mégawatts à Karachi au Pakistan. Le contrat incluait également une installation de production d’eau lourde. Trois ans plus tard, en 1974, l’Inde faisait exploser son premier engin nucléaire, surnommé le «Bouddha souriant», en utilisant du plutonium provenant du réacteur offert par Ottawa en 1956.
Selon les experts, les réacteurs canadiens sont idéaux pour produire du plutonium de qualité militaire et Ottawa n’a même pas demandé à l’Inde de se conformer aux garanties exigées par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).
Le Canada se sauve en cachette
Le secrétaire d’État américain Henry Kissinger avait alors vertement critiqué le Canada, déclarant aux médias que l’explosion nucléaire indienne avait été réalisée avec du matériel détourné d’un réacteur canadien dépourvu des garanties appropriées.
Sa culpabilité ayant été révélée au grand jour, le Canada s’est discrètement retiré du projet CANDU indien. Il a aussi cessé de fournir de l’uranium à Karachi, puis s’est également retiré du projet pakistanais. Ce qui n’a pas empêché le Pakistan de procéder à son premier essai nucléaire en 1998. Si l’Inde et le Pakistan se mènent un jour une guerre nucléaire, le Canada devra en assumer – en partie – la responsabilité morale.