Lors de la dernière campagne électorale fédérale, le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, a proposé un plan pour assurer la défense de l’Arctique face aux visées expansionnistes de la Russie et de la Chine. Il promettait de faire construire deux nouveaux brise-glaces, de doubler les effectifs militaires et d’établir une base militaire permanente à Iqaluit.

Le tout serait réalisé très rapidement, promettait-il, et financé à partir des milliards $ que le Canada verse chaque année en aide étrangère. Reprenant la rhétorique de Donald Trump, il a déclaré : « Toutes ces améliorations vont être financées par une réduction importante de l’aide étrangère dont une grande partie va aux dictateurs, aux terroristes et aux bureaucraties mondiales. »

Heureusement, Pierre Poilievre a été battu.

De son côté, le Parti libéral s’est engagé à soutenir les plus pauvres et les plus vulnérables en temps de crise en maintenant le budget d’aide humanitaire internationale du Canada à au moins 800 millions de dollars par année. Ce qui est bien peu, étant donné que le Canada a consacré 6,88 milliards de dollars à l’aide internationale en 2023-2024, comparativement à 8,1 milliards en 2022-2023.

De leur côté, le Bloc québécois et le NPD s’engageaient à porter le financement de l’aide internationale à 0,7 % du revenu national brut du Canada, ce qui doublerait approximativement l’enveloppe actuelle de l’aide internationale. En effet, le Canada consacre actuellement 0,38 % de son revenu national brut (RNB) à l'aide internationale, ce qui est bien en deçà de ses engagements internationaux.

Les conséquences dévastatrices des coupes à USAID

L’un des premiers gestes de Donald Trump, quand il est arrivé au pouvoir, a été de geler le financement de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID). Comme les États-Unis contribuaient pour près de 30 % de toute l’aide internationale, « cette décision a eu des conséquences immédiates et considérables à travers le monde, mettant en péril des millions de vies et compromettant leur santé et leur économie », a dénoncé l’Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI).

« Les impacts sont dévastateurs, en particulier pour les populations les plus vulnérables, notamment en Afrique, l’aide alimentaire pour des milliers de personnes en situation d’urgence humanitaire a été interrompue, des personnes déplacées par les conflits voient leur accès à l’eau menacé et d’autres, atteintes du VIH, ne reçoivent plus de traitement et de médicaments. En Amérique latine, des refuges pour les personnes migrantes, ainsi que pour les victimes de violence sexuelle et de trafic humain, ont dû fermer leurs portes. »

Partout dans le monde, les pays coupent l’aide internationale

En France, le budget de l’aide publique au développement (APD) de 2025 a connu une chute brutale et inédite. L’APD a subi une coupe supérieure à 2,1 milliards d’euros, ce qui représente une diminution de 37 %.

Les moyens du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères sont encore plus affectés et chutent de 41 % par rapport à 2024.

« Cette décision drastique est difficile à accepter face aux besoins massifs de financements pour le développement et alors que la France avait réalisé plusieurs efforts ces dernières années : hausse de l’aide publique au développement et adoption d’une loi de programmation fixant la cible de consacrer 0,7 % du revenu national brut à l’APD… cible initialement projetée pour 2025 », a dénoncé Coordination SUD, une organisation de coordination nationale des ONG françaises de solidarité internationale.

Des coupes même en Suède

Même la Suède a décidé de réduire considérablement son budget d’aide au développement. Le gouvernement actuel, élu en 2022, est le gouvernement le plus conservateur que la Suède ait connu en 100 ans de démocratie. Pour accéder au pouvoir, les trois partis bourgeois traditionnels ont dû signer un protocole avec le parti d’extrême droite, Démocrates suédois (SD).

Ce gouvernement a adopté les politiques typiques de droite : coupes dans les services sociaux, réduction du fardeau fiscal pour les riches, réduction des droits des immigrants et du droit d’asile, et réduction de l’aide internationale. De plus, le ministre de l’Aide internationale est aussi ministre du Commerce extérieur, ce qui a entrainé une restructuration complète de l’architecture de l’octroi des fonds de l’aide internationale.

Les organisations syndicales suédoises ont ainsi perdu le financement public qu’elles recevaient auparavant. Ce qui a eu des conséquences désastreuses pour les organisations syndicales africaines, notamment, qui bénéficiaient d’un appui important des syndicats suédois.

Vers des États généraux québécois de la solidarité internationale

C’est dans ce contexte mondial difficile que l’AQOCI a décidé d’organiser des États généraux québécois de la solidarité internationale, qui se tiendront du 4 au 6 juin 2025 à l’Université de Montréal.

Cet évènement majeur vise à rassembler les actrices et acteurs des organismes de coopération et de solidarité internationales, leurs partenaires et leurs alliés des mouvements sociaux québécois: groupes de défense des droits de la personne, des droits des femmes et de l’égalité des genres, pour la protection de l’environnement, la promotion de la paix, groupes autochtones, le réseau communautaire, les organisations syndicales, les centres de recherche, etc.

L’AQOCI proposera alors une grande réflexion collective sur les enjeux, actuels et futurs, de la solidarité internationale afin de développer une vision commune et proposer des pistes d’action.