Comment le FMI et le G-7 aident les spéculateurs

 


Crise financière brésilienne



L'intervention du Fonds monétaire international au Brésil n'en est pas une comme les autres. En Asie, par exemple, le FMI était venu à la rescousse des pays après le passage du raz-de-marée des spéculateurs.

Le Brésil, lui, au moment du mercredi noir du 13 janvier, était déjà protégé par un plan de sauvetage préventif plutôt que curatif qui avait été approuvé deux mois auparavant. Il s'agissait d'une initiative commune du FMI et des pays du G-7, annoncée par le président Clinton en octobre dernier.

Les leaders du G-7 s'étaient entendus pour aider des pays économiquement en santé à se prémunir contre les dangers de la spéculation monétaire. Le Brésil était le cobaye tout désigné pour les expériences économiques des institutions financières internationales et, à ce titre, il se voyait octroyer un nouveau prêt de 41,5 milliards $.

Bien sûr, en contrepartie de cette générosité occidentale, le pays devait impérativement resserrer son crédit , c'est-à-dire élever ses taux d'intérêts domestiques, et surtout n'exercer aucun contrôle sur les monnaies étrangères afin d'accorder une totale liberté de mouvement aux investissements étrangers.

Fuite de capitaux

Résultats 0 au lieu de protéger le pays contre les razzias des spéculateurs, le prêt a contribué à accélérer la fuite des capitaux du pays.

Selon le professeur d'économie Michel Chossudovsky(1), dans les deux mois de son application (13 novembre - 13 janvier), on estime à 20 milliards $ le montant en devises étrangères qui a quitté le Brésil. Il s'agit à peu près du même montant que celui des coupures budgétaires exigées par le FMI.

Dans les deux première semaines de janvier, nous dit Michel Chossudovsky, 5,4 millions $ sortaient du pays quotidiennement !

La Banque centrale brésilienne a perdu 50 milliards $ au cours des six mois précédant l'effondrement du 13 janvier. Cette somme que se sont appropriée les institutions financières privées équivaut à 6% du PIB du Brésil et a largement suffi à financer le prêt de 41,5 milliards $ accordé à ce pays !

Dévaluation imminente

Dès octobre, le FMI et les pays du G-7 savaient très bien qu'une dévaluation du real brésilien était imminente et que l'accord préventif qu'ils imposaient au Brésil serait mis à profit par les spéculateurs de Wall Street pour accélérer les sorties d'argent du pays. Ils n'ont pas du tout été pris par surprise comme nous l'ont rapporté les médias.

En stabilisant pendant deux mois supplémentaires les taux de change brésiliens, le plan préventif a permis aux spéculateurs d'encaisser 20 milliards $ de plus avant de quitter le navire qui sombrait. Il les a encouragés à le faire en leur garantissant que la Banque centrale aurait toujours des réserves suffisantes pour soutenir sa monnaie.

Il était même prévu que si les réserves de la Banque centrale venaient à s'épuiser, le gouvernement aurait tout de suite accès à la première tranche de 9 milliards $ du plan préventif afin de pouvoir honorer ses contrats en devises étrangères.

De 75 milliards $ qu'elles étaient en juillet 1998, les réserves de la Banque centrale étaient tombées à 27 milliards $ en janvier dernier. La première tranche de 9 milliards $ a donc été accordée, suffisant à peine à éponger la fuite des capitaux d'un seul mois !

Coffres vides

À ce rythme-là, le prêt de 41,5 milliards $ destiné à soutenir la monnaie du Brésil ne peut que finir, après le départ des spéculateurs, par augmenter d'autant la dette du pays en devises étrangères.

En janvier, quand le FMI a finalement approuvé la dévaluation du real, il était déjà trop tard pour la population brésilienne 0 les coffres de la Banque centrale étaient presque vides !

Mais ce n'était pas encore assez. La fuite des capitaux devait continuer même après la crise. C'est pourquoi le plan FMI/G7 prévoyait aussi que le Brésil s'engage à maintenir un plancher minimal de 20 milliards $ en réserves de devises étrangères. Le gouvernement doit donc, encore aujourd'hui après la dévaluation, sans cesse regarnir la Banque centrale en réserves de devises (avec de l'argent emprunté) même s'il sait que cela encourage de nouvelles vagues de spéculations et de fuites de capitaux !

L'Estado de Sao Paolo (21 janvier) nous apprend que, dans la semaine suivant le mercredi noir entre 200 et 300 millions $ s'envolaient encore quotidiennement hors du pays !

Crimes contre l'humanité

C'est dans ce contexte que le pourtant docile directeur de la Banque centrale, nommé le 13 janvier, était à son tour limogé le 2 février et remplacé par Aminio Fraga Neto, un proche collaborateur du spéculateur George Soros !

Enthousiaste, le vice-président du Centre des industries de Sao Paolo, Mario Bernardini, salue cette nomination 0 Il sait, s'écrie-t-il à propos d'Arminio Fraga, comment on joue contre la Banque centrale . Il ne pouvait pas mieux dire !

Michel Chossudovsky, lui, qualifie, l'action du FMI et des pays du G-7 de crimes économiques contre l'humanité .

On ne devrait pas faire, dit-il, comme si les responsables à Brasilia, Washington et New York ne savaient pas. Les autorités monétaires des pays du G-7 et de 14 autres pays ont cofinancé le plan parrainé par le FMI (grâce à la Banque des règlements internationaux). Les gouvernements étaient pleinement conscients des implications de l'accord de prêt du FMI. Ils portent une lourde responsabilité dès lors qu'ils endossent un plan de plusieurs milliards de dollars appauvrissant brutalement la population brésilienne .

Michel Chossudovsky, Brazil's IMF Sponsored Economic Disaster, Deja News Inc., 28 janvier 1999.