Les Journées Sociales du Québec 1999

 


Entrevue avec Guy Paiement



Sous le slogan À nous le Politique , plus de quatre cent cinquante personnes de différents groupes populaires de presque toutes les régions du Québec se sont rencontrées dans la ville de Hull les 7, 8 et 9 mai pour participer à la quatrième Journée sociale du Québec. À cette occasion, nous avons rencontré Monsieur Guy Paiement, président des Journées sociales 1999

Juan José 0 Monsieur Paiement expliquez-nous ce que sont les Journées sociales.

Guy Paiement 0 Les Journées sociales sont un réseau de personnes chrétiennes engagées socialement qui viennent d'à peu près toutes les régions du Québec. Ce groupe-là se rencontre tous les deux ans pour un colloque annuel, sous un thème qu'il choisit et qui a un intérêt commun. Tout a commencé à Québec en 1991. Il y avait eu à cette occasion un grand colloque pour souligner le centenaire de l'encyclique sociale Rerum novarum (ce qui veut dire 0 Les choses nouvelles) et qui rappelait comment les chrétiens devaient s'engager socialement. Après ce colloque, plusieurs personnes se sont dites 0 Pourquoi ne pas se donner tout de suite des moyens avec des groupes populaires, syndicaux, des groupes à l'intérieur de l'Église et des groupes de solidarité internationale, dans une perspective nouvelle à partir de la base de la société civile pour pouvoir comprendre et agir sur des problèmes majeurs de notre société ?

Dans un premier temps, le thème choisi a été La crise du travail et de l'emploi . Donc le slogan Peut-on vivre sans emploi ? Par la suite, au deuxième colloque, qui a eu lieu à Chicoutimi, on a commencé à chercher des pistes et on a été parmi les premiers, à cette époque, à proposer le revenu de citoyenneté, le partage du travail, etc. Les participants sont donc retournés en région et chacun, dans son groupe respectif, a continué sa réflexion. Comme tu peux le voir, les Journées sociales ne sont pas un mouvement mais plutôt un carrefour d'échanges, de réflexions, à partir des réseaux déjà existants.

Juan José 0 Comment se situe aujourd'hui, face au néolibéralisme et la mondialisation, ce groupe de réflexion ?

Guy Paiement 0Évidemment, il faut savoir où l'on se situe et on s'est dit 0 Oui, on se situe dans une perspective différente du néolibéralisme, oui on veut être critique, oui on veut être à contre-courant. Dans cette foulée, on s'est dit que ce serait intéressant de reprendre le collier et de se demander si la société civile n'est pas en train de se découvrir comme celle qui doit reprendre l'initiative sur les différents terrains sociaux, politiques et économiques.. Ce refus d'être encadré, d'être ratatiné par les marchés, ces redécouvertes du citoyen qui n'a pas d'autre choix, dit-on, que de s'adapter à cette nouvelle économie. C'est ça que j'appelle Le grand carrousel de l'économie. Et, malheur à ceux et celles qui ne peuvent pas embarquer dans le carrousel parce qu'ils n'existeront plus socialement.

Juan José 0 Alors qu'est-ce qu'on fait ?

Guy Paiement 0Il faut prendre acte, une fois que l'on a refusé, qu'il y a beaucoup de monde dans notre société qui sont en train de chercher à reprendre du pouvoir sur leur vie, sur leur milieu. On essaie justement de revoir les choses de façon différente et de faire avancer de nouvelles propositions concrètes dans cette perspective. On s'est dit 0 On prend acte du fait qu'il y a une redécouverte chez le citoyen qui ne veut pas se définir comme un simple consommateur et qui veut avoir une prise sur sa vie, son avenir, et dans son milieu. Donc, on prend acte de ce mouvement du réveil du citoyen.

Juan José 0 C'est dans ce sens-là que dans la Déclaration de Hull vous parlez du réveil démocratique de la société civile ?

Guy Paiement 0Exactement. Il faut se situer autrement par rapport au Politique. Il va falloir l'articuler autrement, dans une société civile plus forte et consciente de son pouvoir organisationnel.

Juan José 0 Sous la forme d'une alternative politique, par exemple ?

Guy Paiement 0Tout à fait d'accord. Mais le problème est que l'on n'a pas eu de mouvement de base suffisant pour permettre justement l'avènement de cette forme d'alternative politique proprement dit. Et c'est pour ça que l'on souhaite un nouveau parti politique qui soit capable d'exprimer ce que la société civile porte en elle de différent et d'innovateur. Mais pour ça, il faut que l'on puisse établir une sorte de rapport de force horizontal dans lequel de plus en plus de gens constituent un tissu social différent pour que l'on puisse avoir vraiment un parti qui ne soit pas simplement un groupe d'aventuriers qui veulent se servir du peuple pour obtenir une promotion et un poste politique. Il faut que l'on change vraiment la façon de faire la politique. Il faut aussi que les gens découvrent que la politique commence par Le Politique c'est-à-dire par des gens qui veulent se donner du pouvoir sur leur vie. Ces nouveaux rapports devront être au-delà d'une simple représentation tous les quatre ans. Il faudrait donc que l'on puisse imaginer un parti politique où les arrimages avec la société civile soient plus nombreux qu'une simple représentation.