Résister ou lutter ?

 

Les lecteurs qui ont pris connaissance avec intérêt du Manifeste pour l’humanité trouveront aussi leur compte en lisant L’Essor de nos vies, un ouvrage collectif produit par des étudiants des cycles supérieurs en sociologie de l’UQÀM.

Militants engagés dans l’opération salAMI il y a deux ans, et plus récemment dans la lutte contre l’envahissement de l’université par Coca-Cola l’automne dernier, et dans la grève tenue à l’occasion du Sommet de la jeunesse, ils présentent dans cet ouvrage le fruit de leurs réflexions sur l’université et plus globalement sur la société dans laquelle celle-ci s’inscrit.

Prolongeant à leur manière l’analyse proposée par Michel Freitag dans Le naufrage de l’université, ils font très bien voir que la mutation de cette institution, qui la conduit à troquer l’idéal civilisationnel et éducationnel qu’elle portait historiquement contre une restructuration commandée par la logique néo-libérale qui la voue à devenir une « boîte à cours », n’est pas sans conséquence non plus sur la condition étudiante elle-même. Le passage à l’université, dans cette optique, n’est plus une aventure intellectuelle, une expérience de réflexion dans le dialogue et la discussion, mais l’apprentissage de techniques et de savoir-faire opérationnels directement asservis aux besoins des entreprises qui occupent une place grandissante dans cette institution comme dans l’ensemble de la société.

Les étudiants, désormais, ne sont plus de « jeunes travailleurs intellectuels » en quête d’un savoir disciplinaire élargi, critiques aussi bien à l’endroit de leur formation que de leur futur statut social, mais des « clients » à qui on offre des services à la carte, parcellisés en vue d’une spécialisation étroite, elle-même subordonnée à une logique d’abord économiste.

Face à cette entreprise délibérée d’émasculation professionnelle et sociale, les étudiants sont placés devant une alternative sans échappatoires possibles 0 se soumettre comme le fait malheureusement la majorité d’entre eux, ou résister et lutter comme les auteurs de ce livre en donnent l’exemple par leurs engagements militants et par leurs analyses.

À ce titre, cette contribution, réalisée avec la participation de quelques professeurs eux-mêmes critiques à l’endroit de la dérive de l’institution universitaire, représente un signe encourageant. Elle témoigne que l’apathie et la résignation ne sont pas le lot de tous les étudiants, qu’on doit et qu’on peut toujours affronter aujourd’hui le rouleau compresseur du néolibéralisme et des puissances économiques et politiques qui en font la promotion à l’université comme dans l’ensemble de la société.

L’Essor de nos vies, parti pris pour la sociétém et la justice

Collectif étudiant UQÀM

Lanctôt éditeur, avril 2000, 164 p.