Un revenu de citoyenneté de 12 500 $ par personne

 

Au cours de sa tournée de promotion du Manifeste pour un revenu de citoyenneté, qui l’a mené aux quatre coins du Québec, Michel Chartrand se fait régulièrement poser deux questions 0 « Quel sera le montant du revenu de citoyenneté ? » et « Combien ça va coûter ? » La première lui est posée par les pauvres, la deuxième par ceux qui pensent qu’on va leur refiler la facture. Au cours de l’été, Michel a travaillé avec le fiscaliste Sylvain Charron à « chiffrer » le revenu de citoyenneté. Ils nous présentent un bref condensé du résultat de leurs recherches. Mais, d’abord, à l’aide de statistiques percutantes, ils nous rappellent que la croissance économique n’a rien réglé au problème de la pauvreté.

Un revenu de citoyenneté distribué à tous les citoyens du Québec de façon égalitaire et inconditionnelle pourrait permettre d’atteindre l’objectif de pauvreté zéro fixé par des intervenants des milieux populaires lors du dernier Sommet socio-économique.

Le revenu de citoyenneté pourrait remplacer entièrement ou partiellement les programmes de sécurité du revenu existants qui prévoient des niveaux de prestation inférieurs au seuil de pauvreté.

Premièrement, les programmes de sécurité du revenu universels.

Deuxièmement, les programmes d’assistance sociale, soit l’aide sociale, le supplément de revenu garanti, l’aide au logement, l’allocation unifiée pour enfants, le programme de prêts et bourses, etc.

Troisièmement, les programmes d’assurances sociales (partiellement), soit l’assurance-emploi, le Régime des rentes, etc.

Étant donné que les régimes d’assurance sociale sont liés aux gains de travail antérieurs, leur abolition et leur remplacement par une allocation universelle, même de niveau suffisant, feraient en sorte que plusieurs individus subiraient des diminutions importantes de leur revenu. C’est pourquoi la majorité des propositions d’allocation universelle prévoient le maintien des principaux programmes d’assurance sociale tels le Régime d’assurance-emploi, le Régime des rentes et le Régime d’indemnisation des accidents de travail et des maladies professionnelles.

Quatrièmement, diverses mesures fiscales assimilables à des programmes de sécurité du revenu tels les crédits d’impôt personnels pour conjoints et pour enfants, le crédit d’impôt pour soutien familial, le crédit pour la TPS, etc.

Le seuil du revenu de citoyenneté

La population du Québec en date du 1er juillet 1999 était de 7345 390, et elle se répartissait comme suit1 0

De ce nombre, un total de 5 502 400 ont produit une déclaration d’impôt pour l’année 19972. La répartition selon la tranche de revenu donne le résultat reproduit au tableau ci-dessous.

De façon similaire à la prestation de la sécurité de la vieillesse, le revenu de citoyenneté serait récupéré en partie ou en totalité lorsque le revenu total de la personne dépasserait un certain seuil. Pour les fins de nos calculs, les contribuables dont les revenus excèdent 50 000 $, soit plus de 540 000 personnes, seront assujettis à une récupération du revenu de citoyenneté par le biais du régime fiscal.

Ainsi, il y aurait donc environ 6 805 390 (soit 7 345 390 – 540 000) personnes admissibles au revenu de citoyenneté. Pour les fins de nos calculs, le nombre de personnes admissibles est arrondi à 6 800 000.

L’économie des coûts de programmes et des dépenses fiscales, basé sur les résultats de l’année 1999, se chiffre à environ 90 milliards de dollars.

Abolition des programmes ( Québec ) 0 14 milliards 309 millions $

Abolition des programmes ( Fédéral ) 0 11 milliards 649 millions $

Abolition de dépenses fiscales ( Québec ) 0 29 milliards 275 millions $

Abolition de dépenses fiscales ( Fédéral ) 0 29 milliards 276 millions $

Total 85 milliards de dollars

Ces 85 milliards $ divisés par 6,8 millions de personnes donnent un revenu de citoyenneté de 12 500 $ par personne. Ce montant serait versé à toutes les personnes, y compris aux enfants de moins de 14 ans. C’est ainsi qu’une femme mono-parentale avec deux enfants recevrait 37 500 $ (soit 3 X 12 500 $). Rappelons que le revenu de citoyenneté est inconditionnel ; ainsi, deux personnes habitant le même logement recevraient chacune le montant intégral.

Bien entendu, il ne s’agit ici que d’une première ébauche. On pourrait, par exemple, décider d’un montant moindre pour les enfants de moins de 14 ans, ce qui permettrait d’augmenter l’allocation pour le reste de la population.

Un montant de 16 500 $ est possible

La présente estimation du revenu de citoyenneté ne tient aucunement compte de l’accroissement économique que provoquerait l’entrée en vigueur de cette mesure. Car, en augmentant les revenus des plus pauvres, il y aurait une augmentation des dépenses pour les biens premiers, ce qui stimulerait d’autant l’économie.

Le revenu de citoyenneté calculé précédemment peut donc être majoré substantiellement pour tenir compte des économies et des rentrées fiscales des gouvernements.

L’atteinte d’un revenu de citoyenneté équivalent au seuil de la pauvreté d’environ 16 500 $ par personne n’est donc pas aussi utopique qu’on veut bien nous la faire croire.

Le pays s’enrichit, les pauvres s’appauvrissent

Depuis le milieu de la décennie des années 1990, les données macro-économiques ne cessent de démontrer une croissance de tous les indicateurs économiques. Que ce soit le PIB, le niveau des investissements ou la baisse du taux de chômage, tous indiquent que l’économie bat à plein régime. Une telle situation engendre des profits sans précédent pour les entreprises canadiennes. Le rendement moyen du TSE 300 de la Bourse de Toronto qui dépasse les 15 % depuis 1995 en est un exemple éloquent. Mais toute cette richesse a profité à une minorité, comme le démontrent les dernières statistiques sur la pauvreté au Canada 0

La majorité des personnes pauvres doivent vivre avec des milliers de dollars de moins que le seuil de pauvreté. De fait, le nombre de personnes ayant un revenu inférieur à 50 % du seuil de pauvreté a augmenté de façon très appréciable depuis quelques années 0 de 143 000 familles et 287 000 personnes seules en 1989, ces nombres atteignaient 277 000 familles et 456 000 personnes seules en 1997;

Les taux de pauvreté des mères seules et de leurs enfants demeurent terriblement élevés et témoignent malheureusement de l’échec de la résolution adoptée en 1989 par la Chambre des communes visant à éliminer la pauvreté chez les enfants d’ici la fin du siècle. Le taux global de pauvreté des mères seules de moins de 65 ans ayant des enfants de moins de 18 ans s’établissait à 57,1 % en 1997 et celui des mères seules de moins de 25 ans était de 93,3 %;

Chez les jeunes de moins de 25 ans, les taux de pauvreté, qui étaient déjà trop élevés au début de la présente décennie, ont continué d’augmenter. Ainsi, le taux de pauvreté des familles dirigées par une personne de moins de 25 ans est passé de 28 % en 1989 à 43,6 % en 1997, et celui des personnes seules de moins de 25 ans, de 47,8 % en 1989 à 58,2 % en 1997.

Âge nombre

0 à 14 ans 1 336 151

15 à 19 ans 486 605

20 ans et plus 5 522 634

Total 7 345 390

Tranche de revenu Nombre de déclarants En pourcentage

Moins de 10 000$ 1 414 980 25,7

10 000-19 999$ 1 451 345 26,4

20 000-29 999$ 995 678 18,1

30 000-39 999$ 678 428 12,3

40 000-49 999$ 421 794 7,7

50 000-59 999$ 256 809 4,7

60 000-69 999$ 138 302 2,5

70 000-79 999$ 57 882 1,1

80 000 et plus 87 182 1,6

1 Gouvernement du Québec, Institut de la statistique du Québec Population par année d'âge et par sexe, 25 février 2000.

2 Gouvernement du Québec, Institut de la statistique du Québec Répartition des particuliers bénéficiaires d'un revenu, selon la tranche de revenu, Québec 1997, 17 décembre 1999.