Les nouvelles présences militaires américaines en Amérique latine

 


Déménager et rester là



Tout au long de 1999, Washington a dû abandonner ses nombreuses installations militaires au Panama. Mais d’importantes composantes des bases panaméennes ont déménagé ailleurs dans les bases toujours actives des Caraïbes ou d’Amérique Centrale. De plus, un nouveau concept, les FOL, permet une présence américaine plus mobile que les bases traditionnelles.

J'usqu’au début de 1999, le Panama comprenait neuf sites militaires américains d’importance 0 Fort Clayton, Fort Sherman, Fort Kobbe, Rodman, Galeta, Pina, Balboa West, Empire et Howard.

Fort Clayton, situé à l’entrée Pacifique du canal de Panama, abritait les quartiers généraux de l’USARSO (US Army South) –l’armée du Commandement Sud des États-Unis (US Southern Command) – et de ses « Opérations spéciales » logées dans un quartier appelé Corozal.

Fort Sherman était situé sur la côte atlantique du Panama. Depuis 1951, plus de 9 000 militaires américains et latino-américains y étaient entraînés annuellement aux techniques de guerre et de survie dans la jungle.

Fort Kobbe était aussi situé à l’entrée Pacifique du canal. Il accueillait trois unités de l’USARSO dont le 228e régiment d’aviation qui compte la plupart du matériel aérien de l’Armée Sud.

« Top secret »

Depuis 1943, la base navale Rodman logeait une partie de la Flotte américaine de l’Atlantique et l’École d’entraînement au maniement et à la technique des petites embarcations (NAVSCIATTS). Avec la fermeture de la base, les activités navales américaines en Amérique latine seront désormais coordonnées à Norfolk, en Virginie.

Galeta (situé sur l’île de Galeta à l’entrée Atlantique du canal) était spécialisé dans la surveillance satellite et les renseignements secrets. Sa mission réelle demeure « top secret », même si l’unité qu’il abritait a été dissoute en 1995.

Les bases Pina, Balboa West et Empire étaient des « rampes de tir » et de tests de munitions. Les Américains ont rétrocédé des terrains couverts d’engins non explosés (ayant tué, au cours des décennies, au moins un soldat américain et 24 panaméens) et contaminés par des produits hautement toxiques, tels le gaz moutarde, le sarin, le phosgène et l’herbicide Agent Orange.

Deux mille décollages quotidiens

La base aérienne Howard, « joyau » des installations militaires américaines au Panama, date de 1939. Elle abritait la 24e Aile des Forces aériennes ainsi que les opérations de lutte antidrogue des États-Unis. Au cours des années 1990, plus de 2 000 appareils décollaient quotidiennement de Howard.

Les planificateurs de la défense avaient espéré conserver cette base après 1999, mais les négociations, entamées dès 1993 avec le Panama, ont échoué. Le 1er mai 1999, les activités antidrogue de la base de Howard déménageaient à Key West (Floride).

Les bases panaméennes fermées, les États-Unis conservent aujourd’hui Guantanamo (Cuba), Soto Cano (Honduras) et de nombreux sites à Porto Rico. Ils ont aussi 17 stations radar en territoire latino-américain et trois « postes d’opérations avancés ».

Guantanamo, une présence humanitaire

Guantanamo, base navale depuis 1903, se trouve dans une région isolée de la pointe sud-est de Cuba. Le bail est perpétuel et la base assure, selon son site web, un « support logistique aux opérations dans les Caraïbes et aux entraînements à des opérations humanitaires ». Elle n’a recueilli aucun effectif en provenance du Panama.

La base aérienne Soto Cano (située près de Comayagua) appartient au Honduras et les Américains la partagent avec l’Académie hondurienne des forces aériennes. Depuis 1983, elle abrite le « Comité Conjoint Bravo » qui a aidé les tortionnaires de l’Amérique centrale tout au long des guerres civiles des années 1980. Elle a recueilli, l’an dernier, le 228e régiment d’aviation de Fort Kobbe au Panama.

Selon la constitution du Honduras, toute présence étrangère permanente est interdite dans le pays et un accord comme celui-là peut être abrogé en tout temps après un court préavis.

L’honneur douteux d’héberger la plus forte concentration de forces militaires américaines de l’Amérique latine revient maintenant à Porto Rico. Plus de 16 000 militaires y sont stationnés principalement dans les bases de Fort Buchanan, Roosevelt Roads et Vieques.

Porto Rico si !

Fort Buchanan, situé sur une colline dans la capitale San Juan, vient de recevoir les quartiers généraux de l’USARSO localisés auparavant à Fort Clayton.

La base navale Roosevelt Roads, à la pointe est de Porto Rico (près de Ceiba), a accueilli les quartiers généraux des opérations spéciales du Commandement Sud (eux aussi anciennement à Fort Clayton) ainsi que d’autres éléments en provenance du Panama.

Vieques occupe les deux tiers de l’île du même nom tandis que l’autre tiers est habité par des civils portoricains. Le 19 avril 1999, une bombe d’exercice perdue tuait un civil, et la population (dont les protestations durent depuis les années 1940) exige maintenant la fermeture de la base.

Plusieurs autres installations militaires portoricaines dont Isla Grande, Borinquen et Muniz ont hébergé une partie des équipements et effectifs de Howard. De plus, Washington construit des installations radar ultra puissantes (capables de détecter jusqu’en Amérique du Sud) à Fort Allen (centre de Porto Rico) et à Vieques.

La multinationale des radars

Dix-sept stations radar observent officiellement les vols de contrebande de drogue. Trois d’entre elles sont au Pérou (Iquitos, Andoas et Pucallpa) et trois en Colombie (San Jose del Guaviare, Marandua et Leticia). La Maison Blanche recommandait récemment la construction d’un quatrième radar en Colombie (Tres Esquinas).

Les autres opèrent à partir d’un réseau des Forces aériennes américaines dispersé dans six « pays des Caraïbes », dont la Colombie avec deux stations le long de sa côte Caraïbes (Riohacha et San Andres).

Les « postes d’opération avancés » (en anglais, FOL, c’est-à-dire « Forward Operations Locations ») sont destinés à remplacer les installations antidrogue de la base de Howard.

Il s’agit d’aéroports, possédés et administrés par les pays hôtes, auxquels ont accès en tout temps les avions américains en mission « antidrogue ». Un personnel américain réduit (entre 200 et 300 militaires, agents de la DEA, douaniers, etc.) est sur place pour aider les avions américains (entre cinq et dix) et coordonner les renseignements obtenus.

Washington a décidé de créer trois FOL, un dans les Caraïbes, un en Amérique centrale et un en Amérique du Sud.

Pour les Caraïbes, Washington a obtenu des Pays-Bas les aéroports Reina Beatrix (Aruba) et Hato (Curaçao) dans les Antilles néerlandaises. L’accord est « exploratoire » jusqu’au 13 septembre.

Pour l’Amérique du Sud, les Américains viennent d’arracher pour dix ans l’aéroport de Manta (Équateur) situé à 210 milles de la Colombie et cela, malgré l’état de total délabrement de ses installations.

Quant à l’Amérique centrale, des négociations se poursuivent avec le Costa Rica pour l’aéroport Liberia.

Bien que motivés par la lutte antidrogue, les FOL et leur budget ne relèvent pas de la DEA mais des Forces aériennes et de la Marine américaine !