«Tout est sur la table, surtout la privatisation »

 


La commission Clair



« La commission Clair a la prétention de traiter de toute la santé, mais elle ne regarde que la relation médecin-malade », affirme Jacques Létourneau, du CCMM (Conseil Central du Montréal Métropolitain). « Elle ne met pas le doigt sur les vrais problèmes de l’augmentation des coûts de la santé. On dirait qu’il y a un plan de privatisation derrière tout ça et je ne crois pas que ce serait bénéfique pour la population. »

En effet, lorsqu’on sait qu’entre 1985 et 1997, les dépenses privées de santé au Québec sont passées de 21,2 % à 32,2 % (une augmentation de 52%) alors que la qualité des soins fournis aux citoyens a considérablement diminué, il y a de quoi douter. Parallèlement, on note depuis 1993 une diminution du budget consacré aux établissements de 14,2 % alors que les médecins et les médicaments se voient allouer une augmentation respective de 11,2 % et 38,1 %.

Le vieillissement n’est pas en cause

Marie Pelchat, porte-parole de la Coalition Solidarité Santé, croit que c’est un mensonge de faire porter le chapeau des problèmes actuels sur le dos du vieillissement de la population. « Le gouvernement a coupé un milliard $ dans le réseau, puis il l’a réinvesti 0 800 millions pour les médicaments et 200 millions pour les médecins. Ce n’est pas vrai qu’il n’a pas d’argent; il choisit simplement ses priorités. »

Comme le souligne un bulletin spécial de la Coalition, la Suède et le Danemark ont atteint un taux de vieillissement que le Québec connaîtra dans quinze ans. En 1999, selon l’OCDE, le PIB consacré à la santé était de 13,9 % aux États-Unis, 9,2 % au Canada et 8,6% en Suède. Pourtant, la Suède a un système de santé public à 83,3% tandis qu’il n’est que de 69,8 % au Canada et 46,4 % aux États-Unis. Le système de santé suédois est-il au bord de la faillite? Absolument pas.

Le problème central, selon Marie Pelchat, est celui des médicaments. « La commission Clair surévalue le vieillissement de la population et sous-estime l’impact du coût des médicaments », affirme-t-elle. « Il y a des mesures fiscales très favorables à l’industrie pharmaceutique au Québec et le gouvernement paie le prix fort pour l’achat de médicaments qui ne sont pas toujours indispensables. »

Les compagnies d’assurance empochent

Un autre mythe que la Coalition Solidarité Santé tente d’éliminer est celui qui veut que le Québec dépense trop dans la santé. En 1997, le Québec dépensait

1 604 $ par habitant au secteur public, soit la somme la plus faible au Canada, bien loin derrière la moyenne de 1 802 $ par habitant. En 1993, les dépenses québécoises étaient de 1 736 $ par habitant, ce qui constitue une chute de financement de l’ordre de 7 % en quatre ans pour le public, pendant que les coûts au privé (ceux que vous payez en souscrivant à une assurance privée) augmentaient de 10%, passant de 622 $ à 683 $.

L’augmentation des dépenses privées va directement dans les poches des compagnies d’assurances privées, comme la Great West co. de Paul Desmarais (qui possède également La Presse) ou encore chez les assurances personnelles Desjardins (Desjardins est l’un des principaux bailleurs de fonds du journal Le Devoir). Faut-il s’étonner alors que les vraies questions ne soient pas posées dans les principaux médias ?

Selon Marie Pelchat, toute cette commission n’est qu’une mascarade. « La commission a des commandes claires du gouvernement. Elle sert à préparer les gens à un plus grand rôle du privé et à revoir le rôle de l’État, ce qui est exactement conforme aux “ recommandations ” de la Banque mondiale. » (voir encadré)

Le PQ continue son virage amorcé en 1996 avec la commission Arpin qui affirmait 0 « Tout est sur la table, sauf un système à deux vitesses. » La seule différence, c’est qu’aujourd’hui ce système à deux vitesses existe bel et bien par la sous-traitance ou par de nombreux traitements offerts par le privé. Alors, lorsqu’aujourd’hui on affirme que « tout est sur la table, sauf la privatisation », comment y croire ?

La Banque mondiale a émis des « recommandations » pour les États désireux de privatiser des services publics dans un rapport publié en 1997 s’intitulant 0 L’État dans un monde en mutation. Ces méthodes sont celles du défaut de ressources, de la déréglementation, de la décentralisation, de la privatisation pure et simple et de l’économie sociale. Elles ont toutes comme finalité de transférer un secteur appartenant à la collectivité vers des intérêts privés. Dans le secteur de la santé, le Québec utilise toutes ces méthodes !