L'immortalité du théâtre

 


Jean-Louis Millette, Portrait d'un comédien



Pour un intervieweur, Jean-Louis Millette n'a jamais été un client facile à harponner. « Les gens qui veulent me connaître n'ont qu'à venir me voir au théâtre, où j'essaye d'être le plus impudique possible », rappelle-t-il matoisement à Daniel Pinard qui signe ces entretiens. Le comédien ne se défile pas devant les questions à caractère intime, il conteste leur pertinence. Les rencontres qui ont changé sa vie sont celles qu'il a faites au théâtre. « Sans Sutto, Buissonneau ou Brassard, je ne serais pas le même ! »

La vraie vie n'est pas l'endroit mais l'envers du théâtre. Millette sait d'expérience que sur scène comme dans la vie, personnages ou personnes se révèlent souvent moins par le sens de leurs paroles que par leurs façons de les dire. Là où le comédien n'a d'autre choix que de travailler à partir des répliques, il ne faut pas perdre de vue que le personnage, lui, y a abouti. « Chaque fois donc il faut réinventer le texte, et retrouver, par l'intérieur, une respiration qui s'accorde avec la pulsion de ce que l'auteur propose. »

Lorsque la symbiose est quasi parfaite, cela donne l'interprétation de Gaston Talbot par Millette, dans The Dragonfly of Chicoutimi de Larry Tremblay, ou celle de Philippe Couture dans L'héritage, le téléroman de Victor-Lévy Beaulieu. « Si tu savais Lévy, lui a un jour écrit son interprète, ce que c'est difficile d'avoir l'air de ne rien faire, de paraître à son aise, de s'amuser à faire croire que c'est vrai. »

Pour un comédien, il n'y a pas de vérité plus « vraie » que celle de l'acteur. Et c'est à celle-là même que la critique italienne a rendu hommage lors du passage de Jean-Louis Millette à Rome. «Dans The Dragonfly of Chicoutimi, pouvait-on lire dans l'Humanita, il nous a donné la possibilité de croire à l'immortalité du théâtre. » C'est nous enlever les mots de la bouche, comme on dit.

Jean-Louis Millette, Portrait d'un comédien, Daniel Pinard, Trois-Pistoles, 2000