« C’est une décision politique », nous dit Luc Desnoyers, directeur québécois des TCA

 


Fermeture de GM



« C’est dévastateur ! C’est au moins 9 000 emplois ! C’est tout un pan de l’économie québécoise qui disparaît ! », de nous dire Luc Desnoyers à propos de la fermeture de l’usine de General Motors à Boisbriand. « Le pire, ajoute-t-il, c’est que le fédéral n’a rien fait ! »

« Chrétien n’a rien fait ! Le caucus libéral du Québec n’a rien fait ! Le ministre Gagliano n’a rien fait ! Tous ont refusé de nous rencontrer », raconte un Luc Desnoyers déchaîné.

Pour lui, aucun doute possible, le dossier de la fermeture de GM est un dossier éminemment politique. Il ne se satisfait pas des explications purement économiques de faiblesse du marché, de concurrence.

Protectionnisme américain et lobby ontarien

Au premier chef, il y a le protectionnisme américain. « On parle de libre-échange entre le Canada et les États-Unis mais, dit-il, il ne faudrait pas oublier le Buy American Act qui exige parfois jusqu’à 60 % de fabrication américaine dans certains produits qui bénéficient de subventions gouvernementales. »

Si les Américains sont les premiers servis, le Canada anglais est le deuxième à passer à la table.

« Il y a 14 usines en Ontario et une seule au Québec, et c’est cette dernière qu’on ferme ! » raconte un Luc Desnoyers qui ne décolérera pas tout au long de l’entrevue. « Chrétien connaît très bien Mme Kempston Darkes, la p.-d.g. de GM. Il aurait pu intervenir en faveur du Québec. Mais non ! Il a plié devant le lobby ontarien ! »

Il n’y a pas de lobby québécois

Mais où était le lobby québécois ?, pourrait-on se demander. Pour Desnoyers, il n’y a pas vraiment de lobby québécois. « On a déjà rencontré, raconte-t-il, Jacques Bougie l’ancien p.-d.g. de l’Alcan pour lui demander de faire du lobby, comme les Ontariens le font, dans le but d’attirer des entreprises de transformation de l’aluminium au Québec. Sais-tu ce qu’il nous a répondu ? Nous ne faisons pas de lobby, on vend de l’aluminium ! »

« On leur a donné de grasses subventions, on leur a presque donné l’électricité, on a payé la formation des ouvriers, tout ça pour voir GM mettre la clef dans la porte », poursuit Desnoyers. « On revient à une situation où l’industrie lourde est toute concentrée en Ontario, alors que le Québec doit se contenter des secteurs mous », enchaîne-t-il.

Québec, à la croisée des chemins

Avec la fermeture de GM, c’est une page de l’histoire économique du Québec qu’on tourne, mais en revenant en arrière. Surtout, si on ajoute à cela les nouvelles pratiques de l’Alcan qui semble trouver plus payant d’exporter de l’électricité aux États-Unis que de produire de l’aluminium ! (Voir article en page 5.)

Le Québec va se retrouver à la croisée des chemins. Ou bien il s’en remet aux forces du marché – qui ne sont souvent rien d’autre que les forces des lobbies américains ou ontariens – ou bien il compte sur ses propres forces.

Le Québec pourrait tirer profit de son potentiel hydro-électrique pour développer le transport ferroviaire inter-cité ou encore le transport par tramways ou trolleybus dans les villes. Des modes de transport que les pays européens ont développé pour compenser l’absence de ressources pétrolières.

Le Québec pourrait également remettre sur les planches à dessin la voiture électrique à moteur-roue développée par des ingénieurs d’Hydro-Québec.

Le premier ministre Landry a évoqué des projets dans ce sens.

Mais aller de l’avant dans cette direction serait interprété comme une déclaration de guerre par les constructeurs d’automobiles nord-américains et les compagnies pétrolières. Nul doute que les travailleurs de GM et l’ensemble de la classe ouvrière du Québec s’enthousiasmeraient pour une telle approche. Mais il n’est pas évident que nos dirigeants politiques soient prêts à assumer un tel leadership.