Se débarrasser de Chavez avant le 1er janvier

 


Ordre du jour de l’opposition au Venezuela



Au cours des dernières semaines, les tentatives de l’opposition anti-Chavez pour semer le chaos dans le pays ont redoublé d’ardeur, motivées par deux événements fort différents0 le refus de la Cour suprême du Venezuela de juger les auteurs du coup d’État d’avril dernier et l’élection, le 27 octobre, de Luis Inacio Lula da Silva à la tête du géant et voisin brésilien.

Selon le vétéran journaliste portugais de gauche, Miguel Urbano Rodrigues (1), les deux événements majeurs de l’été en Amérique latine ont eu lieu à 24 heures d’intervalle. L’un en Colombie et l’autre au Venezuela.

Le 7 août, Alvaro Uribe Velez est assermenté à la présidence de la Colombie, protégé par un cordon de 20 000 soldats et policiers survolé par des avions de combat et des hélicoptères quadrillant le ciel de Bogota. Pourtant, la guérilla des FARC réussit une spectaculaire opération. Des roquettes et des mortiers explosent en plein centre de la capitale atteignant le siège administratif du gouvernement, le collège militaire des cadets et, à quelques mètres de la cérémonie d’investiture qui a lieu au Congrès, une aile du palais présidentiel.

Des proches du président révéleront ensuite à la presse colombienne que Uribe avait paniqué en apprenant que le palais présidentiel avait été touché.

Le lendemain, à Caracas au Venezuela, la Cour suprême de justice refuse le jugement en cour martiale pour rébellion de quatre haut gradés militaires ayant participé au coup d’État raté contre le président Hugo Chavez, en avril dernier. Il s’agit des généraux Efrain Vasquez et Pedro Pereira de même que des amiraux Hector Ramirez Perez et Daniel Comisso Urdaneta.

Le glas de la paix

Le journaliste Urbano conclut que ces deux événements montrent « les illusions de ceux qui croient encore qu’on peut révolutionner la société en passant par les canaux institutionnels ». Comparé au coup d’éclat militaire des FARC, dit-il, le « verdict de Caracas sonne partout en Amérique latine le glas de la voie pacifique ».

Mais il faut croire que la population du Brésil n’a pas lu l’actualité avec les mêmes lunettes, elle qui vient de donner un sérieux appui à la révolution bolivarienne de Hugo Chavez en choisissant comme président l’ex-ouvrier en métallurgie Luis Inacio Lula da Silva.

Les mois de novembre et janvier seront durs pour le président Chavez puisque l’opposition, auto-proclamée « société civile », aimerait bien se défaire de lui avant que « Lula » n’entre en fonctions le premier janvier prochain.

Harcèlement médiatique

En fait, depuis le coup d’État raté, l’opposition, grâce à la collaboration des grands médias privés, n’a pas cessé de s’en prendre au président, ridiculisant les moindres de ses faits et gestes et accordant toute la couverture imaginable aux événements et arguments des anti-Chavez.

Au mois d’août, le verdict de la Cour suprême envenime encore les choses. Dès l’annonce de celui-ci, les partisans de Hugo Chavez, réunis dans le Mouvement pour la Ve République, descendent nombreux dans les rues de Caracas pour exiger le jugement des coupables et une enquête de la Cour suprême elle-même.

Des heurts se multiplient avec la police métropolitaine dont les dirigeants, hostiles au gouvernement, sont accusés de provoquer les partisans du président et d’attiser une violence semblable à celle d’avril dernier où, deux jours avant le coup d’État, 19 personnes avaient perdu la vie.

Impunité des putschistes

De leur côté, les opposants interprètent le verdict et aussi le fait que, quatre mois après le coup, personne n’ait encore été traduit en justice, comme un feu vert à poursuivre leur tactique d’usure visant par tous les moyens à semer le désordre dans le pays en espérant une réaction de l’armée.

Si bien qu’en septembre, les manifestations exigeant la démission du président se multiplient. Les 4 et 5, la Garde nationale emploie des gaz lacrymogènes et des matraques électriques pour disperser les anti-Chavez. Le 11 septembre, les opposants bloquent les principales autoroutes du pays pendant des heures.

Pourtant, deux jours plus tôt, le président Chavez avait dit à des représentants de l’ONU venus en « médiateurs » qu’il existait un moyen simple et démocratique de raccourcir son mandat0 En effet, la nouvelle constitution permet la tenue d’un référendum à mi-mandat du terme d’un président si un nombre suffisant de citoyens le demandent.

Solution finale

Le problème est que la mi-mandat du président Chavez arrive en août 2003 et que c’est trop tard pour l’opposition comme le montrera une perquisition effectuée le 4 octobre par des agents de la police politique (DISIP) et des services secrets (DIM) vénézuéliens au domicile de Enrique Tejera Paris, ex-ministre des Affaires étrangères du second gouvernement de Carlos Andres Perez (1989-93).

Selon le réseau national « Venezolana de television », on aurait saisi une carte sur laquelle étaient marqués les emplacements stratégiques de la ville accompagnée d’annotations telles « chaos », « saccages », « solution finale » et « prise de Miraflores » (le palais présidentiel).

Le président Chavez lit à la télévision un tract des opposants appelant son éviction du pouvoir avant le 6 octobre, jour des élections brésiliennes, soit avant « que le communisme ne règne en Amérique latine ».

L’agence BBC News (6 octobre) avance que plusieurs des anciens officiers militaires ayant participé au coup du mois d’avril étaient impliqués dans cette nouvelle conspiration.

Démonstrations de force

Le 10 octobre, quelques jours après l’annonce d’un second tour d’élections au Brésil, près d’un million d’opposants marchent dans Caracas lors d’une symbolique « prise de la capitale » pour exiger la démission du président.

Les discours clôturant la manifestation montrent l’urgence d’en finir qui anime les orateurs. Ceux-ci donnent jusqu’au 16 octobre à Hugo Chavez pour démissionner à défaut de quoi, disent-ils, ils déclencheront une grève générale illimitée à partir du 21.

Le 13 octobre, c’est au tour des partisans du président Chavez de manifester. Ils réunissent à Caracas plus du double de manifestants que ne l’avait fait l’opposition trois jours plus tôt.

Une semaine plus tard, le président Chavez révélait que des agents de sécurité avaient fait avorter une tentative visant à abattre l’avion qui le ramenait d’un voyage en Europe. Un groupe d’hommes armés de bazookas aurait été intercepté à l’aéroport Maiquetia avant de réussir à s’enfuir en laissant derrière eux un agenda contenant des noms et numéros de cellulaires de « conspirateurs civils et militaires » (BBC, 20 octobre).

Devant cet échec et le quasi-fiasco de la grève générale du 21, quatorze officiers militaires de haut rang occupent maintenant la Plaza Francia à Caracas après avoir expliqué à la télévision qu’ils ne reconnaissaient plus le gouvernement Chavez et que leur « sit-in » est un geste de désobéissance civile. Depuis, ils ont été rejoints par une centaine de civils et militaires.

« L’espoir a vaincu la peur » – Lula

Dès le premier janvier prochain, le Parti des travailleurs de Luis Inacio Lula da Silva gouvernera le plus grand pays d’Amérique latine et l’une des dix plus grandes économies du monde.

« Lula », qui avait reçu lors du premier tour deux fois le pourcentage de votes de son principal adversaire, le candidat Jose Serra du parti de centre-droite de l’actuel président Fernando Henrique Cardoso, a récolté 61,31 % des voix au second tour pour remporter facilement la victoire.

En plus de voter à 76 % en faveur de partis de gauche ou de centre-gauche au premier tour, la population brésilienne a donné 52 millions de votes à son nouveau président au second tour, soit plus qu’à tout autre dans l’histoire du pays !

Le Parti des Travailleurs a aussi remporté vingt-quatre des vingt-six États que compte le Brésil. Au moment d’écrire ces lignes, il n’avait perdu que l’État de Sao Paolo (le plus peuplé et le plus riche du pays) tandis que le Rio Grande do Sul était toujours l’objet de contestation.

« L’espoir a vaincu la peur », a lancé « Lula » après son élection. « Peur des drapeaux rouges de notre parti, ensuite, peur des barbes et bien d’autres peurs encore ». Ces « autres peurs » incluaient sans doute celles des marchés financiers et de leurs porte-parole qui, depuis un an, prédisent une catastrophe économique si la gauche prend le pouvoir.

(1) « Colombia is like Vietnam », traduit de l’espagnol par Nathalie Alsop, Agence de nouvelles Anncol 0 http0//www.anncol.com