Des universités francophones veulent fonctionner davantage en anglais

Pour attirer plus d'étudiants non-francophones

L'Université de Montréal et l'Université du Québec à Montréal ont récemment annoncé qu'elles étudient la mise en place de diverses mesures linguistiques visant à accueillir davantage d'étudiants anglophones et allophones pour maintenir leur statut face aux institutions anglophones. Mais la solution au déséquilibre appréhendé ne résiderait-elle pas dans un financement plus équitable entre les deux réseaux et à l'extension au cégep des mesures obligeant les allophones à fréquenter les institutions scolaires francophones ?

Le groupe de travail de l'UQAM évoque la possibilité pour les étudiants non-francophones de remettre leurs travaux et leurs examens en anglais. À l'Université de Montréal, où cela se fait déjà pour les cycles supérieurs, on envisage de généraliser cette pratique au premier cycle.

Toujours le pot de fer et le pot de terre

Favorables à cette mesure, certains auteurs invoquent le fait qu'elle est utilisée depuis longtemps dans les universités anglophones à l'égard des étudiants francophones. Cependant, comme le mentionne Louis Gill, vice-président du Syndicat des professeurs de l'UQAM, les universités francophones ne peuvent être vues en simple symétrie avec les universités anglophones au sein d'une société francophone où le français, encore prédominant et langue officielle, est néanmoins la langue menacée.

Selon Louis Dumont, le président du Syndicat général des professeurs de l'UdeM, bien que l'accueil d'étudiants dont la langue d'usage n'est pas le français soit une problématique criante au baccalauréat, il est loin d'être évident qu'accepter que les étudiants fonctionnent en anglais soit leur rendre service. Même Lysianne Gagnon souligne les difficultés d'application d'une telle mesure et se demande si les étudiants y trouvent nécessairement leur intérêt.

L'enseignement en anglais envisagé à l'UQAM

En outre, le rapport soumis à l'UQAM par le groupe de travail présidé par Paul Bélantger recommande que tous les étudiants puissent suivre 10 % de leurs cours en anglais, en espagnol ou en portugais. Cette dernière mesure est émise tant pour attirer des étudiants non francophones que pour permettre à l'ensemble des étudiants d'être exposé à des langues autres que le français .

Louis Gill fait remarquer que, déjà, les étudiants ont à lire une documentation dans diverses langues, principalement en anglais! En complément des cours de langues offerts, des programmes d'échange d'étudiants et de stages sont le moyen par excellence d'atteindre l'objectif d'apprentissage des langues secondes. Selon M. Gill, s'il faut tout mettre en oeuvre pour favoriser l'apprentissage de langues secondes, il faut par contre rejeter, dans les universités francophones, le recours à d'autres langues d'enseignement que le français, sauf pour l'enseignement des langues.

Il estime que, dans le contexte actuel, le plus grand défi des universités francophones est de demeurer francophones et de se renforcer comme telles. Les propositions du groupe de travail Bélanger constitueraient un dangereux glissement à cet égard. L'université francophone québécoise, dit-il, risque de s'effacer progressivement devant une éventuelle université pluriculturelle et plurilingue, dans les faits bilingue, inévitablement vouée à la domination de l'anglais envahissant.

Déséquilibre fiscal entre les universités francophones et anglophones

Un cadre juridique serait nécessaire pour fixer clairement les responsabilités respectives des universités francophones et anglophones, ainsi que des règles de conduite en matière de langue d'enseignement.

À cet égard, il faut noter que la plus récente loi modifiant la Charte de la langue française, soit la loi 104 adoptée en juin dernier, prévoit que les établissements d'enseignement collégial et universitaire doivent se doter, tout en tenant compte de leurs particularismes linguistiques, d'une politique relative à l'emploi et à la qualité de la langue française. Cependant, la loi 104 ne donne pas de balise ou de ligne de conduite quant au contenu d'une telle politique.

Par ailleurs, Michel Moisan, professeur de physique à l'UdeM, considère qu'une des causes de la taille restreinte des effectifs étudiants non-francophones réside dans le financement public moindre des universités francophones. Il a effectué une étude qui indique que le réseau anglophone reçoit du gouvernement du Québec un financement public 2,7 fois supérieur au poids démographique de la population anglophone. Le fédéral contribue pour plus de 4 fois le poids démographique des anglophones. Ce financement crée une surabondance de places disponibles dans le réseau anglophone. M. Moisan proposait que, notamment pour des raisons d'équité sociale, le financement public des deux réseaux universitaire soit rééquilibré.

Plus récemment, Michel Moisan proposait comme mesure minimale pour inclure davantage les étudiants allophones dans le réseau francophone d'appliquer la Loi 101 au cégep. Une telle mesure permettrait, tout en assurant à la minorité anglophone l'accès au réseau public de cégep anglais, de renforcer significativement la force d'attraction et d'intégration du français, ainsi que son établissement en tant qu'une véritable langue commune.