Un forum de gestionnaires sur l'enseignement au Cegep

Le ministère Reid a pris le parti de la médiocrité

Les 9 et 10 juin derniers s’est tenu le forum sur l’avenir des cégeps à l’hôtel Concorde à Québec. En plus d’y être sous-représentés, les étudiants, parents, employés de soutien et professeurs avaient adéquatement flairé le vaudeville. Ils ont formé la Coalition-Cégeps.

Ce regroupement a organisé une journée d’action le 9 juin commençant par une importante manifestation de 2000 participants au pied de l’immeuble. La foule s’est ensuite déplacée sur les plaines d’Abraham afin d’assister au forum parallèle, qui s’est penché sur l’avenir de l’enseignement collégial au Québec.

L’événement a permis aux premiers concernés par l’avenir des collèges de bien faire entendre leur vision et d’échanger entre eux. Ronald Cameron, président de la Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec (FNEEQ), se trouve enchanté de ce rassemblement démocratique.

Il en va tout autrement du forum officiel mis sur pied par le ministre de l’Éducation, Pierre Reid, qui y a exposé toute sa médiocrité. Le politicien a choisi pour son forum la même date que le 24e Congrès annuel de l’Association québécoise de pédagogie collégiale, éloignant ainsi bon nombre d’intéressés. De plus, au mois de juin, les étudiants ont terminé leur session et sont éparpillés, rendant leur rassemblement improbable.

À l’intérieur du prestigieux hôtel, le forum n’était pas ouvert au public. L’espace de parole fut principalement alloué aux gestionnaires d’établissements et autres intervenants extérieurs, au détriment des acteurs de première ligne, comme les étudiants, professeurs et employés de soutien.

Alain Dion, président de la Fédération autonome du collégial (FAC), se désole que Reid n’ait dressé aucune balise orientant la discussion : « Au lieu d’être constructifs et posés, les débats ont été enflammés et démagogiques. Chaque gestionnaire a essayé de tirer la couverte de son côté. »

Ainsi, la fédération des commissions scolaires et les recteurs d’universités, sauf celui de l’Université Laval, ont essayé de se partager le réseau collégial.

Le forum fut une véritable bouffonnerie. Les intervenants invités ne disposaient que de trois minutes d’audience, après quoi les organisateurs fermaient leur micro.

De plus, le président de la CSQ, Réjean Parent, signale que Reid n’a retenu presque aucun message livré durant les deux journées d’audience : « Le ministre a fait écho aux seules revendications de la Fédération des cégeps qui a plaidé en chœur pour la décentralisation et l’autonomie des collèges. »

Ronald Cameron explique que « les directeurs des cégeps voudraient que les collèges deviennent indépendants les uns des autres, comme de petites universités. » Cette décentralisation leur octroierait plus de pouvoir, mais serait lourde de conséquences pour le système d’éducation québécois.

Alain Dion affirme que cette piste créerait assurément une importante concurrence entre les cégeps et conduirait au démembrement du réseau collégial. Il explique que « l’objectif derrière cette réforme est de favoriser la rivalité entre les collèges, mais aussi avec les établissements des autres provinces canadiennes et des États-Unis. » Les accords de libre-échange et l’Organisation mondiale du commerce cherchent à libéraliser l’éducation.

Par exemple, un étudiant en sciences humaines établi à Rimouski pourrait suivre un cours d’histoire des États-Unis dispensé par une université californienne via Internet. Cette institution recevrait alors sa part du financement gouvernemental au détriment du cégep concerné. Puisque la situation inverse est franchement improbable, cette concurrence portera atteinte à notre culture de même qu’à nos emplois.

Ronald Cameron se désole : « Les cégeps ont 35 ans. Ils ont permis à la population québécoise d’accéder à l’éducation supérieure et affichent aujourd’hui les meilleurs résultats de l’Amérique du Nord quant à l’accessibilité à l’éducation post-secondaire. Face à ce constat, le ministre remet l’institution en question. »

Le forum fut un fiasco. Réjean Parent dénonce l’incertitude créée par Pierre Reid : « Nous sommes extrêmement déçus, car nous sommes plus que jamais dans le flou concernant l’avenir de l’enseignement collégial ».

Mécontents de la situation, enseignants, personnel de soutien et étudiants promettent une chaude lutte cet automne.